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Une nouvelle Constitution apostolique pour améliorer les relations entre Rome et le monde

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Shutterstock I Pani Garmyder

Cyprien Viet - publié le 04/06/22

Après neuf ans d’attente, la Constitution apostolique Praedicate Evangelium, qui définit la nouvelle organisation de la Curie romaine, entre finalement en vigueur ce dimanche 5 juin, jour de la Pentecôte. Ce texte scelle la nouvelle organisation du Vatican et ses relations avec les Églises locales, en ligne avec les orientations du pape François.

Le pape François en avait fait une priorité urgente dès le début de son pontificat, mais le chantier s’est avéré plus complexe que prévu : alors que certains imaginaient une restructuration de la Curie romaine en 100 jours ou en un an, il a fallu finalement neuf ans pour arriver à la publication de la nouvelle Constitution… dont la version rendue publique le 19 mars, en la fête de Saint Joseph, s’était avérée n’être qu’une version encore provisoire, amendée par la suite.

L’enjeu dépasse largement le seul microcosme romain. C’est en effet toute l’articulation de la relation entre le Vatican et le reste du monde qui est revue, à travers cette nouvelle “Loi fondamentale” qui remplace la Constitution promulguée par Jean Paul II en 1988, Pastor Bonus. Il a fallu plus de 40 sessions de travail pour permettre au Conseil des Cardinaux d’élaborer ce nouveau dispositif, censé mettre la Curie au service des Églises locales, dans la dynamique d’évangélisation souhaitée par le pape dès sa première exhortation publiée en 2013, Evangelii Gaudium.

Sur le plan de l’organigramme, il n’y a plus de distinction entre “congrégations” et “conseils pontificaux” mais simplement des “dicastères”, c’est-à-dire des ministères. Le premier dans l’ordre protocolaire est le dicastère pour l’évangélisation, dont le pape devient personnellement le préfet. Le dicastère pour la doctrine de la foi prend la deuxième position, et la troisième place est pour l’Aumônerie apostolique, qui devient le “Dicastère pour le service de la charité”. 

Ainsi, l’évangélisation, la foi et la charité forment un triptyque cohérent et constituent la colonne vertébrale d’une Curie orientée vers le service du peuple chrétien et de l’humanité tout entière, en supprimant autant que possible toute logique de bureaucratie et de carrièrisme.

Une “dé-cléricalisation” de la Curie

Parmi les autres évolutions concrètes, l’officialisation de l’ouverture aux laïcs pour les postes de direction. Si les dicastères en charge des évêques ou du clergé devraient logiquement rester sous la conduite de clercs, certains secteurs comme l’éducation et la culture (désormais fusionnées en un seul dicastère) ou, bien sûr, le pôle “laïcs, famille et vie”, pourraient avoir bientôt des préfets laïcs, hommes ou femmes. Le “remaniement gouvernemental” attendu dans les prochains jours devrait permettre de découvrir de nouveaux visages. Précisons que depuis 2018, le Dicastère pour la communication – le plus important en nombre de personnes employées – est déjà dirigé par un homme laïc, le journaliste italien Paolo Ruffini. 

Selon la dernière mouture de la Constitution, même la nomination d’un homme laïc ou d’une femme laïque au poste de Secrétaire d’État, l’équivalent d’un “Premier ministre” du pape, deviendrait possible. En janvier 2020, la nomination de l’Italienne Francesca di Giovanni comme sous-secrétaire pour les relations avec les États (autrement dit, vice-ministre des Affaires étrangères) a peut-être posé un jalon en ce sens.

Lors d’une conférence de presse tenue en mai au Vatican, le cardinal Maradiaga, coordinateur du Conseil des cardinaux, n’a par ailleurs pas exclu que la diplomatie du Saint-Siège fasse appel à des laïcs, et que la charge de  nonce apostolique ne soit plus exclusivement confiée à des évêques. Mais cette évolution n’est pas inscrite dans la Constitution et fera l’objet de débats ultérieurs.

Une rotation des postes qui nécessitera de la souplesse

Autre disposition censée permettre une dynamisation de la Curie : la mise en place d’un turn-over sur les postes de travail. Le principe du quinquennat, renouvelable une seule fois, est institué. Cette évolution ne manquera de poser quelques difficultés quant au recrutement pour certains postes très spécialisés. Il est difficile d’imaginer, par exemple, que la Section latine de la Secrétairerie d’État puisse voir ses cadres venir et partir tous les cinq ans, alors que les latinistes capables de traduire les subtilités théologiques et diplomatiques des discours du pape sont peu nombreux sur le marché du travail, y compris parmi les religieux et ecclésiastiques.

Des accommodements et de la souplesse seront donc nécessaires. Ce sera l’un des enjeux d’une première relecture qui sera faite par les cardinaux exceptionnellement convoqués à Rome à la fin de l‘été. Cette réunion sera précédée par un consistoire pour la création de 21 nouveaux cardinaux, dont 16 électeurs, le 27 août. 

Avec cette annonce d’un Consistoire près de trois mois à l’avance, et celle d’une session de deux jours de travail de l’ensemble du Sacré-Collège sur la nouvelle Constitution apostolique, le pape François a usé d’un procédé inhabituel. “Le délai est long. Mais peut-être voulait-il agir pour préparer les nominations à la Curie”, explique Mgr Patrick Valdrini, canoniste et chanoine de Saint-Jean de Latran. 

Pour Mgr Valdrini, ce consistoire “est le signe que cette constitution a une visée politique” assumée par le pape François, qui avait souffert, quand il était évêque en Argentine, de ses relations difficiles avec Rome. Ce texte s’inscrit en continuité avec “sa vision de la Curie et de l’exercice de la collégialité, et il veut que ça rentre dans les esprits”, précise le canoniste français.

Mais le chantier n’est pas terminé : après la réunion des cardinaux à l’été 2022, le Synode sur la synodalité, à l’automne 2023, devrait permettre de clarifier certains points susceptibles d’évoluer. Le mode de nomination des évêques et le statut des conférences épiscopales pourraient faire partie des sujets à aborder. Cette assemblée sera donc une nouvelle manifestation de l’Ecclesiasemper reformanda, “l’Église toujours à réformer”, une formule souvent employée depuis le Concile Vatican II, et très présente dans le langage du pape François.

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ÉglisePape FrançoisVatican
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