Aleteia logoAleteia logoAleteia
Vendredi 19 avril |
Aleteia logo
Décryptage
separateurCreated with Sketch.

Objection de conscience : le président du syndicat des gynécologues dénigré

BERTRAND DE ROCHAMBEAU

MIGUEL MEDINA I AFP

Bertrand de Rochambeau

Gabrielle de Loynes - publié le 14/09/18

Interviewé le 11 septembre dans l'émission le Quotidien sur TMC, Bertrand de Rochambeau, médecin et président du SYNGOF, le syndicat des gynécologues, s’est exprimé sur son refus personnel de pratiquer l'IVG. Une déclaration qui a aussitôt fait le buzz dans les médias et vivement critiquée par la ministre des Solidarités et de la Santé et la Secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes.

Réjouissez-vous ! L’article que vous allez lire est entièrement gratuit. Pour qu’il le demeure et soit accessible au plus grand nombre, soutenez Aleteia !

Je fais un don*

*avec réduction fiscale

C’est dans le cadre d’un reportage sur les hôpitaux publics qui ne pratiquent plus l’IVG que Bertrand de Rochambeau, gynécologue et président du SYNGOF, a accepté de répondre aux questions de l’équipe de l’animateur TV Yann Barthès. « Moi je fais un métier avec mes tripes. Je me lève à n’importe quelle heure. La nuit, je fais des opérations très difficiles, avec mes tripes. Et donc, aux choses auxquelles je ne crois pas, je ne les fais plus. Nous ne sommes pas là pour retirer des vies », a-t-il confié sincèrement. Interpellé sur le fait que « retirer une vie à un enfant à naître n’est pas une vie au sens juridique, ce n’est pas un homicide » et que toutes les femmes « ne considèrent pas qu’avoir un embryon dans le ventre c’est une vie», il a rétorqué : « Et bien ça c’est son opinion. Moi, en tant que médecin, je ne suis pas forcé d’avoir votre opinion. Et si je ne l’ai pas, la loi me protège et ma conscience aussi ».

De la déclaration personnelle au lynchage médiatique

Ces propos, qui ont fait le buzz sur la toile, ont été aussitôt condamnés avec sévérité. Dans un communiqué publié en commun, la ministre de la Santé, Agnès Buzyn et Marlène Schiappa, la Secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, ont déclaré que « rien ni personne ne doit entraver » le droit à l’IVG. « Nous ne devons laisser passer aucune attaque, d’où qu’elle vienne, contre le droit des femmes à accéder librement à l’avortement», ont-elles affirmé. Pourtant, n’en déplaise à ses opposants, tout gynécologue en France a le droit de refuser de pratiquer personnellement une IVG. Le droit à l’objection de conscience leur est garanti et ce, depuis la légalisation de l’avortement. Les propos de Bertrand de Rochambeau étaient donc justes, la loi le protège et sa conscience aussi.


MEDICAL,HOSPITAL

Lire aussi :
Avortement : le syndicat des gynécologues défend la clause de conscience

C’est donc sous l’angle de son statut de président du SYNGOF que les propos ont été mal reçus. Accusé par le collectif national pour les droits des femmes de faire « ouvertement de la pub aux lobbys anti IVG », il est aussi critiqué par le Conseil de l’ordre des médecins, qui a estimé mercredi dans un communiqué que « cette opinion personnelle ne peut effacer le fait que le Dr de Rochambeau est également président du Syndicat national des gynécologues-obstétriciens, ce qui pose le problème de la portée de ses propos tenus dans une émission de grande écoute ». De son côté, Bertrand de Rochambeau reconnaît avoir été « manipulé » par la journaliste de TMC « pour faire le buzz ». « A plusieurs reprises, j’ai rappelé que je m’exprimais en mon nom propre, mais cela a été coupé. J’ai été son trophée», déplore-t-il. Son opinion personnelle, il ne la renie pas. Pour lui, « l’IVG n’est pas un acte comme les autres, on retire une vie pour soulager une femme en grande détresse, c’est toujours un drame ».

L’enfant à naître, de la théorie juridique à la pratique

Depuis la loi Veil du 17 janvier 1975, l’interruption volontaire de grossesse est légale. Aujourd’hui, elle peut être pratiquée par un médecin ou une sage-femme jusqu’à la fin de la douzième semaine de grossesse. Légale, elle ne peut donc pas être assimilée juridiquement à un homicide qui constitue le fait de donner volontairement la mort à autrui. C’est ainsi que la jurisprudence refuse d’étendre l’homicide, volontaire ou non, au cas de l’enfant à naître. Le droit est clair, l’enfant à naître n’est pas une personne juridique.




Lire aussi :
Objection de conscience : les pharmaciens dédaignés

Mais, selon Jean Mouly, Professeur de droit à l’Université de Limoges, « cette prise de position doctrinale relève davantage d’opinions personnelles, certes respectables, mais néanmoins partisanes, que d’un raisonnement respectueux des préceptes du droit pénal ». Une autre position consisterait à penser que l’atteinte à la vie n’est pas seulement une atteinte à la personne humaine, juridiquement limitée, mais une atteinte à l’être humain dès le commencement de sa vie. C’est cette conviction personnelle qui peut conduire le personnel médical à refuser de pratiquer une IVG et que la loi ne peut forcer.

L’objection de conscience, une protection « à maintenir »

L’article L2212-8 du code de la santé publique est sans ambiguïté : «un médecin n’est jamais tenu de pratiquer une IVG», de même qu’«aucune sage-femme, aucun infirmier ou infirmière, aucun auxiliaire médical, quel qu’il soit, n’est tenu de concourir» à cet acte médical. S’il refuse de pratiquer une IVG, le médecin est toutefois tenu de «communiquer immédiatement le nom de praticiens susceptibles de réaliser cette intervention». Dans ces conditions, tant le droit de la femme à l’IVG, que les convictions personnelles du médecin sont préservés. Il n’y a donc point de raison d’être choqué, de scandale, ni de prétendu « retour en arrière » ou « entrave aux droits des femmes », mais simplement une clause de conscience légale, seule susceptible de protéger la liberté de penser. « C’est une question éthique et pas seulement un geste médical » rappelait Simone Veil interviewée sur cette question en 2007. « C’est un point à maintenir, car on ne peut obliger personne à aller contre ses convictions. Il est de plus en plus évident scientifiquement que, dès la conception, il s’agit d’un être vivant » a-t-elle ajouté. A cet égard, les défenseurs de la clause de conscience peuvent être rassurés. A l’issue de l’interview litigieuse, la journaliste de TMC concluait « on a demandé à Marlène Schiappa si la clause de conscience allait être supprimée ou pouvait l’être et elle nous a répondu que ce n’était pas du tout d’actualité ».

Tags:
Avortementclause de conscienceSanté
Soutenez l’aventure missionnaire qu’est Aleteia !

Vous n’avez jamais fait un don à Aleteia ?  De grâce, faites-le, maintenant.
Aleteia se doit d’être gratuit : les missionnaires ne font pas payer l’évangélisation qu’ils apportent. Grâce à cette gratuité, chaque mois 10 à 20 millions d’hommes et de femmes - majoritairement des jeunes -, visitent la cathédrale virtuelle qu’est Aleteia. Mais vous le savez, si l’entrée de nos églises n’est pas payante, c’est parce que les fidèles y donnent à la quête.

Vous aimez Aleteia ? Vous voulez être de l’aventure missionnaire qu’est Aleteia ?

Alors, sans attendre, aujourd’hui même, donnez !

*avec déduction fiscale
FR_Donation_banner.gif
Top 10
Afficher La Suite
Newsletter
Recevez Aleteia chaque jour. Abonnez-vous gratuitement