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La Malaisie veut en finir avec la plaie des épouses enfants

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Paul De Maeyer - publié le 30/10/18

Après avoir annoncé son intention de bannir la peine de mort, le nouveau gouvernement de Mahathir Mohamad veut aussi mettre de l’ordre dans le système juridique concernant les mariages.

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Le nouveau gouvernement malaisien, dirigé par le premier ministre Mahathir Mohamad, élu en mai dernier, dit « non » au mariage des enfants. Dans une directive adressée aux autorités des différents États, il ordonne que l’âge minimum du mariage à 18 ans soit respecté selon la loi sans permettre d’exceptions comme cela était généralement le cas, rapporte l’agence UcaNews dans un article paru le 22 octobre dernier. Deux semaines plus tôt, le gouvernement avait également annoncé qu’il abolirait la peine de mort.

Comme l’explique l’agence catholique basée à Hong Kong, l’âge minimum fixé était de 18 ans, mais des exceptions étaient effectivement permises. Pour les non-musulmans, sur autorisation du Chief Minister, autrement dit du premier ministre de l’État de résidence, les filles peuvent se marier même à 16 ans. En revanche la loi islamique fixe l’âge minimum des jeunes filles à 16 ans, mais avec la « dispense » d’un tribunal islamique, elles peuvent se marier à un âge inférieur.


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Selon les statistiques gouvernementales citées par UcaNews, ces dix dernières années, près de 15.000 mariages de mineurs ont été contractés dans le pays. Dans deux tiers des cas il s’agissait d’unions impliquant des partenaires de confession musulmane, le dernier tiers de personnes issues d’autres confessions religieuses.

Les raisons d’une décision

Plusieurs raisons ont incité l’exécutif malaisien à agir. La première est sans aucun doute le scandale qu’a suscité, en juin dernier, la nouvelle du mariage d’une fillette de 11 ans, d’origine thaïlandaise, avec un homme de 41 ans qui avait déjà deux épouses et six enfants. « Si c’est vrai, c’est choquant et inacceptable », avait réagi la représentante du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) dans le pays, Marianne Clark-Hattingh, citée par le journal anglais The Independent. Celle-ci avait alors appelé le nouveau parlement de Malaisie à modifier la loi. La deuxième raison est une fatwa publiée en 2014 par le National Fatwa Council, affirmant que le mariage de mineurs est une « pratique malsaine », qui crée « plus de mal que de bien, aux plans notamment sanitaire et psychologique, chez l’enfant concerné ».




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Mais il y a eu aussi la récente visite en Malaisie de la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la vente et l’exploitation sexuelle des enfants, Maud de Boer-Buquicchio. Elle a affirmé sans détours que « pour aider un enfant à sortir de la pauvreté, il faut l’instruire, et non l’épouser ». C’est en effet souvent la pauvreté qui est à l’origine de ces mariages, mais également une mentalité patriarcale, de vieilles coutumes ou des idées fausses sur les rapports sexuels avant le mariage, a souligné la représentante spécial de l’ONU, citée par The Star.

Après avoir reconnu « la complexité des systèmes juridiques parallèles en Malaisie, y compris les différences entre les lois fédérales et celles des États », l’experte hollandaises des droits de l’homme s’est félicitée des efforts déployés dans tout le pays pour renforcer la protection des enfants. L’adoption en avril 2017 d’une loi sur les infractions sexuelles contre les enfants (SOACA) a permis de mettre en place des tribunaux spéciaux, de renforcer la sécurité sur Internet et d’enrayer la diffusion de matériels pornographique.

Le cas du Bangladesh

Dans les autres pays d’Asie, le nombre de mariages d’enfants est en baisse. Mais il reste élevé, voire le plus élevé au monde. C’est notamment le cas du Bangladesh, selon un rapport publié ces derniers jours à l’occasion de la Semaine des droits de l’enfant 2018 par l’ONG Ain O Salish Kendra (ASK).

Alors qu’en 2017, plus de la moitié des filles du pays étaient mariées avant d’atteindre leur 18e anniversaire, une enquête menée de 2016 à 2017 dans 19 districts a montré que le taux de mariage chez les enfants de moins de 15 ans est tombé de 62,8% en 2015 à 10,7% l’an dernier. En revanche, le nombre de mariages d’enfants de moins de 18 ans a très peu baissé, passant de 62,8% en 2015 à 59,7% en 2016.




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Dans son rapport, l’ONG recommande, entre autres, que les législateurs comblent les lacunes relevées dans la Child Marriage Restraint Act, approuvée par le Parlement de Dhaka en février 2017 ; et pour prévenir tout abus, qu’ils précisent clairement les « circonstances spéciales » qui permettent aux mineurs de se marier avant l’âge légal.

Un phénomène très répandu en Afrique

En Afrique aussi, le phénomène des épouses-enfants « persiste obstinément », écrit l’Economist. Au Niger, par exemple, trois filles sur quatre se marient avant leur dix-huitième anniversaire. Alors que l’âge minimum fixé par la loi est de 15 ans, certaines jeunes mariées ont à peine neuf ans. Selon l’hebdomadaire, sur les quelque 700 millions de femmes mariées dans le monde avant leurs dix ans, près d’un sixième, soit 125 millions, sont africaines, et proviennent d’un milieu rural. Globalement, prédit l’Economist, d’ici le milieu du siècle, près de la moitié des épouses enfants seront africaines.

Mais réduire significativement le problème est possible comme le montre l’Éthiopie qui avait jadis l’un des taux les plus élevés de tout le continent, et en dix ans a enregistré la plus forte baisse dans le monde. L’un de ses secrets, révèle l’hebdomadaire, c’est d’avoir misé sur l’éducation, à laquelle le gouvernement d’Addis-Abeba, plus que tout autre sur le continent, réserve la plus grande part de ses dépenses publiques.

Les risques liés aux mariages précoces

Les mariages précoces, qui constituent déjà en eux-mêmes un abus, sont une atteinte aux droits des enfants, dans la mesure où on les force à quitter l’école. Mais ils ont également un impact négatif sur la santé des filles « plus vulnérables et davantage exposées à la violence et aux abus sexuels », selon l’ONG Plan International. Et n’oublions pas que les grossesses et les naissances sont la principale cause de décès chez les filles de 15 à 19 ans.

Le mariage précoce constitue par ailleurs un facteur de risque pour la progéniture des épouses-enfants. Selon le dernier rapport Levels & Trends in Child Mortality de l’Unicef, paru le mois dernier, les enfants nés de mères adolescentes courent 1,5 fois plus de risques de mourir au cours du premier mois de vie que les enfants nés de mères âgées de 20 à 29 ans. Cela vaut aussi pour les enfants nés de mères qui n’ont eu aucune instruction. Ces derniers courent 2,6 fois plus de risques de mourir avant l’âge de cinq ans que les enfants de mères ayant fait des études secondaires ou supérieures.

Avec le cercle vicieux de la pauvreté qui caractérise le phénomène, tous ces arguments indiquent que la voie choisie par le gouvernement malaisien est la bonne. Les épouses-enfants sont exclues de l’instruction et forcées d’élever leurs enfants à un âge où beaucoup de petites filles dans d’autres parties du monde jouent probablement encore à la poupée.

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