Peu de compagnons de la première croisade se pressent près du roi Louis lorsqu’il annonce publiquement sa décision de partir de nouveau pour défendre la Terre sainte. Peu de grands barons, non plus. Mais sa volonté a été mûrement réfléchie. Il s’en était ouvert au Pape dans une lettre d’octobre 1266, puis aux grands du royaume en mars 1267 et en février 1268, en vue d’un départ pour mai 1270.
Les préparatifs militaires sont minutieusement mis en œuvre. Un arsenal est constitué. D’importants emprunts en argent sont contractés auprès des templiers, des impôts sont levés. L’Église versera des décimes pour la croisade. Fait nouveau, le roi ne voguera plus sur des navires vénitiens, mais sur des bateaux génois et sur des vaisseaux bâtis à ses frais pour l’occasion, avec un commandement militaire français pour la première fois dans l’histoire du royaume, en la personne de l’amiral Florent de Verennes.
Le bourdon de pèlerin
Sur le plan politique, la régence est minutieusement organisée. Le roi fait confectionner un sceau spécifique pour légiférer à distance depuis le lieu de la croisade, rédige son testament et prend plusieurs mesures purificatrices contre le blasphème et la prostitution. Enfin, le 14 mars 1270, le roi reçoit à Saint-Denis l’oriflamme et son bourdon de pèlerin. Après une procession pénitentielle dans les rues de Paris, il prend la route du départ vers Aigues-Morte.
Rien n’y fait. Si la famille royale est bien représentée, de nombreux seigneurs manquent à l’appel, et parmi les premiers d’entre eux, Joinville, le célèbre mémorialiste du roi, compagnon de la première croisade, qui se retire dans ses terres. Il s’en repentira amèrement des années plus tard.
Le choix de Tunis
Le 1er juillet 1270, le roi s’embarque sur sa nef, la Montjoie. On vogue alors vers la Sicile, fief de son frère Charles d’Anjou. De là, l’armée se dirige vers Tunis. Ce choix n’a pas été fait au hasard. Louis IX a de solides raisons d’espérer la conversion de l’émir au christianisme, ce qui créerait une tête de pont inexpugnable en Afrique du Nord, d’où la chrétienté conquérante pourrait s’avancer vers l’Égypte et les États latins d’Orient. Rappelons-le, les chrétiens constituent là-bas de très importantes minorités quand ce n’est pas la majorité écrasante des populations. Par ailleurs, la Méditerranée occidentale est un point d’ancrage plus aisé que la Méditerranée orientale, où les Francs ont peu à peu perdu leurs appuis. L’empire latin de Constantinople s’est effondré et un empire grec a été restauré. Les États latins d’Orient ont de nouveau reculé sous les coups de boutoir du sultan mamelouk Baïbars. Enfin, l’alliance mongole tant espérée a finalement échoué, après les ultimes contacts entre le roi de France et le Khan Hülegu en 1262. C’est donc naturellement vers Tunis que se reportent tous les espoirs.
Les derniers sacrements
Le 17 juillet, l’armée débarque près de Tunis. Le renfort de Charles d’Anjou, espéré, se fait hélas attendre, et les Français doivent compter presque sur leurs seules forces. L’émir de Tunis, contrairement aux espérances, ne se convertit pas et n’ouvre point ses portes. Il faut mettre le siège près de la ville. Les conditions sanitaires sont déplorables et dès la fin de juillet la dysenterie se déclare dans l’armée. Jean-Tristan, enfant de la première croisade, meurt le 3 août 1270. Peu de temps après, le roi est frappé du même mal. Alité, il reçoit les derniers sacrements et, d’une voix affaiblie, donne lui-même le “répond”, récite les psaumes et la litanie des saints. Soucieux de la croisade jusqu’au bout, il s’interroge, alors qu’il entre en agonie ; comment convertir les gens de Tunis ? Où trouver un prédicateur assez talentueux et audacieux pour prêcher dans la ville ? Le nom d’un dominicain traverse les lèvres de Louis IX. Mais il est bien tard maintenant.
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Enfin, allongé sur un lit de cendres en forme de croix, à l’heure sainte, le 25 août 1270, saint Louis entrait dans la joie de son maître. Restés parmi les vivants, les croisés, sous le commandement du nouveau souverain, Philippe III le Hardi, négocient une suspension d’armes honorable après quelques combats victorieux, et rembarquent pour l’Europe, emportant leurs morts avec eux.
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