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Faut-il être un expert pour être un bon président ?

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Ludovic MARIN / POOL / AFP

Emmanuel Macron, le 9 décembre 2021.

Henri Quantin - publié le 27/04/22

Le rôle d’un président de la République est-il d’être un expert capable de maîtriser les chiffres de ses dossiers ? L’écrivain Henri Quantin s’interroge cette semaine sur cette qualité volontiers prêtée à Emmanuel Macron.

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Ils sont finis, les jours de l’élection. Fini, ce temps binaire où toute critique d’un candidat est immédiatement considérée comme un soutien actif à son adversaire. Finie, cette course pour être sur la photo du camp du Bien, où se sont bousculés sportifs, acteurs ou enfants d’ancien président de la République, au point qu’on se demandait si on n’allait pas « faire barrage à l’extrême droite » avec des squelettes, comme d’autres font voter les morts. Fini aussi, ce temps béni pour les éditorialistes de la quasi-totalité de la presse, dont la seule réflexion portait sur le choix de l’adverbe utilisé pour appeler à voter Macron : « évidemment », « clairement » ou « naturellement », un évêque s’étant réservé « bien entendu » ? Fini aussi, le soir des résultats, où certains se réjouissaient d’une « victoire de la démocratie », ce qui ne laisse pas d’étonner à propos d’une élection comptant 28% d’abstentionnistes et un seul vote autorisé. En termes de « démocratie », la seule maigre victoire est, à la rigueur, que l’ordre sanitaire n’ait pas annulé l’élection pour cause de risque persistant de contamination.

La maîtrise chiffrée des dossiers

Mis à part la mascarade, désormais rituelle, de l’autoglorification démocratique, le nouvel entre-deux-tours aux allures de tous-contre-une aura-t-il révélé quelque chose de nouveau ? Révélé, sans doute pas, mais confirmé peut-être, si on pense au débat entre les deux « finalistes ». Une tendance de plus en plus nette s’y est dessinée : la réduction du président de la République à un expert. Il faut croire que cela peut se cumuler avec le rôle de sauveur de la démocratie en péril. D’Emmanuel Macron, on aura entendu dire cent fois qu’il « maîtrisait bien ses dossiers », contrairement à Marine Le Pen, ce qui n’est en effet guère contestable. Néanmoins, cet éloge répété néglige une question préalable : est-ce cette maîtrise arithmétique ou statistique qu’on demande au dirigeant d’un pays ?

Avouons-le, il nous est totalement indifférent qu’un Président connaisse mieux que ses adversaires les taux de croissance respectifs de la France et du Liechtenstein ou le nombre de vaccins administrés en Seine-Saint-Denis entre Noël et le jour de l’An. Sans doute est-il bon que de tels chiffres soient connus d’un ministre, ce qui est sans doute plus conforme à ses attributions — et à sa dignité — que de chanter devant la tour Eiffel « et un et deux et cinq ans de plus », chiffres plus faciles à retenir, il est vrai. Notons au passage que, dans cet idéal de maîtrise chiffrée des dossiers, on ne s’étonnera pas que la culture française — celle qui n’existe pas selon Emmanuel Macron — soit mise hors débat, puisque la culture est précisément le domaine où l’expert est le moins compétent des hommes. Admire-t-on Louis XIV parce qu’il connaissait exactement le montant des subventions de Molière et de Racine ? Maîtrise des dossiers. Un mauvais jeu de mots nous pousse à penser que cela vaut surtout pour ceux qui tiennent à leur fauteuil.

Parler comme un banquier

Puisque le slogan des « cinq ans de plus » singeait le fameux « et un et deux et trois zéro » de la Coupe du monde de foot, empruntons la métaphore sportive. D’un capitaine d’équipe, attend-on qu’il connaisse le cours des prix du lacet de chaussures ou qu’il pousse chaque joueur à se dépasser au service de la victoire de tous ? De même, souhaite-t-on qu’un chef d’orchestre soit incollable sur les factures d’assurance des violoncelles ou qu’il contribue à l’harmonie entre les instruments ? Veut-on qu’un général connaisse assez les méthodes de l’ennemi pour déjouer ses attaques ou qu’il nous dise la quantité de métal nécessaire pour fabriquer un char d’assaut ? « Vous parlez à votre banquier quand vous parlez de la Russie, c’est ça le problème Madame Le Pen. » Si efficace qu’elle ait pu être, la formule d’Emmanuel Macron méritait au sens strict le nom de « petite phrase ». Petite, elle l’était au regard du sujet annoncé : la question débattue était en principe la politique internationale ; elle devint celle du financement d’un parti. En cela, elle révélait un problème majeur du débat politique : quand le Président de la République parle de la France, il parle comme un banquier. C’est ça le problème, Monsieur Macron, et c’est à nouveau votre rôle d’y remédier.

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ÉlectionsEmmanuel MacronPolitique
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