“Jésus et les femmes”, voilà un titre qui fait vendre quel que soit le contenu du propos. Sur Youtube, un titre pareil s’appelle aujourd’hui “pute à clics”, un titre qui fait vendre quel que soit le contenu du propos… Malheureusement, parler de Jésus et des femmes tourne en général à une prise de position sur l’église catholique et les femmes. Que se soit dans la défense ou la critique, penser le rapport de Jésus aux femmes revient ainsi toujours à interroger la discipline de l’église catholique d’aujourd’hui, et majoritairement sous deux angles : “Pourquoi n’y-a-t-il pas de femmes prêtres ?” et “pourquoi les prêtres sont-ils célibataires ?”.
À vrai dire, si le sujet dérive systématiquement sur la position de l’Église, c’est parce que les textes des Évangiles sont beaucoup moins croustillants que notre mentalité contemporaine le voudrait. D’abord, force est de constater que dans ses enseignements, Jésus n’aborde à aucun moment la différence homme/femme et la problématique de l’égalité ou de la soumission. Il y a bien la question de la répudiation et de l’indissolubilité du mariage (Mt 19), mais, sinon, Jésus n’aborde jamais la question du rapport homme/femme.
En fait, c’est plus dans les épisodes de rencontres avec des femmes que nous apprenons son rapport avec elles. Le pa sage le plus significatif est peut-être le long dialogue de Jésus avec la Samaritaine. Ce fameux récit se trouve dans l’Évangile de saint Jean, au chapitre quatre. Jésus y rencontre une femme samaritaine – pour faire bref, disons que les Samaritains étaient une branche séparée du judaïsme et considérée comme païenne par les juifs – en plein midi au bord d’un puits et en guise de salutation, il lui dit “Donne-moi à boire”. C’est une mise en situation très délicate, car à cette heure de grande chaleur, ne venaient au puits que les personnes en marge de la société et qui du coup ne risquaient pas de croiser qui que ce soit, les “gens bien” allant chercher de l’eau à des heures plus clémentes. La Samaritaine est donc probablement une femme aux mœurs légères, ou du moins supposée telle par les autres.
Le puits est symbole des rencontres amoureuses dans la Bible, comme dans la rencontre d’Isaac et Rébecca (Gn 24) ou Moïse et Séphora (Ex 2). De plus, la femme entreprend avec Jésus un dialogue ambigu qui ressemble fortement à une sorte de flirt, au point que lorsqu’il lui demande d’aller chercher son mari, la réponse “Je n’ai pas de mari” ressemble bien à une sorte de racolage. S’en suit la révélation par Jésus de son identité de Messie qui la bouleverse et la pousse à aller l’annoncer à tous. Les disciples reviennent sur ces entrefaites, et le caractère gênant de ce moment au bord du puits est souligné par la mention qu’ils étaient surpris de le voir parler avec cette femme mais ne dirent rien.
Jésus a-t-il donc vécu une sorte de rencontre amoureuse ?
Que veut dire cette salutation : “Donne-moi à boire” ? Est-il possible que Jésus soit tombé amoureux ? Si ce n’est de la Samaritaine, n’a-t-il pas été amoureux de Marie- Madeleine comme tant l’ont prétendu ? En fait, rien dans les quatre Évangiles ne permet de le dire. Ce sont les textes apocryphes (c’est-à-dire “d’origine inconnue”) qui ont toujours engendré ces questions, en particulier l’évangile de Marie-Madeleine qui dit : “Le Seigneur aimait Marie plus que les disciples et il l’embrassait souvent sur la bouche. Et Pierre dit : sœur, nous savons que le Seigneur t’a aimée différemment des autres femmes.” Les évangiles apocryphes ne sont pas des textes cachés, seulement des textes connus et répertoriés depuis les premiers temps de l’Église mais considérés comme en marge parce que trop tardifs et incohérents avec les documents principaux que sont les quatre Évangiles que les communautés ont reconnus dès le départ comme supports pour la connaissance de Jésus.
Jésus est dans un rapport serein avec les femmes
On peut gloser à l’infini sur les rapports de Jésus avec Marie-Madeleine et les autres femmes ainsi que sur sa sexualité, on peut supposer ce que l’on veut. Pourtant force est de constater que Jésus est d’abord et surtout dans un rapport serein et naturel avec les femmes. Jésus vit en fait simplement dans la chasteté. Ce gros mot est aujourd’hui confondu avec “abstinence” et parfois aussi avec “frustration” ; il n’est en fait que la définition du rapport sage de l’un à l’autre. Chasteté vient en effet du latin castus et signifie “séparation”. La chasteté est la vertu par laquelle nous voyons l’autre comme un être différent de nous-mêmes et que nous pouvons contempler avec admiration. Cette contemplation de l’autre est simplement le sens du mot respect, qui vient de re-spectare, c’est-à-dire “regarder à nouveau” ou “à distance”.
La chasteté enseignée par Jésus est donc d’abord un respect, certainement pas un mépris ou une peur mais une considération juste de l’autre dans la valeur de sa différence. D’ailleurs, l’antonyme de “chaste” en français est bien “inceste”, crime de celui qui manque suprêmement au devoir de distance juste avec celui de son sang. Alors oui, Jésus a aimé les femmes, il a aimé chaque personne croisée. Mais il les a aimées comme Lui seul pouvait aimer : sans emprise, sans exclusivité, en parfaite liberté. Sans doute que cela en déçoit certains, qui le trouvent trop divin pour être homme et trop humain pour être Dieu, c’est précisément pour cela que les Évangiles apocryphes ont été écrits, pour pousser dans un sens ou dans l’autre. Le Jésus de la Bible, lui, reste tout simplement équilibré pour l’espoir de certains et la déception des autres…
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