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Assemblée des évêques à Lourdes : on demande des pères

assemblée plénière Lourdes

Hans Lucas via AFP

Photo d'archives.

Henri Quantin - publié le 03/11/21

En ces jours où les évêques entament une assemblée plénière décisive, notre chroniqueur Henri Quantin retrouve dans les mots de Léon Bloy, « quoi qu’on pense de la vigueur du polémiste », l’attente immense de bien des fidèles.

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L’évêque de Reims condamné publiquement pour des propos trop peu respectueux des valeurs de la République ! L’événement ne concerne pas Mgr Éric de Moulins-Beaufort, puisqu’il date de 1910. Léon Bloy le relate ainsi dans son Journal : « Le 25 février, le tribunal civil de Reims condamne son archevêque à 500 francs de dommages-intérêts pour avoir dit aux instituteurs, avec quatre-vingts évêques français : “On vous confie des enfants chrétiens et vous en faites des petits cochons”, ce qui est d’ailleurs tout à fait exact. »

Au nom de la splendeur du sacerdoce intégral

On pourrait s’attendre à ce que la plume féroce du furieusement catholique Bloy prenne la défense du condamné et lui offre une revanche symbolique, assénant quelques coups de gourdin au tribunal de la République anticléricale. Pourtant, c’est à l’évêque que Bloy demande de rendre des comptes : « Vous vous plaignez, monseigneur, d’un enseignement qui tue les âmes, et, certes, vous accomplissez en cela votre devoir. Mais qu’avez-vous fait pour empêcher qu’il en fût ainsi ? » On aurait tort de voir là une provocation de bouffeur de curés ou un simple effet rhétorique de pamphlétaire. Bloy, que le pape François ne craint pas de citer, a pris soin de préciser qu’il poussait ses cris « sur son idéal saccagé ». C’est parce que son amour de l’Épouse du Christ est brûlant qu’il pleure et hurle devant des clercs tièdes ou glacés. De même, quand il admoneste les prêtres, c’est toujours au nom de la splendeur du sacerdoce intégral :

« On demande des Prêtres. On en demande d’autres. On en veut qui soient fraternels aux Intelligences, qui aiment la Beauté et la Grandeur jusqu’à en mourir, qui n’acceptent pas d’abdication comme il s’en est tant vu depuis deux cents ans.

On vous demande, messieurs les successeurs des Apôtres, de ne pas dégoûter le Pauvre qui cherche Jésus, de ne pas détester les Artistes et les Poètes, de ne pas envoyer au camp ennemi — à force d’injustice, de déraison et d’ignominies — celui qui ne chercherait pas mieux que de combattre à côté de vous et pour vous, si vous étiez assez humbles pour le commander. »

Beaucoup de fidèles désirent non pas que leurs évêques cessent d’être des pères, mais au contraire qu’ils le redeviennent enfin.

Ceux qui savent lire perçoivent dans ces lignes plus d’amour de l’Église que dans toute atténuation rebaptisée modération, ou que dans toute indifférence avantageusement renommée tolérance.

Se débarrasser des caricatures

En ces jours où les évêques entament une assemblée plénière décisive, les mots de Bloy pourraient bien résumer, quoi qu’on pense de la vigueur du polémiste, l’attente immense de bien des fidèles. Certains, sans doute, ont été trop souvent déçus pour espérer quoi que ce soit de la hiérarchie. D’autres, oubliant que les litanies des saints contiennent quelques évêques, se sont peut-être même réjouis que l’opposition simplificatrice entre sainteté et institution se soit vue confirmée. Beaucoup, toutefois, veulent croire que leurs pasteurs ne sont ni « systémiquement » nuisibles, ni gentiment inutiles. Conscients de l’imposture de l’explication par la domination masculine — les évêques qui ont couvert des crimes ont péché par lâcheté ou excès de sentimentalisme plus que par soif de pouvoir —, beaucoup de fidèles désirent non pas que leurs évêques cessent d’être des pères, mais au contraire qu’ils le redeviennent enfin.

Redonner sens à la paternité symbolique des évêques suppose évidemment de se débarrasser de toute caricature. Caricature, le père du patriarcat de la république romaine, qui a droit de vie et de mort sur ses enfants. Caricature, le papa poule qui infantilise ceux qu’il prétend aimer, en discréditant par avance toute exigence paternelle. Caricature, le père démissionnaire qui ferme les yeux sur les fautes de ses enfants, pour n’avoir ni à y mettre fin, ni à s’interroger sur sa propre responsabilité éducative. Caricature, le père qui fait plus de cas de la réputation de sa famille que d’un de ses fils persécuté par un frère pervers ou un oncle sadique.

Une paternité authentique

L’image de la paternité épiscopale a néanmoins ses raisons d’être. Père libérateur, celui que ses fils sont heureux et fiers de suivre, parce qu’ils sentent que la route sur laquelle il les mène est d’autant plus belle qu’elle est escarpée ; père fécond, celui dont l’autorité vient avant tout de sa capacité à s’agenouiller avec ses enfants devant la Vérité qui le dépasse autant qu’eux ; père juste, celui qui n’a pas oublié que la sanction pouvait être un acte d’amour, spécialement quand elle est un rempart contre la progression du mal ; père admirable, enfin, celui qui sait donner l’exemple par sa lourde pénitence, quand il a lui-même gravement failli.

Les mots de Bloy méritent d’être reçus, quitte à ce que ce soit en pleine figure. Beaucoup ont les yeux tournés vers vous, Messieurs les successeurs des apôtres, à commencer par de très nombreuses victimes. Ne les décevez pas ! Vous ne convaincrez pas tout le monde, cela va de soi. Outre les indifférents, il y aura des mécontents par milliers, écorchés vifs à fleur de peau ou ennemis qui veulent en découdre de toute façon. Chez ces derniers, on devine par avance quelques jeux de mots éculés : « Pas de miracle à Lourdes » ou « L’Église de France continue à prendre l’eau à Lourdes ». Pourtant, la majorité des fidèles demeure sans doute « malheureuse et troublée », selon la formule de Maritain. Ceux-ci ne réclament ni une nouvelle stratégie de communication, ni une démission collective, mais une paternité authentique. Ils croient que l’Esprit saint n’a pas déserté et que si toutes les personnes de bonne volonté L’implorent longuement avec vous, Il vous inspirera les paroles et surtout les actes à la hauteur du désastre.

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