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Accompagner les soldats en « opex », la délicate mission des aumôniers militaires

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Fred Marie / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Des soldats déployés au Burkina Faso dans le cadre de l'opération barkhane, avril 2021.

Agnès Pinard Legry - publié le 13/07/21

Quelques semaines après l’annonce par Emmanuel Macron de la transformation de l’action de la France au Sahel (l’opération Barkhane) et alors que la France s’apprête à mettre à l’honneur ses armées lors du défilé du 14 juillet, Aleteia s’est intéressée à la délicate mission des aumôniers militaires lors des fameuses "opex", ces opérations militaires au cours desquelles les soldats sont amenés à évoluer dans des conditions extrêmes, allant parfois jusqu’au don ultime de leur vie.

Les aumôniers militaires ont décidément une fonction bien curieuse. Ils sont militaires et servent en vertu d’un contrat. Mais ils ont un grade unique sans correspondance avec la hiérarchie militaire. « On a coutume de dire que leur grade est celui de la personne à laquelle ils s’adressent », glisse-t-on au ministère des Armées. Parce qu’ils ont le statut de militaires et ont pour fonction d’accompagner les militaires, ils sont eux aussi déployés en opérations extérieures. Ces « opex », officiellement définies comme des « interventions des forces militaires françaises en dehors du territoire national », font partie intégrante du quotidien des soldats. En opex, dans des lieux parfois isolés, loin de leurs proches et souvent dans des conditions difficiles, ils accomplissent leur mission. Une mission qui, lorsqu’elle se termine, laisse la place à une autre. Ainsi va la vie dans les armées et les régiments. Alors qu’Emmanuel Macron a annoncé le 11 juin la transformation de l’action de la France au Sahel, présente depuis août 2014 dans le cadre de l’opération Barkhane, Aleteia s’est intéressée à cette vie en opex et à l’accompagnement tour à tour humain, spirituel et fraternel que procure l’aumônier militaire.

Aumônier au 92e régiment d’infanterie à Clermont-Ferrand (Auvergne), le père François a réalisé quatre séjours de quatre mois dans « toutes les zones » de Barkhane, raconte-t-il prudemment. Son rôle ? « Coller à la vie du site en fonction des activités qui y sont », résume-t-il. « Entre une grosse base comme Gao (Mali) et un poste avancé, le quotidien n’est clairement pas le même ». Un quotidien dans lequel l’aumônier trouve sa place en proposant des temps de rencontre personnels, un accompagnement spirituel mais aussi en partageant des activités du quotidien. « En base arrière vous priez, vous faites du sport, vous allez voir les gars dans les popotes, vous écoutez beaucoup, vous parlez un peu et vous célébrez les sacrements », résume jovialement le père Loïc, aumônier d’un bataillon basé dans l’est de la France. Déployé quatre mois dans le cadre de Barkhane, il bougeait « toutes les semaines » sur des sites isolés.

Être avec les soldats, aux côtés des soldats. Partager leurs joies mais aussi leurs peines. Et leurs morts. De la bulle de silence à la cellule de crise en passant par la chapelle ardente, la veillée au corps et l’office religieux, le ‘protocole’ en cas de décès est clair et rodé. Mais il n’en laisse pas moins toute sa place aux hommes et aux femmes qui y prennent part, dont les aumôniers. « Vous avez des camarades, vous apprenez avec eux, vous souffrez avec eux, vous suez avec eux… Et deux heures après ils ne sont plus là. Vous vous retrouvez brutalement face à la pauvreté et à la fragilité de l’existence ». Le père Loïc n’en dira pas plus sur ces soldats qu’il dû accompagner. Mais les noms de ces militaires tués dans l’accomplissement de leur mission –  une cinquantaine au Sahel depuis 2013 dans les opérations anti-djihadistes Serval puis Barkhane –  sont gravés dans son cœur comme dans celui de leurs camarades. « Dans une guerre les opérations se succèdent sans s’arrêter. Lorsque la mort frappe, on n’y est jamais préparé. En tant qu’aumônier on accompagne en écoutant, en priant etc. Sur le temps court et le temps long. Mais il faut bien comprendre que les opérations continuent malgré cette brutalité de la mort car la mission est première ».

Quelques secondes passent. Le temps pour le père Loïc de se replonger dans ses souvenirs. « En tant que prêtre, je côtoie finalement assez régulièrement la mort. Mais quand vous avez des gars que vous accompagnez qui disparaissent alors que vous discutiez la veille avec eux… Je me souviens un jour avoir fermé la porte de l’aumônerie pendant trois heures pour prier et demander au Seigneur son aide ».

D’autres cas de conscience surviennent en opération extérieure. Tuer quelqu’un par exemple. « Les soldats sont formés à tirer : le jour J vous neutralisez l’ennemi. C’est lui ou vous ». Les cas de conscience viennent après. « À ce moment-là, l’aumônier doit avoir une réponse claire. Le militaire attend un dialogue vrai, direct et sincère. » « C’est ce pourquoi on est là », reprend le père  François. « Quel que soit le grade, la fonction ou le cas de conscience du militaire, notre porte est ouverte pour écouter ». « Souvent les gars viennent vous voir pour vous demander un évangile, un carnet de prière. On lit ensemble un texte et on regarde comment Jésus considère les paroles et les actes ». Là où des remises en questions vous solidifient, d’autres vous fragilisent. « Quand quelque chose devient trop dur à porter, je dis souvent que Jésus marche devant pour le guider, à ses côtés pour l’accompagner et derrière pour le porter quand les choses deviennent trop difficiles ».

Quand les mots ne peuvent plus rien ou qu’ils ont dit ce qu’ils avaient à dire, l’aumônier laisse place au cœur à cœur avec Jésus. « Dans la chapelle du camp, j’ouvrais souvent la porte du tabernacle et je disais au Seigneur de parler à leur cœur », se souvient le père Loic. « Comme ça, il y a déjà 50% du travail qui est fait par plus grand que moi ! ». « Je réalise dans nos échanges qu’ils se rendent compte de la force que Dieu donne à leur cœur, leur âme », complète le père François. Il se souvient de ce soldat, pas particulièrement pratiquant, lui confier : « Padre je passe à la chapelle car ça me regonfle, ça me fait du bien ». « Si Dieu est une réalité, il faut qu’il y ait quelque chose d’effectif en eux ! », conclut-t-il.

La mission prend des formats divers mais elle demeure au cœur de leur vie professionnelle.

L’annonce mi-juin par le président de la République de la transformation de l’action de la France au Sahel, présente depuis août 2014 dans le cadre de l’opération Barkhane, laisse-t-elle un goût amer ? « Non », assurent les aumôniers. La mission commence et elle se termine. « On sait qu’elle va durer un temps avant de laisser la place à de nouvelles missions », explique le père François. « Lors d’une opex les militaires déployés s’investissent à un moment donné dans un endroit donné selon des directives propres ». « Et puis l’annonce de cette transformation profonde n’est pas brutale, entre l’annonce de la fin et la fin réelle, il peut s’écouler du temps », souligne le père Loïc qui reprend : « La vie de militaire est ainsi faite qu’aux opex succèdent des semaines de perm’, puis d’autres missions comme Sentinelle, avant de repartir sur des terrains de formation… La mission prend des formats divers mais elle demeure au cœur de leur vie professionnelle, tout au long de leur vie professionnelle, sans interruption ». 

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