“Mourir en odeur de sainteté” dans le langage courant signifie mourir en état de grâce. “Vivre en odeur de sainteté”, c’est pratiquer admirablement les vertus chrétiennes. Ces deux expressions que nous utilisons au quotidien représentent en réalité un phénomène rapporté par de nombreux hagiographes et médecins. Et si l’on se réfère à leurs récits, l’odeur de sainteté, sent décidément très bon !
L’historien et archéologue Waldemar Deonna, professeur à l’université de Genève dans son ouvrage Croyances antiques et modernes : l’odeur suave des dieux et des élus caractérise au moins 30 saints parfumés de leur vivant, 103 au moment de leur mort, et pas moins de 347 saints dont les corps et les reliques demeurèrent parfumés longtemps après leur inhumation. La reconnaissance de cette réputation est d’ailleurs un critère pris en compte dans les procès en béatification ou en canonisation. C’est à l’occasion de la mort, voire de l’ouverture du tombeau d’un saint, que certains fidèles ont pu sentir physiquement cette “odeur de sainteté ” et en témoigner.
Fleur d’oranger pour Padre Pio et violette pour Thérèse d’Avila
Parmi les saints myroblites les plus célèbres (ceux dont le corps, lors de leur mort, aurait dégagé une odeur agréable de fleurs), figure notamment Thérèse d’Avila, Rita ou encore le Padre Pio. Ainsi, dès son agonie, la mystique espagnole libéra un parfum si puissant de lys, de jasmin et de violette, qu’il fallut ouvrir la fenêtre pour ne pas s’en enivrer.
C’est encore le parfum de son corps qui révéla le lieu de son inhumation. Faite à la hâte dans une fosse profonde et sous un tas de pierres, de chaux et de terre humide, son corps y fut déposé sans être embaumé. Selon ses historiens, pendant les neuf mois qui suivirent ses obsèques, le parfum traversa la couche épaisse de terre et de pierre sous laquelle reposait le corps. Quant à sainte Rita, l’odeur pestilentielle que répandait le stigmate au front de la religieuse italienne devint au moment de son dernier souffle un parfum merveilleusement suave rappelant la rose…
On peut évoquer encore le Padre Pio. Il fut reconnu pour l’émission permanente d’un parfum pénétrant qui se manifesta à partir de sa stigmatisation définitive. Lui même racontait que lorsqu’il partit avec des linges ensanglantés pour les examiner, et bien que ne sentant rien lui-même, son entourage ressentit le parfum et l’identifia à celui du Père. Cette fragrance fut ressentie plusieurs jours par de nombreuses personnes. Lors de sa mort un parfum de fleur d’oranger se dégagea dans sa chambre comme l’ont témoigné les frères capucins de sa communauté ainsi que son médecin.
Il y a eut aussi sainte Lydwine. Saint Gerlac, qui l’assista dans son agonie, déclara :
“Le parfum qui s’en dégageait frappait non seulement l’odorat, mais le goût : c’était comme si on mangeait du gingembre, du girofle ou de la cannelle : la saveur ardente et forte mordait la langue et le palais avec douceur. Puis, au parfum des épices succéda celui de la rose, de la violette, du lys, de fleurs fraichement coupées.”
À quoi serait due cette « odeur de sainteté » ? Le phénomène serait-il lié à l’état d’extase et de béatitude de ces grands mystiques, eux aussi nantis de pouvoirs « surnaturels » ? Même si le mystère demeure, pour Christiane Rancé, auteur Dictionnaire amoureux des Saints, “l’odeur de sainteté” nous permet d’être touché “par toutes les portes des sens” jusqu’à notre âme. Pour que nous puissions “faire appel à tous nos sens pour confirmer le témoignage du Verbe qui s’est fait chair. De la sorte, c’est d’un commun accord et d’une seule voix que tous nos sens peuvent proclamer : “Ce que nous avons entendu, nous l’avons vu” (Ps 48, 8).