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« Mais que fait un iPhone entre les mains d’un collégien? »

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Mathilde de Robien - publié le 01/06/21

Docteur en Sciences de l’information et de la communication, Stéphane Blocquaux dresse un constat sévère quant à l’usage des smartphones par les jeunes et invite parents et politiques à se réveiller face à l’urgence d’une véritable éducation au virtuel.

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Direct, convaincu et convainquant, Stéphane Blocquaux ne mâche pas ses mots. Que ce soit pendant ses conférences ou dans son livre Le biberon numérique (Artège), ce chercheur et expert en e-éducation ayant mené diverses missions auprès du Ministère de la Santé et du Sénat, n’y va pas par quatre chemins : « Pourriez-vous me citer une, et une seule, bonne raison éducative pour offrir à un enfant à l’école élémentaire ou à un collégien un smartphone disposant d’un forfait Iui permettant de surfer sur internet, quand il le veut et surtout d’où il le veut ? J’ai bien cherché. Je n’en vois aucune. » Il ne se contente pas de bousculer par des arguments qui font mouche, il propose des solutions concrètes pour accompagner ses enfants dans l’usage des outils connectés.

Aleteia : Vous donnez de nombreuses conférences auprès des parents et des enfants sur le thème du numérique. Quel constat faites-vous quant à l’usage des smartphones par les jeunes ?
Stéphane Blocquaux : Premier constat, cela ne s’est pas arrangé depuis dix ans ! On aurait pu penser qu’avec dix années de recul et des centaines et des centaines de faits divers graves (agressions, suicides, cyberharcèlement…), l’Etat allait légiférer un peu plus, contrôler, verrouiller l’usage d’Internet par les mineurs. Mais on s’aperçoit qu’en dix ans, il n’y a pas eu de mesures suffisamment fermes et définitives. Certes, les téléphones ont été interdits au collège, comme si c’était une grosse restriction. Mais ce n’est que le début du commencement de l’évidence ! Je pense que nous n’avons pas pris la mesure de ce qui est en train de se passer : des outils totalement incontrôlés sont entre les mains de mineurs totalement incontrôlables. C’est un constat sévère, qui est aussi celui des politiques, des adultes, des éducateurs, de la police…

Deuxième constat, on a essayé de faire de la répression, du côté de la justice, et du côté des parents. Ces derniers installent des logiciels de contrôle parental, séquestrent les portables, mais je ne suis pas sûr qu’ils fassent de l’éducation au virtuel. Il y a un vrai défaut éducatif global, général, sociétal sur la gestion des téléphones. Je pense que c’est un problème majeur dans notre société et les réponses ne sont pas à la mesure du problème et de tout ce que cela engendre comme dégâts chaque jour dans les foyers et dans le système éducatif.

A quels dégâts pensez-vous ?
D’abord aux ravages sur la vie privée et plus précisément sur le rapport à l’intimité. Puis à la banalisation de la violence par certains jeux vidéo. Et enfin à la sexualisation : massivement, les enfants se gavent de pornographie à des âges délirants, c’est-à-dire vers 11-12 ans ! En un clic, ils accèdent à la pornographie numérique sans aucun contrôle. Ils apprennent la sexualité sur des sites comme YouPorn, je ne suis pas sûr que ce soit le bon endroit ! Les problèmes sont multiples et ce ne sont pas de petits dégâts.

Vous prônez une éducation au virtuel. Qu’est-ce que cela nécessite de la part des parents ?
D’abord une vraie prise de conscience. Concrètement, je ne vois pas bien ce que fait un iPhone avec un forfait 5G dans les mains d’un collégien. Autant j’y suis favorable au lycée, mais j’y suis totalement défavorable au collège. L’éducation au virtuel, c’est lui donner un téléphone avec lequel il peut appeler ses parents quand il a un problème avec son bus. C’est tout. S’il veut faire du numérique, il en fait à la maison sous contrôle de la box. Eh oui, il est moins tentant de regarder du porno sur la tablette familiale plutôt que sur son smartphone perso ! Et la box, elle filtre, on peut la contrôler. Il faut arrêter de prendre des enfants de 13 ans pour des adultes. Quand j’interviens dans les collèges, qu’est-ce que je constate ? Les élèves ont entre les mains des outils de cadres sup, et ils sont en 3ème.

On pourrait vous objecter qu’il faut vivre avec son temps !
L’idée n’est pas d’en faire des marginaux numériques ! Je ne suis pas contre certains jeux vidéo actuels, les jeunes jouent en réseaux, ils chatent, depuis la maison, d’accord ! Je ne suis pas un ringard passéiste. J’ai 17 écrans à la maison et quatre enfants, je ne les coupe pas du monde numérique ! En revanche, je ne leur donne pas H24 la possibilité d’aller où ils veulent, quand ils veulent. A 19 heures, la Box coupe l’accès à Internet, à 21 heures, elle ré-ouvre et à 21h30 elle coupe. Si un enfant y a accès toute la nuit, pourquoi s’arrêterait-il ?

Aujourd’hui, il n’y a plus de temps sans numérique, plus de trêve, plus de rupture. Est-ce qu’un enfant a besoin d’être scotché à son smartphone pendant ses 30 minutes de bus ? Non ! A partir du moment où vous lui donnez un smartphone connecté en 5G, c’est la mort de l’enfant. A chacun de savoir jusqu’où il souhaite faire durer l’enfance. Certains parents ont décidé de tuer l’enfance trop tôt.

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Le biberon numérique, Stéphane Blocquaux, Artège, janvier 2021, 17,90 euros.

Tags:
AdolescenceEnfantsInternetsmartphone
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