“J’ai beaucoup pleuré”, nous confie d’emblée Elisabeth Mathieu-Riedel. “Mais je me suis aussi beaucoup réjouie”, complète-t-elle. En effet, Elisabeth n’a pas été épargnée par les épreuves. Blessée par une éducation très stricte, jeune, elle demeurait avec “un fond de tristesse” malgré une apparence joyeuse jusqu’au jour où elle a fait l’expérience de l’amour du Christ, à Paray-le-Monial, à l’âge de 32 ans. Elle est ensuite éprouvée par une longue période de célibat mais elle rencontre Alain de manière providentielle, avec qui elle se marie à 44 ans. Après 21 ans de mariage, elle se trouve veuve, mais elle est sûre de l’intercession d’Alain et des promesses du Christ à savoir que les désirs de son cœur seraient comblés. Elle se remarie avec Jean-Pierre deux ans plus tard.
Dans son dernier livre “Je changerai tes larmes en joie” (Mame), Elisabeth Mathieu-Riedel invite à comprendre pourquoi et comment les deuils de nos vies nous font grandir et avancer sur notre chemin de foi. A travers sa propre histoire et de nombreux témoignages, elle montre combien Dieu nous veut pour la joie en toutes circonstances.
Aleteia : Le titre de votre livre “Je changerai tes larmes en joie” pourrait sembler naïf, voire provocateur, à ceux qui sont dans la douleur. Que signifie-t-il pour vous ?
Elisabeth Mathieu-Riedel : Il fait référence à un verset de la Bible que j’aime beaucoup : “Tu as changé mon deuil en allégresse” (Ps 29, 12) dit le psalmiste. C’est un psaume qui résonnait tout particulièrement aux oreilles de mon premier mari, qui avait perdu sa fille puis sa femme. Notre mariage a été une véritable explosion de joie. J’avais déjà expérimenté la joie d’être aimée de Dieu à Paray-le-Monial. Lors de ma conversion j’ai découvert que j’étais une merveille aux yeux de Dieu.
Et puis mon veuvage a été une période très difficile. Le veuvage est un double deuil : deuil de la personne aimée et deuil de la vie à deux. Je ne vivais pas, je survivais, je vivotais, je souhaitais mourir. J’avais besoin d’un conjoint, de quelqu’un avec qui partager la vie quotidienne, les décisions, les vacances, et même la communion à la messe ! Là encore, Dieu a répondu à mes prières, il a été fidèle à sa promesse et a changé mon deuil en allégresse. “Quand je casserai ma pipe, je t’enverrai un mari”, disait mon premier mari. Je suis certaine de son intercession dans mon remariage avec Jean-Pierre.
Vous évoquez une période particulièrement douloureuse que vous appelez le pré-deuil, lors de la fin de vie de votre premier mari. Quelle est-elle et qu’avez-vous ressenti ?
Le pré-deuil est une notion de psychologie, utilisée notamment dans le domaine des soins palliatifs. C’est une période difficile, délicate, stressante. J’étais écartelée entre deux dynamiques contradictoires : on sait que l’autre va mourir, mais il est toujours vivant et a besoin d’être considéré comme tel. Donc on l’accompagne dans ce qu’il vit. J’étais obligée de vivre simultanément ces deux dynamiques opposées : se préparer à une mort certaine, alors qu’Alain était persuadé qu’il allait retrouver sa force de vie !
Après quelques mois de veuvage, vous avez retrouvé le goût de la vie. Comment ?
L’annonce de la maladie, puis les premiers mois de deuil ont été très douloureux. Je voulais suivre mon mari, je souhaitais mourir, je ne voyais aucun intérêt à continuer à vivre ! Je pensais qu’à 65 ans, je ne me remarierai pas ! Je me demandais à quoi allait ressembler ma vie, sans enfant, sans travail, j’étais à la retraite. J’avais trop peur de l’enfer pour me suicider. La Vierge Marie m’a poussé à réagir lors d’un pèlerinage diocésain à Lourdes huit mois après le décès de mon mari. On m’a demandé d’y donner une conférence sur le thème “Que nos visites soient des visitations”. Cela m’a sorti de ma tristesse.
Lorsque l’on témoigne, Dieu nous donne une force particulière et nous donne la joie de vivre. C’est à Lourdes que j’ai décidé de faire des démarches pour rencontrer quelqu’un… Je me suis remariée après deux ans de veuvage. Je vous dis tout cela car j’ai écrit ce livre pour rejoindre des personnes en détresse, et non pas celles qui vont bien !
Le premier devoir d’un chrétien est d’être joyeux, car c’est une manière de témoigner de l’amour de Dieu.
Vous écrivez : “La meilleure attitude envers ceux qui souffrent, c’est de transmettre la joie avec délicatesse pour leur apporter espoir et consolation”. Comment fait-on concrètement, notamment dans le domaine des soins palliatifs ?
C’est une joie qui ne vient pas de soi mais qui vient de Dieu que l’on puise dans la prière. Même si on est d’un caractère heureux ou optimiste, la joie est un don à demander à l’Esprit-Saint qui nous donnera l’attitude et les mots pour transfuser l’Espérance à ceux qui vont faire le passage. Dans le deuil, le risque est de se renfermer sur soi. Il est des personnes dont les larmes persistent en tristesse ou en résignation. Mais Dieu nous veut joyeux ! Le premier devoir d’un chrétien est d’être joyeux, car nous avons été créés pour la joie et pour témoigner de son amour.
Dans la Bible, Saint Paul nous exhorte à la joie : “Soyez joyeux !”, “Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur”. Alors certes, on ne peut pas être joyeux sur commande mais par la prière, la louange communautaire et le témoignage, la joie pénètre le cœur. C’est ce qui m’a fait basculer, à Paray-le-Monial.