Autrefois, l’on célébrait le 23 janvier la fête du mariage, ou des fiançailles, de Notre-Dame. Cette célébration commémorait la victoire, en 1663, de l’empereur Léopold Ier sur les Tucs qui menaçaient la ville hongroise de Buda. Ayant, dans ce péril, invoqué le secours de Notre-Dame et de saint Joseph, le souverain Habsbourg avait été exaucé, les Ottomans repoussés et la ville épargnée. Léopold avait alors demandé à Rome d’entériner son vœu et de permettre d’honorer les saints époux. Ce choix témoignait de la très grande dévotion qui, au XVIIe siècle, entoure saint Joseph et d’une volonté de l’honorer de toutes les manières possibles. Cependant, le mystère du mariage de Joseph et de Marie est, depuis les commencements de l’Église, sujet de méditations et d’intérêt.
Un mariage nécessaire
Les évangiles, qui ne rapportent pas une seule parole de Joseph, au point que l’on a pu l’appeler le silencieux, ne sont guère prolixes sur l’événement. Saint Matthieu écrit sobrement que “Marie avait été accordée en mariage à Joseph” (Mt 1, 18-20) mais, selon les usages juifs, il s’agissait en réalité de fiançailles et les promis ne cohabitaient pas, ce qui explique la douloureuse stupeur du jeune homme en découvrant enceinte, et fatalement d’un autre que lui, celle qu’il chérissait et estimait plus que tout. Ce n’est qu’après l’apparition en rêve d’un ange lui demandant de ne pas craindre de prendre chez lui Marie son épouse que Joseph, en effet, célèbre officiellement leur union et ramène sa femme sous son toit.
Très vite aussi, l’Église défend la virginité perpétuelle de Marie et assure que Joseph ne connut pas son épouse, ni avant ni après la naissance de Jésus.
Les Pères de l’Église ont justifié très tôt ce mariage. Outre la nécessité, puisque la filiation se faisait en droit juif par le père, de donner à Marie un époux comme elle descendant de David, ce qui assurerait au Christ l’héritage royal, il convenait de mettre la réputation de la Vierge à l’abri des attaques et des calomnies, en laissant supposer la paternité biologique de Joseph : “Celui-là n’est-il pas le fils du charpentier de Nazareth ?” et, selon saint Ignace d’Antioche et saint Ambroise, d’abuser la malice du démon en lui laissant croire que l’Enfant était comme tous les autres, et non le Fils attendu. Très vite aussi, l’Église défend la virginité perpétuelle de Marie et assure que Joseph ne connut pas son épouse, ni avant ni après la naissance de Jésus. Cela implique une prédestination de Joseph, qui entre pleinement dans le mystère d’une union et d’une paternité que saint Augustin affirme réelles, bien qu’elles ne soient pas selon la chair. Saint Jérôme, dans le Contre Helvidius, en dit autant, et décrit Joseph comme un jeune homme, ce qui relève du bon sens.
La vérité et la légende
Cette opinion, pour évidente qu’elle apparaisse, sera pourtant difficilement acceptée par beaucoup, aux yeux desquels la chasteté perpétuelle d’un homme dans la force de l’âge semble difficile à soutenir. Dans leur souci de défendre le dogme de la virginité de Marie, certains qui peuvent d’ailleurs pour cela s’appuyer sur les évangiles apocryphes, décrivent Joseph comme un vieillard, veuf, père de nombreux enfants, les fameux “frères et sœurs de Jésus”, mauvaise interprétation d’un terme qui, en araméen, recouvre toute la parentèle, c’est-à-dire les neveux et cousins. C’est encore aux apocryphes que l’on doit le récit le plus célèbre concernant ces épousailles.
Marie a été confiée au Temple de Jérusalem dès sa prime enfance afin d’y être élevée selon un usage pieux qui permet à certaines jeunes filles de grandir dans le saint lieu et d’y travailler à tisser le voile qui protège le Saint des Saints mais, la virginité consacrée n’existant pas dans le judaïsme, à la puberté, il leur faut quitter le Temple pour ne pas le souiller. Selon les apocryphes, les prêtres, conscients de l’exceptionnelle qualité de Marie, décident alors de lui chercher un époux digne d’elle et, dans ce but, convoquent les hommes les plus fervents. Afin de les départager, il leur est demandé de planter en terre leur bâton de marche ; celui de ces bois morts qui reprendra vie et fleurira désignera l’élu de Dieu. Le bâton de Joseph se couvre alors de fleurs blanches. Il s’agit, évidemment, d’une charmante légende sans le moindre rapport avec la réalité des noces, beaucoup moins éclatantes, du charpentier de Nazareth avec la fille d’Anne et de Joachim.
L’alliance de Marie
Cette certitude n’empêche nullement de vénérer cette canne miraculeuse, ou ses fragments à Florence, Rome, Ariccia et Anagni, ainsi qu’à Annecy ; ces reliques ont la réputation, fondée, d’opérer des miracles. Cependant, c’est à Pérouse, dans la cathédrale, dont le clergé commanda pour cela au Pérugin la célèbre toile du Mariage de la Vierge, que l’on peut vénérer l’alliance de Marie, même si Sienne et Semur-en-Auxois se targuent aussi de la posséder…