Depuis plus deux ans, il est celui qui suit au plus près le projet de réaménagement de l’intérieur de Notre-Dame de Paris. Nommé par l’évêque de Paris, Mgr Aupetit, le père Gilles Drouin supervise le groupe de travail “L’Atelier Notre-Dame” en charge de repenser l’aménagement liturgique et le parcours de visite des touristes dans le cadre de la réouverture de la cathédrale en 2024.
Vivement critiqué par des défenseurs du patrimoine qui jugent certaines idées du projet trop modernes, risquant de dénaturer l’héritage culturel et artistique laissé par Viollet-le-Duc, le père Gilles Drouin s’est défendu auprès d’Aleteia : “Notre projet s’est fait dans un total respect du monument et la Commission l’a reconnu.”
Aleteia : Êtes-vous satisfait de l’avis rendu par la Commission du Patrimoine ?
Le père Gilles Drouin : Nous sommes évidemment très heureux que les grandes lignes du projet aient été validées par la Commission. Il reste encore beaucoup de travail à réaliser mais les trois axes majeurs de notre réflexion à savoir l’axe liturgique, le parcours catéchuménal et l’ouverture à l’art contemporain ont reçu un avis favorable.
En quoi vont consister les aménagements concrètement ?
Notre objectif est d’améliorer l’accueil des touristes en préservant ce qui fait le coeur de la cathédrale, à savoir le culte. Nous avons donc réfléchi à un parcours de visite catéchuménal qui s’appuie sur les chapelles permettant de donner à voir, à des touristes parfois bien éloignés de la culture chrétienne, ce qui fait notre foi. L’aménagement des chapelles est donc en jeu. L’installation d’œuvres contemporaines dialoguant avec des œuvres anciennes a ainsi été bien accueillie, à condition que cela se fasse, évidemment, avec mesure et discernement. Aucun artiste n’a pour le moment été évoqué ni choisi et cela fera partie des prochaines étapes de notre travail. Quant à la forme de ces œuvres, plusieurs pistes sont en discussion. Nous pensons notamment à la tapisserie qui fait partie des grands arts d’église, idéal pour raconter l’histoire sainte. Concernant les phrases lumineuses du texte biblique projetées contre les murs, ce ne sont que des idées qui pourront prendre d’autres formes et qui ne sont pas du ressort de la CNPA. Ce que nous souhaitons avons tout c’est faire dialoguer les œuvres anciennes avec quelques unes d’aujourd’hui et la Parole de Dieu. Les modalités seront décidées dans un deuxième temps.
La cathédrale est un lieu de culte vivant. Ce n’est pas un musée, un monument figé.
En parallèle, quelques réserves ont évidement été apportées, notamment sur les statues XIXe des chapelles qui ne pourront pas être déplacées, mais nous réfléchirons à un autre moyen d’évoquer les “saints de Paris” dans l’élaboration de notre parcours de visite. Quand aux bancs, sur le principe ils ont été acceptés, seul le design est à revoir.
Que répondez-vous aux détracteurs qui craignent une “destruction” de l’héritage laissé par Viollet-le-Duc ?
Sur l’ensemble du projet, notamment le nouveau parcours de visite imaginé le long des chapelles, il n’y a aucune objection puisqu’il n’affecte pas le monument en lui-même. L’idée de ce parcours est du ressort de l’affectataire et la Commission ne s’est prononcée que sur les conséquences de ce parcours. Pour répondre aux détracteurs du projet, je leur dis simplement qu’il faut regarder les conclusions des experts du patrimoine. Ce projet s’est fait dans un respect total du monument et la Commission l’a reconnu. Il n’y a absolument aucune destruction ou saccage dans ce projet de réaménagement.
J’aimerais ajouter autre chose qui me paraît essentielle. Il est important de rappeler que la cathédrale est un lieu de culte vivant. Ce n’est pas un musée, un monument figé. Le diocèse de Paris est garant de cela depuis huit siècles car c’est lui qui la fait vivre ! Grâce à l’avis favorable de la Commission, nous allons pouvoir continuer à travailler afin que la cathédrale demeure ce qu’elle a toujours été : un lieu intégralement catholique, ouvert à tous, et vivant.
Certains catholiques craignent que le réaménagement se concentre exclusivement sur l’accueil des touristes au détriment de la liturgie. Que leur répondez-vous ?
Notre-Dame est l’une des rares grandes églises où il n’y a pas de petits espaces de prière pour s’isoler. Ici, on célèbre la liturgie au milieu du peuple et donc aussi au milieu des visiteurs. L’aspect théologique est un point sur lequel nous avons beaucoup insisté. C’est pourquoi il était important pour nous de marquer l’axialité de la nef avec le baptistère, l’autel et le tabernacle pour qu’elle manifeste la vie chrétienne centrée sur l’Eucharistie mais qui prend sa source dans le baptême. Tout ceci a pour but de rendre plus lisible notre foi. Nous ne savons pas encore quelle forme prendra le nouveau mobilier liturgique mais tous les éléments seront commandés à un seul et même artiste pour apporter une cohérence à l’ensemble. Nous espérons aussi pouvoir aménager un espace de prière devant le Saint-Sacrement, au niveau du chœur, afin que les fidèles puissent de recueillir tranquillement. Pour le moment, la CNPA a émis une réserve en raison d’une marqueterie de marbre au sol que le passage régulier des fidèles pourrait abîmer.
Ce projet, dans un combat difficile qu’est le tourisme de masse, vise justement à mettre en lumière le message chrétien qui fonde l’existence de Notre-Dame de Paris.
Je tiens également à rassurer les catholiques sur le travail que nous faisons sur les chapelles dans le cadre du nouveau parcours de visite. C’est justement dans le but de rendre le message chrétien plus lisible aux touristes que nous souhaitons ces aménagements. On ne peut pas fermer les portes de Notre-Dame aux 12 millions de touristes qui franchissement le seuil de la cathédrale chaque année. Ce projet, dans un combat difficile qu’est le tourisme de masse, vise justement à mettre en lumière le message chrétien qui fonde l’existence de Notre-Dame de Paris.
Propos recueillis par Caroline Becker