Si Marie n’est pas consciente de la dimension salvifique de son enfantement (et de la mission future de Jésus), alors elle ne représente qu’un simple instrument dans l’économie de la Rédemption. Or pareille thèse contredit notre foi en un Dieu respectueux des personnes et de leur dignité. Nous devons donc tenir pour assuré que Marie n’est pas seulement la mère d’un jeune juif qui, plus tard, se révélera être le Sauveur du monde, mais aussi la première collaboratrice de Dieu.
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En disant son fiat, son “oui”, à l’ange au moment de l’Annonciation, en acceptant de devenir mère du Fils de Dieu, elle ne se contente pas de prêter son corps à l’Incarnation, à l’humanisation du Verbe divin. Dieu nous respecte. Marie n’est pas une simple mère porteuse. C’est le Sauveur du genre humain qu’elle met au monde en toute connaissance de cause. Conscience entretenue chez elle par la lecture assidue des Écritures d’Israël qui promettaient au peuple un sauveur. C’est-à-dire que son acceptation du dessein du Père à son égard, la maternité divine, constitue déjà une œuvre de salut en elle-même.
Dieu ne pouvait pas cacher à Marie le but qu’Il poursuivait
Marie avait conscience de ce qui lui arrivait. Dieu l’a respectée en lui annonçant le dessein bienveillant qu’Il poursuivait en la visitant. Dès cet instant, elle devient consciente d’être la mère du Sauveur promis. Elle enfante Jésus-Sauveur. C’est en vue de notre libération qu’elle le donne au monde. Dieu, toujours infiniment délicat envers nous, ne pouvait pas en effet laisser Sa servante dans l’ignorance du dessein qu’Il poursuivait en lui demandant de devenir mère de son Fils. C’eût été inconvenant de sa part. Joseph lui aussi est mis dans la confidence à ce sujet : “Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse, car ce qui été engendré en elle vient de l’Esprit Saint ; elle enfantera un fils, auquel tu donneras le nom de Jésus : car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés” (Mt 1,20-21).
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Déjà, dans le livre de la Genèse, Dieu avait tenu à informer son ami Abraham des desseins qu’Il poursuivait envers Sodome : “Cacherai-je à Abraham ce que je vais faire, alors qu’Abraham doit devenir une nation grande et forte, et que par lui se béniront toutes les nations de la terre ?“ (Gn 18, 17). A fortiori, la Vierge, fille d’Abraham, appelée à une vocation plus grande encore que celle du père des croyants, ne pouvait-elle rester dans l’ignorance au sujet des intentions du Très-Haut, intentions qui regardaient cette fois-ci la destinée éternelle de l’humanité.
Première disciple de son Fils venu accomplir le salut
La Vierge n’est pas mère du Sauveur pour le temps de l’enfance de Jésus seulement. Dans la foi, elle l’accompagnera durant tout son ministère public. Tout au long de ces années, elle sera plus souvent son disciple que sa mère proprement dit. Elle devra accepter un plan de salut totalement déconcertant pour elle. La vie, comme les paroles, de Jésus ne ressemblaient en effet à aucunes autres. “Jamais homme n’a parlé comme cet homme !” disent les gardes, venus l’arrêter, aux chefs religieux qui les avaient envoyés dans ce dessein. Jamais homme également n’a agi comme lui !
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Cette nouveauté tient à ce que les signes que pose Jésus, qu’ils soient simples actions ou bien des miracles, représentent autant de révélations du salut en face desquels chacun est appelé à choisir et à se prononcer. Les actes de Jésus nous placent devant un choix : accepter ou non la Rédemption. Mais ils font plus : ils manifestent l’accomplissement des promesses de l’Alliance de Dieu avec les hommes. Jésus ne promet pas simplement le salut, de même qu’il ne se contente pas de le proposer à notre liberté : il le réalise lui-même. Par exemple en pardonnant les péchés. Disciple de son fils, la Vierge aura le mérite de croire en sa mission alors que celle-ci est totalement inédite, déconcertante et prodigieusement ambitieuse pour l’humanité — en nous gagnant l’adoption filiale divine. En soutenant son Fils par sa présence et par l’acquiescement tacite à son œuvre, la Vierge s’implique au plus haut point dans le salut qui est en train de s’accomplir dans l’existence et la personne de Jésus.
Marie s’est tenue à la source du Salut
Bien sûr, Marie n’est pas rédemptrice sur le même plan que son Fils. Lui seul est sauveur. En revanche la coopération de la Vierge est unique dans son ordre. Elle accepte tout ce que Dieu lui demande, et elle l’exécute en fonction de la finalité qui est le salut du genre humain.
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Mère du Sauveur : Marie n’a pas simplement bénéficié des effets de la Rédemption acquise par son Fils — même si son Immaculée conception est un effet anticipé des mérites de Jésus : Marie a été conçue sans péché en bénéficiant à l’avance du salut obtenu plus tard par son Fils. Elle s’est tenue à la source de cette même Rédemption, elle y a participé, en acceptant le sacrifice de son Fils sur le Calvaire, en communiant à Lui, de cœur et d’esprit, tandis qu’il accomplissait le salut du genre humain.
Collaboration décisive de la Vierge
Voilà pourquoi Marie est davantage que la mère d’un prophète du salut. Avec Jésus, le salut n’est plus seulement promis : il est là ! Jésus apporte l’amour du Père pour tous ses enfants. Car la Rédemption consiste surtout en la foi dans l’amour miséricordieux et sans condition de Dieu manifesté en Jésus-Christ. Comme il le dira lui-même à ceux qui le questionnaient au sujet de ce qu’ils devaient faire pour travailler aux œuvres de Dieu : “L’œuvre de Dieu, c’est que vous croyiez en celui qu’il a envoyé” (Jn 6,29).
En posant ses actes héroïques de foi, à l’Annonciation ainsi que durant tout le ministère public de son Fils, et jusqu’au pied de la Croix, Marie est la première collaboratrice de l’œuvre du Sauveur. Durant le Samedi Saint, tandis que la Création est en deuil du Créateur qu’elle vient d’expulser, la Vierge soutient seule les bases de l’univers inconscient de son acte sacrilège. Son implication dépasse donc largement le fait d’avoir mis au monde et éduqué Jésus. Sa foi est bien partie prenante de la Rédemption du monde.