La pratique religieuse de Frédéric Chopin prend fin au moment de son immigration de Pologne pour la France, le 2 novembre 1830. Ses nouveaux amis parisiens, pour la plupart, ne sont pas croyants. Rapidement, Chopin lui-même oublie la ferveur de son enfance. Sa nouvelle vie est entièrement absorbée par ses tourments artistiques et, quand il n’est pas en train de composer, par les mondanités. Ce jeune génie venu de loin devient la coqueluche de tous les salons parisiens. Et la foi héritée de sa mère, très pieuse, s’évanouit quand Frédéric Chopin tombe amoureux de Delfina Potocka et surtout de George Sand, de son vrai nom Aurore Dudevant.
Un ami de jeunesse
Depuis son enfance, Chopin souffre d’une santé fragile. Il traverse les dernières années de sa vie très affaibli, notamment à cause d’infections pulmonaires de plus en plus graves et fréquentes. À cette période, ses amis décrivent son visage comme « pâle et transparent comme de l’albâtre ». Malgré les signes d’une fin qui s’approche, le compositeur ne retourne pas à la vie spirituelle. Un jour, il retrouve son ami de jeunesse, le père Aleksander Jelowicki, aumônier de la communauté de l’immigration polonaise à Paris. Frédéric se sent très proche d’Aleksander mais encore plus de son frère Edward, mort pendant la Révolution autrichienne, le 10 novembre 1848.
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Le père Aleksander, sachant que Chopin est en très mauvaise santé, tente plusieurs fois de le réconcilier avec Dieu. En vain. Finalement, le compositeur accepte uniquement de se confier “en ami”. S’il raconte simplement sa vie, il refuse fermement le sacrement de la confession. Parfaitement conscient de la mort qui approche, Chopin est désolé pour sa mère, encore vivante, accablée de le voir mourir sans recevoir les derniers sacrements. Mais il explique à son ami qu’il ne peut pas, par honnêteté, les accepter : il n’y croit pas.
Une petite ruse
Dans la soirée du 12 octobre 1849, le médecin personnel du compositeur, le docteur Cruveilhier, informe le prêtre que Chopin risque de ne pas passer la nuit. Le père Aleksander se rend immédiatement chez son ami. Quand il entre dans sa chambre, le malade lui dit tout de suite : “Je vous aime vraiment, mais ne dites rien, allez dormir”. Le père repart et passe toute la nuit à prier. Le lendemain matin, le jour de la fête de son frère décédé, il célèbre la messe à son intention et en même temps il prie Dieu pour qu’il l’aide à gagner l’âme de Chopin.
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Il décide de visiter à nouveau son ami. Alors que le malade prend son petit déjeuner, le père Aleksander lui dit de façon détachée : « Vous savez que nous célébrons aujourd’hui la fête d’Edward que vous aimez tant… » Chopin est apparemment ému. Sans perdre un instant, le prêtre continue :
« Le jour de sa fête, offrez-moi un cadeau, s’il vous plaît – Je vous offre ce que vous voulez – Donnez-moi votre âme. »
Chopin comprend sa demande et lui dit oui. Il tente de s’assoir sur le lit. Le père Aleksander fait signe aux autres de quitter la chambre. Le prêtre tombe à genoux en priant Dieu de “prendre lui-même l’âme” de son ami. Il tient la croix et demande à Chopin :
« Vous y croyez ? – Oui – Vous y croyez comme votre mère vous l’a appris? – Oui, comme ma mère me l’a appris. »
La confession dure ensuite plusieurs heures sans interruption. Suivent les trois jours de son agonie. Quand il retrouve conscience, Chopin regarde ses proches autour de lui qui semblent pétrifiés de tristesse. Il demande au prêtre : « Mais que font-ils ? Pourquoi ne prient-ils pas ? »
À la source du bonheur
Dans ses dernières heures, Chopin tient la main du père Aleksander et lui demande de veiller sur lui. Il invoque Marie, Jésus et saint Joseph et exhorte les médecins de le laisser mourir :
« Laissez moi, il est temps de mourir. Dieu m’a pardonné et il m’appelle. Laissez-moi, je veux mourir. »
Il console ses amis en disant :
« J’aime Dieu, je vous aime… Il est bon de mourir ainsi. Ne pleurez pas, chers amis. Je sens que je meurs. Priez avec moi. Adieu, au Ciel. Je suis à la source du bonheur. »
Frédéric Chopin meurt de la tuberculose dans la nuit du 17 octobre 1849 au 12 Place Vendôme à Paris. Entouré de ses amis, il tient une croix dans ses mains. Treize jours plus tard, de nombreux proches, amis et admirateurs lui disent au revoir au cimetière Père-Lachaise. Albert Grzymala, ami de l’artiste qui l’assiste dans ses dernières heures écrit àun proche : « Jamais l’antiquité, même la plus stoïque, n’a laissé d’exemple d’une mort plus belle et d’une âme plus grande, plus chrétienne et plus pure. »