Le mot qui paraît résumer toute l’œuvre de Bernanos est celui de liberté. L’écrivain a développé une réflexion profonde sur ce thème depuis sa participation à la Première Guerre mondiale jusqu’à son décès. Elle est au centre de ses écrits et de sa vie à travers tous ses engagements et les expériences qu’il a vécues : la guerre de 1914-1918, la Seconde Guerre mondiale, le fascisme, l’industrialisation, la mécanisation, la post-industrialisation, la bombe atomique… Un de ces livres écrits pendant la Deuxième Guerre mondiale, La France contre les robots, avait d’ailleurs pour premier titre Hymneà la liberté.
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Bernanos aimait reprendre cette phrase attribuée à Lénine : « La liberté, pourquoi faire ? », c’est-à-dire : à quoi bon ? à quoi sert d’être libre ? C’est à cette question qu’il n’a eu de cesse de répondre tout au long de sa vie jusqu’à ses derniers écrits où il réfléchit aux totalitarismes passés et futurs, mais aussi au suprême recours qu’il envisage contre ces derniers : la sainteté. Pour lui, en effet, le saint est l’homme libre par excellence car il est capable d’aimer…
Tendresse et humour
Le 4 avril 1947 — soit un an avant sa mort — Bernanos prononça une conférence à Tunis, pour les Petites Sœurs de Charles de Foucauld, sur Nos amis lessaints. Son titre et son sujet, la sainteté et l’amitié qui nous lient à eux, permettent de découvrir la voie qu’emprunta la méditation de l’auteur du Journal d’un curé de campagne dans les dernières années de sa vie. Bernanos est alors en train de composer son ultime œuvre : Dialogues des carmélites. Et comme dans cette œuvre placée sous les signes de l’enfance et de la communion des saints, on y perçoit la tendresse mais aussi l’humour qui sourdent des meilleures pages de cet écrivain dont les éclats de colère ne sont jamais produits par la haine mais qui, bien au contraire, proviennent d’un inextinguible et tendre amour pour ses frères humains.
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Ces dernières paroles que nous a laissées celui pour lequel « au bout de chaque nuit se lève une nouvelle aurore », sont le témoignage d’une merveilleuse espérance. Témoignage brûlant que Bernanos ne nous assène pas sur un ton professoral comme du haut d’une chaire, mais qu’il nous offre avec générosité et simplicité, comme on tend un verre d’eau fraîche au voyageur assoiffé…
L’heure des saints
Bernanos souhaitait en effet utiliser sans entrave sa liberté d’expression non pas pour dominer ou s’emparer de notre pensée, mais au contraire, pour qu’à notre tour nous puissions réagir et user pleinement de notre liberté de pensée. Face à la « totalitarisation » du monde et des esprits, il ne place son espérance que dans la liberté et, pour lui, la liberté c’est l’homme libre lui-même et non une notion juridique désincarnée. Il en appelle finalement à l’heure des saints car il souhaite de toutes ses forces l’avènement d’un monde « fait pour les hommes libres ».
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Aussi sa parole est-elle elle-même une pensée libre, vivante et en mouvement, non une masse abrupte de réflexions sèches et désincarnées. Bernanos est avant tout un poète. Aussi avons-nous tenté dans notre spectacle de créer, à partir de sa dernière conférence, une partition théâtrale susceptible de donner chair à sa pensée, à son souffle poétique et prophétique.
Dans le cadre du colloque « Bernanos : la jeunesse, espérance et sainteté », Nos amis les saints, mise en scène de Samir Siad, sanctuaire de Pellevoisin, 17 Novembre 2018, 20h 45. Entrée 15 euros.