Pas moins de cinq rapports sur la pauvreté et son contraire, la richesse, ont été publié ces dernières semaines dans le monde. Le 17 octobre dernier, la Banque mondiale présentait un épais document intitulé Pauvreté et prospérité partagée 2018 : résoudre le puzzle de la pauvreté quelques jours après celui de l’ONG allemande Welthungerhilfe, une “édition 2018” de l’Indice mondial de la faim. Au même moment Allianz publiait son rapport mondial sur le patrimoine financier des particuliers – Allianz Global Wealth Report 2018 – et le Crédit Suisse sortait la neuvième édition de son Global Wealth Report 2018 sur le patrimoine des riches et des super-riches. Un cinquième rapport sur les milliardaires vient de sortir : Billionaires Insights, réalisé par la banque UBS en partenariat avec le cabinet de conseil PwC.
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Un monde de plus en plus riche
Billionaires Insights analyse les données de 2.158 milliardaires de 43 pays. Inutile d’être plus exhaustif, ce groupe pèse 98% de la richesse mondiale. Les données contenues dans ce document révèlent qu’en 2017, le patrimoine mondial des milliardaires a augmenté de 1.400 milliards de dollars, autrement dit de 19% par rapport aux cinq années précédentes où cette augmentation était de 9%. Une croissance sans précédent. Le rapport nous apprend l’âge moyen de ces ultra-riches, 64 ans.
“Le siècle chinois”
L’étude d’UBS et de PwC a été publiée sous le titre très éloquent New Visionaries and the Chinese Century. En fait, tout indique que le monde est témoin de ce que l’on pourrait appeler sans exagération “le siècle chinois”, tant l’augmentation du nombre de milliardaires dans ce pays – le plus peuplé du monde – est impressionnant.
Fin 2017, le géant asiatique comptait sur son sol 373 milliardaires, alors qu’en 2006 il n’en comptait que 16 et en 2004 seulement deux. Selon les auteurs du rapport, 97% de ces centaines de nouveaux milliardaires sont « des autodidactes » qui ont bâti eux-mêmes leur fortune. 89 des nouveaux milliardaires sont des chinois. L’an dernier, l’actif total des milliardaires chinois a augmenté de 39% atteignant les 1,12 trillion de dollars, soit l’équivalent de l’indice du marché suisse – le Swiss Market Index – qui est le plus grand indice boursier suisse. En 2017, La Chine a vu deux nouveaux milliardaires apparaître chaque semaine.
Un nouveau type d’entrepreneuriat
Même si la Chine n’a autorisé les entreprises privées qu’en 1988, en trente ans le pays a fait des pas de géant en un temps record. En témoigne également le fait que près d’un cinquième, soit 17 %, des nouveaux milliardaires chinois, ont créé leur propre entreprise il y a moins de dix ans. Aux États-Unis, selon UBS et PwC, ils n’étaient que 7%. Les entrepreneurs chinois se distinguent de leurs pairs qui vivent dans le reste du monde. Ils ont en moyenne 55 ans, sont des personnes en quête permanente de nouveautés, capables de saisir au vol toutes les “nouvelles opportunités” pour renforcer leurs entreprises, et toujours prêts à “se réinventer”.
“La culture chinoise est différente du reste du monde, en particulier de l’UE”, souligne un milliardaire chinois cité dans le rapport. En Chine, explique-t-il, “les personnes travaillent vraiment dur, ils n’ont par peur de se lancer et de se tromper”. Plus flexibles, les entrepreneurs chinois sont donc capables de réagir plus rapidement aux difficultés que les Européens, lesquels “travaillent d’une manière plus structurée”, selon le rapport.
Trois milliardaires de plus chaque semaine en Asie
Sans compter que la Chine entraîne toute la région APAC, où figurent des économies “développées” – l’Australie et le Japon – mais également “émergentes” comme l’Inde et l’Indonésie. L’Asie, selon les estimations d’UBS et de PwC, compte actuellement 814 milliardaires dont 177 sont apparus en 2017, au rythme impressionnant de trois milliardaires par semaine. L’Inde compte actuellement 119 milliardaires (+19 par rapport à 2016), tandis que l’Indonésie en compte 20 (comme en 2016). Les 177 milliardaires de plus correspondent à une augmentation de 14%, autrement dit le double par rapport à la croissance européenne (7%) et presque le triple par rapport à celle des Amériques (5%).
En 2017, l’actif net des milliardaires de la région Asie-Pacifique a augmenté de 32%. “À ce rythme, ils seront plus riches que leurs pairs américains dans moins de trois ans”, prédit le rapport. En 2017, par exemple, les milliardaires indiens ont vu leur patrimoine augmenter de 36%. Mais si l’Asie compte déjà plus de milliardaires que les États-Unis, la plus grande concentration de la richesse “milliardaire” reste aux mains des États-Unis.
Alors qu’en 2017, 53 nouveaux milliardaires ont vu le jour aux États-Unis – ils étaient encore 87 en 2012 – l’Europe en a enregistré 17 de plus (soit une augmentation de 4%). Ils sont aujourd’hui 414. Leur richesse globale a augmenté de 19% pour atteindre 1,9 trillions de dollars, en partie grâce à l’appréciation de l’euro par rapport au dollar.
L’œil vigilant de Pékin
Même si les milliardaires chinois “pleuvent”, Pékin les surveille, commente la Neue Zürcher Zeitung (27 octobre). L’actrice Fan Bingbing en sait quelque chose souligne le quotidien. Après trois mois d’absence, l’actrice est réapparue en public début octobre, s’excusant d’une fraude fiscale commise et se déclarant prête à payer une amende d’environ 130 millions de dollars.
L’arrestation à Pékin d’un consultant du siège de l’UBS à Singapour semble aller dans le même sens . Les autorités chinoises contrôlent de très près les avoirs des milliardaires. Ils veulent éviter qu’ils quittent le pays et que leurs avoirs soient investis ailleurs, dans des activités off-shore. Selon Patrick Ziltener, expert de la Chine à l’Université de Saint-Gall, cité par la NZZ, “la Chine veut empêcher une fuite soudaine des capitaux”.
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Alors que la monnaie chinoise, le yuan, a perdu environ 10% de sa valeur en seulement six mois en raison d’une bataille commerciale avec les États-Unis, un autre élément inquiète Pékin. C’est l’inégalité croissante de revenus, poursuit le quotidien suisse. Le 1% de la population chinoise le plus aisé se partage 30% des ressources, soit deux fois plus qu’il y a 20 ans. Et alors que les 10% plus riches atteignent même près de 70%, la participation des 50% plus pauvres est tombée à 6%.
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