Vous avez dit nuance ? Annoncé il y a quelques mois, le premier numéro du nouvel hebdomadaire Franc-Tireur est arrivé en kiosque mercredi 17 novembre. “Un journal de combat au service de la raison”, assurent ses fondateurs Caroline Fourest, Raphaël Enthoven, Christophe Barbier et Éric Decouty, et qui redonne une place centrale à la nuance, à la complexité et à la modération. “Combattre l’obscurantisme et tous les extrêmes par la rationalité avec un manifeste hebdomadaire”, défendent-ils encore.
Pourtant à la lecture du premier numéro de Franc-Tireur, la nuance n’est pas vraiment le premier mot qui vient à l’esprit. Le dossier de une s’intitule “Les Cathos intégristes de Zemmour : enquête sur une nébuleuses d’individus sulfureux et de réseaux extrémistes”. Passons sur l’emploi du terme “cathos” qui n’est déjà, en soi, pas très heureux. Comme le soulignait notre chroniquer Henri Quantin il y a quelques mois, “rares sont les réalités qui sortent intactes d’une amputation du mot qui les désigne : peut-être Robert Bresson était-il exagérément puriste en revendiquant le cinématographe contre le cinéma, mais je ne suis pas sûr que le “prof” instruise autant que le professeur et je crains que le “catho” ne soit souvent qu’un demi-catholique.” Passons aussi sur l’illustration de “Une” que l’on aurait pu espérer plus subtile.
Versailles et Marie-Chantal
À la lecture de cette enquête sur “les catholiques intégristes qui entourent Éric Zemmour”, l’analyse nuancée et réfléchie promise par les fondateurs du média laisse place à d’authentiques clichés sur les catholiques. “Ces dernières semaines, Éric Zemmour s’est particulièrement intéressé au département des Yvelines”, note le journaliste. “Les Yvelines, c’est Versailles. Et Versailles, c’est la France de Louis XIV, celle de la fille aînée de l’Église où, avec le XVIe arrondissement de Paris, et Lyon, se trouve le plus grand nombre de serre-têtes et de Marie-Chantal au kilomètre carré.” Vous avez dit nuance ?
Un peu plus loin, épinglant différentes personnalités de l’entourage d’Éric Zemmour, l’article décrit un “casting d’hommes, de femmes et d’organisations qui regardent le monde à travers les vitraux de leur basilique idéologique et se signent quand passent devant eux un musulman ou un homosexuel”. Une tournure de phrase assénée comme une vérité absolue certainement employée pour rendre l’article plus attractif mais qui ne fait, contrairement à la promesse éditoriale du média, qu’alimenter “l’obscurantisme et tous les extrêmes”.