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À Paris, il faut mourir caché

METRO MAN

Annie Mole I CC BY 2.0

Ambroise Dumant - publié le 19/04/18

Le mercredi 18 avril 2018 fut un jour de tristesse, de révolte, d’indifférence. Mercredi 18 avril 2018 était un jour de deuil. 

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« En raison d’un incident voyageur, les trains direction Nation ne marquent pas l’arrêt à la station Montparnasse-Bienvenue ». Il est 8h38, je découvre, agacé, qu’un ruban rouge et blanc ferme les quais du métro. L’irritation se mue en étonnement lorsque j’aperçois derrière la frêle barrière un couple de policiers. « Un SDF est mort, ça devrait pas prendre trop de temps » me dit l’un d’eux, avant d’ajouter, gêné, « si je puis dire ». Et l’agent de s’excuser pour le « dérangement ».

Policé, je prends l’itinéraire de substitution conseillé, sans un mot. La tristesse m’envahit alors. Je repense à cet habitant du quai de métro de la station Montparnasse-Bienvenue que j’ai côtoyé pendant 3 mois, quotidiennement, vers 8h38. Combien de fois, je l’ai regardé dormir la tête cachée sous un vêtement maculé, peut-être pour cacher sa honte, sûrement pour se protéger de la lumière éthérée que projettent les néons de l’établissement public dès l’aube. Aube qu’il n’avait pas dû voir depuis longtemps, comme l’attestait son immobilité immuable.


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Après la tristesse vient la rêverie chagrine. Même cet homme avait eu un jour des parents. Peut-être aimants, peut-être pas assez. Mais il est certain qu’une mère avait souffert pour lui donner la vie. Le mettre au monde ; le remettre au monde lorsqu’elle le quitta ; le monde, aujourd’hui, l’a remis à sa mère. Le monde n’en a pas voulu, n’a pas su le regarder, et encore moins l’aimer. Du beau monde pourtant : douché, branché, éveillé, abreuvé, repu, et feignant l’indifférence ou le déni. J’ai alors honte d’en être.

Le métro que j’arrive finalement à attraper à la station suivante passe lentement le long des quais de Montparnasse-Bienvenue, mais ne s’y arrête pas. Les voyageurs aperçoivent cette housse blanche qui recouvre désormais le corps inerte, ou ne l’aperçoivent pas d’ailleurs, car le personnel tend une couverture de survie en guise de parapet. Circulez, vous, la vie, il ne se passe rien ici. La mort n’existe pas. Sa mort n’existe pas. Sa mort et sa vie vous dérangeraient trop un beau matin de printemps à 8h38.


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L’après-midi, je risque un coup d’œil sur Internet, pour regarder si l’on parlait de lui. Évidemment, rien. Il ne reste donc que la prière. Il faut surtout la prière. Il suffira certainement d’une prière pour mon collègue de 8h38.

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