Dès le premier contact avec le père Jean-Yves Ducourneau, même si ce n’est qu’au téléphone, on est tout de suite saisi par son énergie et sa joie. Il esquisse sa vision décapante de l’âme d’une voix puissante et d’un optimisme éclatant. C’est ce dont il traite dans son ouvrage Voyage au pays de ton âme. Longtemps aumônier militaire, son témoignage révèle une grande force intérieure. Tout en soulignant qu’il n’a pas eu la prétention d’écrire un livre théologique ou philosophique de plus sur l’âme, l’auteur de cet essai tient à dire que c’est sous la forme de la lettre ouverte d’un missionnaire, qu’il a souhaité proposer aux lecteurs un voyage initiatique vers l’âme.
Qu’est-ce que l’âme ? « Ce n’est ni accessoire, ni fétiche, ni amulette. Elle est en chaque personne comme la source de son identité, comme le creuset de sa personnalité et comme la signature de sa sacralité », explique-t-il à Aleteia. Impossible donc de faire l’impasse sur ce qu’elle est. Alors pour se recentrer sur son âme, l’auteur propose les “douze travaux” à faire. Comme pour cultiver son jardin : d’abord commencent les six étapes d’élagage, suivis de six étapes de fertilisation :
1
S’approprier son âme
L’âme n’est pas un gadget porte-bonheur. Si le premier travail à faire est de se l’approprier, il faut d’abord comprendre que c’est l’âme qui donne le sens de la vie, et le goût de Dieu. Pour se l’approprier, il est essentiel de la respecter. « Respecter l’âme signifie non seulement savoir qu’elle est là, mais surtout qu’elle est en soi-même plus que soi-même. Elle n’est donc pas une amulette amusante, puisqu’en elle a été implantée la Parole de Dieu qui peut la sauver (cf. Jc 1, 21). C’est par elle que chacun peut sauver son être qui est sacré aux yeux de Dieu, car unique et créé très bon (cf. Gn 1, 31). », explique à Aleteia le père Jean-Yves Ducourneau.
2
Se mettre à l’écoute de Dieu
Chacun, dans son voyage intérieur, peut tomber dans le désespoir ou dans une sorte de léthargie. Qui n’a pas entendu à un moment cette petite voix intérieure murmurant : finalement, ta vie est une impasse. Selon l’auteur du livre, le travail à faire face à ce piège, est d’ouvrir “les oreilles de l’âme” et se mettre à l’écoute de ce que Dieu dit : Je suis le Seigneur ton Dieu, je t’instruis pour ton bien, je te conduis par le chemin où tu marches. Si seulement tu avais été attentif à mes commandements ! Ton bonheur serait comme un fleuve et ta justice comme les flots de la mer (Es 48, 17-19). Pour ne pas se laisser entraîner par les pensées déprimantes, il faut avoir systématiquement le réflexe de se mettre à l’écoute de Dieu.
3
Apprendre à connaître l’ennemi
La vie, tout en étant un grand voyage, est aussi un combat spirituel. « Et s’il y a un combat, c’est qu’il y a un ennemi, un ennemi qui veut du mal. Invisible à l’âme, il veut en être le maître par une abusive possession destructrice », précise le père Jean-Yves Ducourneau. Apprendre à le connaître pour le maîtriser est essentiel. Pour Jésus, il n’y a pas de doute possible ni de juste milieu. Ou bien l’âme choisit la lumière ou bien elle se tourne vers l’ombre. « Celui qui ne prie pas le Seigneur, prie le diable. Quand on ne confesse pas Jésus-Christ, on confesse la mondanité du diable, la mondanité du démon », avait affirmé le pape François lors de sa première messe pontificale.
4
Célébrer son âme
Qui n’a pas connu un jour un vague à l’âme provoqué par les épreuves de la vie, ce sentiment qui rend les journées tristes ? C’est pour cela que « l’homme a besoin de marquer le tempspour rompre cette monotonie qui peut rendre l’âme amorphe, l’empêchant de tourner son espritvers la joie que Dieu a pourtant mise en elle », souligne l’auteur. Toute âme a besoin de faire la fête, célébrer, créer des rituels heureux. Jésus lui-même, « s’est manifesté publiquement pour la première fois – dans l’Évangile selon saint Jean – lors d’un mariage, lieu de la fête familiale par excellence », rappelle l’auteur, pour qui le récit des noces à Cana marque « le temps de l’alliance humaine que Jésus transforme en alliance éternelle avec son Père. » Le travail à faire ? Célébrer son âme pour se reconnecter à la joie profonde, bien présente en elle.
5
Rester humble sur soi-même
Trop pris par les besoins du quotidien, on peut avoir le sentiment, certains jours, de perdre son âme. Comment ne pas se perdre en chemin ? Comment distinguer les vraies réalités à gérer de celles qui sont probablement illusoires, dictées par un style de vie ou un caprice ? « Pour comprendre ce qu’on doit être et vivre sur cette terre, il faut balayer en soi tout ce qui masque la vérité de son être », explique le religieux. Cela implique cette découverte que l’homme n’est pas sa seule vérité. « Qui suis-je ? D’où est-ce que je viens ? Où est-ce que je vais ? Je ne suis rien. Tout ce que je possède, l’être, la vie, l’intelligence, la volonté, la mémoire, tout m’a été donné par Dieu, et donc tout lui appartient », disait Jean XXIII, cité dans l’ouvrage. L’âme humaine n’est pas amnésique, elle sait qui on est vraiment.
6
Garder son âme en état de grâce
Changer de vie pour se sentir mieux, trouver le vrai chemin de son existence… Si le vrai déclic peut faire basculer la vie dans la bonne direction, vraiment « alignée » à son âme, il y a des tentations qui semblent séduisantes et crédibles mais qui viennent du diable, affirme le père Ducourneau. Ne pas négliger son pouvoir de nuisance est essentiel. Seulement comment s’y retrouver ? « En écoutant en son âme la voix de la vie qui vient du véritable créateur, celui qui fait de chaque personne son enfant bien-aimé », poursuit-t-il. Et sainte Thérèse de Lisieuxle complète à sa manière :
« Une âme en état de grâce n’a rien à craindre des démons qui sont des lâches, capables de fuir devant le regard d’un enfant ».
7
Dire “oui” aux dons de l’Esprit saint
Chaque personne a besoin de recevoir parfois de bons conseils. Pour grandir son âme, l’Esprit de Dieu se propose d’être le conseiller. « L’Esprit divin éclaire notre intelligence pour que nous fassions ce qui est bon et évitions ce qui ne l’est pas. Il aide à entreprendre ce qui construit et renoncer à ce qui détruit. Il permet de faire les bons choix dont l’option serait plus délicate si nous n’avions aucun soutien pour le discernement », explique l’auteur. Accepter librement ce don c’est accepter d’être dirigé par l’inspiration divine, même quand l’adversité attaque. On ne peut qu’apprécier ce cadeau promis à l’âme : il la fait grandir.
8
S’approcher du Christ par l’Eucharistie
Bien-être, bonne vie, justice, sainteté et bonheur, voilà les qualités que l’âme peut acquérir, avec la grâce de Dieu. Pour cela, Il faut « laisser son âme s’approcher de celui qui peut la combler en se donnant à elle », comme l’écrit l’auteur. Quel est le meilleur moyen pour le faire ? L’Eucharistie. Car c’est dans l’Eucharistie, que « l’âme est comblée de grâce et le gage de la gloire future nous est donné », explique encore le religieux. Jésus, qui a dit précisément de l’Eucharistie, “ceci est mon corps, ceci est mon sang” veut se donner à chaque âme en se rendant présent à celui qui fait la démarche de venir communier.
9
Unir sa volonté à celle de Dieu
Comment trouver un accord à l’amiable entre son âme qui est parfois persuadée d’avoir raison et l’Esprit de Dieu qui sait ce qui est bon pour elle ? « La simple volonté de l’homme ne peut pas toujours avoir l’idée du vrai bonheur durable. Trop limitée, elle pense souvent à son intérêt immédiat », constate l’auteur. La volonté de Dieu, qui a créé l’homme et qui l’accueillera à sa mort, sait ce qui est fondamentalement bon pour l’homme dans sa recherche innée du bonheur durable », précise-t-il encore. Il s’agit alors d’une rencontre entre les deux volontés qui s’unissent pour le bien de l’âme humaine qui ne grandit que dans la lumière divine. Le travail à faire, c’est de confier son âme à Dieu qui en prend ainsi la responsabilité : Il ne lui veut que du bien, du beau et du vrai.
10
Être fidèle à l’amitié avec Dieu
« Quitter l’amitié avec Dieu trouble l’âme et, de fait, la nature ayant horreur du vide, celle-ci se tournera vers l’antithèse de cette amitié divine, elle ira vers l’auteur du péché qui agira en elle, la coupant de l’identité que Dieu lui donne », prévient le père Ducourneau dans son ouvrage. Pour ne pas trahir cette amitié qui est l’essence même de la foi, il faut s’accrocher à sa famille : celle des autres baptisés. C’est justement dans le baptême que « chaque enfant est introduit dans une communauté d’amis qui ne l’abandonnera jamais dans la vie ni dans la mort, parce que cette communauté d’amis est la famille de Dieu qui porte en elle la promesse de l’éternité » disait le pape Benoît XVI. Pour ne pas rompre ce lien créé par le baptême, il faut alors s’accrocher à Dieu… encore et toujours !
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Amarrer son âme au Christ
L’âme de celui qui a fait le choix d’être fidèle à l’amitié avec Dieu devient alors une âme sœur. Comme celle de sainte Faustine, la religieuse mystique polonaise qui reconnaît : « tout ce qui est beau dans mon âme est tien, ô Dieu ». Source de bonheur, ce cœur à cœur avec Dieu permet de voir que « l’âme véritablement humble et douce respire déjà le paradis sur terre » parce que, poursuit-elle, « la tristesse ne s’installe pas dans un cœur qui aime la volonté divine ». La seule recette est de laisser son âme unie à Dieu quel que soit le vent de tempête qui souffle. « Comme un bateau amarré lorsque les tornades affluent sur les digues, l’âme est amarrée au port de Dieu qui lui donne la grâce de tenir contre vents et marées », conclut l’auteur.
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Aimer le Christ comme Marie
La dernière étape, c’est celle de rendre son âme amoureuse. C’est sa vocation intime et ultime. Il y a une personne unique dans l’histoire du Salut qui en est un modèle pour devenir une âme vraiment amoureuse de Dieu. C’est Marie. Son « oui » devient le « oui » que chaque âme est appelée à dire à Dieu. Alors, on pourrait dire « Aime et fais ce que tu veux » comme disait en son temps saint Augustin. « Et il avait raison car sans amour on ne peut rien entreprendre de bon. De fait, sans amour, même ce que l’on croit être bon ne l’est pas, comme le rappelle une autre sainte, Thérèse de Lisieux :
« J’ai compris, écrit-elle à ton intention, que sans l’amour, toutes les oeuvres ne sont que néant, même les plus éclatantes, comme de ressusciter les morts ou de convertir les peuples. »