“Le chrétien, lorsqu’il s’interroge sur son être de chrétien, ne peut se défaire d’un sentiment d’imposture. Si on l’interroge : Es-tu sûr d’être converti ? As-tu vraiment l’espérance ? Vis-tu vraiment de charité ? Il est décontenancé, il se demande s’il n’est pas en train de jouer un rôle, de se fabriquer un personnage” : “La Conversion de Don Juan”, mise en scène par Siffreine Michel, la femme de Fabrice Hadjadj, montre un Don Juan devenu carme à Salamanque, dix ans après sa conversion. Mais voici que de vieilles connaissances, qui sont aussi de ses anciennes victimes, resurgissent de son passé et mettent en doute la vérité de son repentir : Ne serait-il pas seulement passé de la prédation des corps à celle, plus subtile, des âmes ? Peut-on d’ailleurs bénéficier de la miséricorde alors que le mal que l’on fit jadis continue de faire des ravages ?
L’omniprésence du doute
“En réalité, cette pièce ne montre pas la conversion de Don Juan. C’est plutôt sa remise en cause”, explique à Aleteia Siffreine Michel. Don Juan lui-même se questionne : “est-ce que je ne suis pas dans une forme de complaisance ?” Celui qui se repaissait hier de chair fraîche se voit à présent confié la direction des esprits. Il est mis à l’état de tentation, comme pour vérifier sa sainteté. Même le Supérieur du couvent, Padre Miguel, fini par se méfier des intentions de son âme. Pour Siffreine Michel, “Padre Miguel refuse d’être dans le doute, celui de la foi”. “Il veut être dans la certitude. Or, seul Dieu connaît les reins et les cœurs.”
Même si Fabrice Hadjadj l’a imaginée en 2007, cette pièce est d’une brûlante actualité : combien de fois l’Église a-t-elle donné l’impression de s’auto-absoudre des crimes de certains de ses prêtres ? Ce dilemme profondément humain entre le droit à la seconde chance et la nécessaire prudence questionne la foi de chaque croyant. Il le renvoie à une réalité qui le dépasse. Celle de la miséricorde divine.