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60 ans après la première mission, un Karen ordonné prêtre

prêtre karen Thaïlande

Sylvain Dorient - publié le 23/05/19

C'est "la" nouvelle qui fait parler dans les maisons sur pilotis des Karens de la province de Tak, à la frontière avec la Birmanie : un prêtre autochtone a été ordonné !

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Il s’appelle Pado (« père ») Nou. Ordonné prêtre le 12 mai dernier, cet homme calme et bienveillant circule parmi ses paroissiens en ayant une parole pour chacun. Il connaît tout le monde parmi la petite communauté des Karens de Thaïlande et, à Maé Wé, dans son village natal, le nouvel ecclésiastique est devenu une « gloire » locale !


CROSS JESUS

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Les habitants de Mae Wé s’enorgueillissaient déjà d’être l’un des premiers villages chrétiens de Thaïlande. Il y a 60 ans, sous l’impulsion de l’un des leurs, qui connait la « foi des blancs » par un voyage dans le nord, à Chiang Mai, ils demandent au père Joseph Quintard de leur porter l’Évangile. Ce prêtre, aveyronnais, aux manches toujours retroussées, qui bâtit au même rythme routes, écoles et églises, ne se fait pas prier. Au fil du temps, Mae Wé est devenu une étape obligatoire pour les prêtres des Missions étrangères de Paris (Mep). « Les villageois de Mae Wé voyaient le message de la Bible comme une libération », témoigne Charlotte de Montagu, chargée de projets pour la mission Karen auprès des Mep. Comme dans beaucoup de villages karens, l’animisme ancestral, associé à la crainte des esprits, était devenu pesant. Il contraignait chaque geste de la vie quotidienne et, quand une « faute » était commise, il fallait contenter les esprits par de coûteux sacrifices. La connaissance d’un Dieu aimant, qui se sacrifie lui-même pour ses créatures, a transformé le quotidien.

Prêtre Karen
Le père Nou célébrant la messe.

Le père Quintard, le défricheur

Le père Quintard a certainement guetté les signes annonciateurs d’un successeur qui viendrait de ces Karens, à qui il a consacré sa vie. Mais il est mort en 2003, avant de voir l’aboutissement de son travail missionnaire. C’est finalement son successeur, le père Alain Bourdery, qui a vu émerger la vocation du père Nou. Il décrit l’histoire émouvante de ce garçon qui, à 13 ans, n’avait pas été retenu pour étudier au collège. A l’époque, il n’avait le choix qu’entre la rizière et l’usine, mais son frère aîné, Philipa, finit par lui trouver un pensionnat où il est accepté. C’est là que sa vocation émerge. À la fin de son année de troisième, il exprime son souhait de rejoindre le petit séminaire. Philipa, qui est un catéchiste pilier de l’action des Mep en Thaïlande, est très heureux d’apprendre la vocation de son petit frère. Mais quand celle-ci se concrétise en ordination, l’inquiétude laisse place à la joie : comment fêter cet évènement inédit ? Son épouse, Philimo*, commence alors à écumer le village à la recherche de conseils. Mais même les plus anciennes et les plus ridées des Karens, qui connaissent toutes les traditions, ne savent lui répondre. Une ordination, c’était du jamais vu. Il faut donc inventer une nouvelle fête ! Décision est alors prise de fêter le nouveau père Nou comme un marié.

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© Shot on Oppo

Deux cochons gras comme des barriques

Pour un mariage Karen, il faut un cochon bien gras, de l’alcool de riz, des chants et des danses. Mais comme l’événement était inédit et allait attirer beaucoup de monde, ce sont finalement deux cochons qu’il a fallu trouver. Le père Nou est ordonné à Mae Sot. La plupart des paroissiens n’avaient jamais assisté à une telle cérémonie. Mais la fête battit son plein le lendemain, lundi 13 mai, lorsqu’il retourna à son village natal pour y dire sa première messe. Mais un retour aussi symbolique ne pouvait pas s’accomplir à pied, et les villageois réquisitionnèrent Mokapé, l’éléphante de Mae Wé, que l’on chargea du tout jeune prêtre. L’ecclésiastique et l’animal furent accueillis au son des tambours traditionnels et à partir de cet instant, le village tout entier fut secoué par des réjouissances qui durèrent trois jours. Après le festin, les écoliers donnèrent un spectacle et l’histoire de Nou, le prêtre karen, fut mis en musique par l’un des villageois à la façon des « Ta », ces chants traditionnels karens qui sont psalmodiés en accompagnement d’une sorte de cithare à cinq cordes.

Pour ces Karens, dont certains appellent encore le christianisme « la religion des blancs », la vocation de Pado Nou change la perspective. En effet, par son ordination, l’un de leurs frères de sang vient de donner le signe le plus éloquent de l’universalité de l’Église.


* Chez les Karens, les parents sont nommés en fonction du nom de leur premier enfant. Philipa et Philimo sont littéralement « le père de Philippe » et « la mère de Philippe ». L’éléphante, elle aussi, porte le nom de son aîné, Mokapé signifie « la mère de Kapé ».

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