C’est le slogan de ce mouvement radical : « Si tu aimes tes enfants, ne les mets pas au monde, c’est une poubelle». Une vision bien pessimiste de l’humanité pour un groupement qui revendique une démarche humaniste. Selon la fondatrice des Ginks, la chroniqueuse Lisa Hymas, « la maternité devrait être plus réfléchie. Il s’agit d’un choix qui va au-delà d’un besoin personnel égoïste, mais qui doit aussi prendre en compte l’intérêt de tous ». Leur manifeste repose sur diverses études selon lesquelles une famille américaine qui choisit d’avoir un enfant en moins réduirait autant ses émissions de Co2 que 684 adolescents qui décident de recycler leurs déchets durant le reste de leur vie. Refuser de faire des enfants devient donc un geste militant, car cela reviendrait à alléger son empreinte climatique.
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Ce combat lunaire n’est pas seulement mené outre-mer. En France, Corinne Maier, auteur du livre No Kids : 40 bonnes raisons de ne pas avoir d’enfants, explique que le seul moyen d’enrayer cette surpopulation et ce « désastre écologique » est de ne pas avoir d’enfant. Cette mère de deux enfants va même jusqu’à regretter de les avoir mis au monde…
L’imposture de l’argument démographique
Pour l’agroécologiste Pierre Rabhi, auteur de l’ouvrage Vers la sobriété heureuse, interviewé par La Croix, « l’argument démographique est une imposture. Il y a largement de quoi nourrir tout le monde ». Selon l’Ined, la population mondiale en 2018 est estimée à 7, 597 milliards d’habitants. Parmi eux, 1, 277 milliards vivent en Afrique contre 326,8 millions aux États-Unis. La vraie question, selon Pierre Rabhi « est celle de l’équité, de la répartition des ressources ». « Moins d’un cinquième de l’humanité collecte les 4/5 des ressources de la planète, surconsomme et jette, alors qu’un enfant meurt de faim toutes les 7 secondes ». L’empreinte carbone n’est pas la même pour tous. Ainsi, un africain émet 2,4 tonnes de CO2 par an, contre 20 tonnes pour un américain… Considérer le problème écologique sous le seul angle démographique est donc extrêmement réducteur.
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Ce n’est pas uniquement le chiffre d’une population qui compte, mais bien son niveau de vie et sa façon de consommer. « Parler de démographie est trop souvent une façon d’occulter tous les autres problèmes », affirme Jacques Véron, chercheur à l’Ined et spécialiste de cette question. C’est ce que dénonce le Pape François dans son encyclique Laudato’si : « accuser l’augmentation de la population et non le consumérisme extrême et sélectif de certains est une façon de ne pas affronter les problèmes ».
Procréer moins pour consommer plus
Ce fut l’un des premiers arguments avancés par Nicolas Sarkozy lors de la campagne des primaires de la droite. Selon lui, le problème écologique « numéro 1 » ne serait pas le réchauffement climatique, « la Terre en a vu d’autres », lançait-il devant une foule de chefs d’entreprise, mais le choc démographique. C’est finalement la suite logique du « travailler plus pour gagner plus », procréer moins pour consommer plus. C’est là tout le paradoxe des Ginks. Dénoncer l’égoïsme de la maternité, d’une part, faire l’éloge d’un mode de vie individualiste et consumériste, d’autre part. « Voici le sale petit secret que nous ne sommes jamais censés dire en société : il y a beaucoup d’avantages à vivre sans enfant» écrit Lisa Hymas dans son manifeste. Être parent c’est se priver d’une vraie carrière professionnelle, de « voyages impulsifs », de « samedis soir sans lendemain », de « brunchs le dimanche », de « nuits de huit heures paisibles et ininterrompues », de « sorties » théâtre et cinéma. On ne peut pas dire le contraire, « une vie sans enfant signifie aussi beaucoup plus de liberté financière ».
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Ce n’est pas un hasard si c’est dans la pensée de Malthus, économiste de la fin du 18ème, que l’on trouve la première démonstration de l’impact néfaste de la croissance démographique sur l’environnement. Le cœur du problème écologique, c’est avant tout notre modèle économique, social, et politique. Si l’on est nombreux, dans un monde aux ressources limitées, c’est certain, il n’y en aura pas assez pour tout le monde. Entre économie consumériste et écologie, il faut choisir. Car, si l’ensemble de l’humanité adoptait le modèle économique américain, il faudrait plus de quatre Terres pour subvenir à nos besoins. C’est ce que relève pertinemment le manifeste des Ginks, « l’américain moyen génère environ 66 fois plus de CO2 chaque année que l’habitant du Bangladesh, soit 20 tonnes contre 0,3 tonne ». Pour les Ginks, le choix est fait : ce sont les naissances qu’il faut limiter.
Jeunes générations, les écolos de demain
Les Ginks, « c’est la nouvelle sagesse qui peut sauver notre monde et j’espère que cela gagnera beaucoup de femmes convaincues de la noblesse efficace de ce choix», témoigne une militante. Efficace, ce choix l’est certainement. C’est là que se situe le nœud du problème. Si ces écologistes, aujourd’hui minoritaires, cessent d’avoir des enfants, leur proportion dans la société future va mathématiquement diminuer. Faire moins d’enfants, serait donc le geste ultime et final de l’écologie. Il reviendrait à signer l’arrêt de mort de toute l’espèce humaine écologiste. Pour sauver la planète, au contraire, les écologistes ont tout intérêt à se reproduire. Car, ce ne sont pas les enfants qui sont à l’origine du problème, mais le mode de consommation de leurs parents. L’avenir de la planète ne se joue peut-être pas tant sur le nombre d’enfants conçus que sur la façon de les éduquer. Éduquer ses enfants à un mode de consommation responsable est sans doute plus efficace que de ne pas en avoir.
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