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Saint Irénée : bonne fête docteur !

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Saint Irénée de Lyon.

Agnès Bastit-Kalinowska - publié le 27/06/22

L’Église fête pour la première fois ce mardi 28 juin 2022 saint Irénée comme docteur de l’Église. Spécialiste de sa pensée, Agnès Bastit-Kalinowska revient sur le cœur de son enseignement : la foi. En s’appuyant sur l’exemple d’Abraham et de Joseph, il définit la foi comme un double mouvement entre l’appel de Dieu et la réponse de l’homme, à la fois une connaissance révélée, un engagement et une joie prophétique.

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Le 21 janvier 2022, le pape François a signé le décret déclarant saint Irénée docteur de l’Église. Par cette décision, l’Église donne une importance particulière à l’enseignement de cet évêque théologien, qui écrivait au cours du dernier tiers du IIe siècle de notre ère (vers 180). Son enseignement tient principalement pour nous en deux ouvrages de nature bien différente : l’un, le Contre les hérésies, est une longue étude en cinq tomes consacrée à défendre, le plus solidement et clairement possible, la foi chrétienne contre de fausses interprétations, l’autre, la Démonstration de la prédication apostolique, adressé à un nouveau chrétien, est un résumé sommaire de cette même foi inscrit sur le fond de l’histoire du salut. Irénée est l’auteur encore d’autres livres, qui ne sont pas parvenus jusqu’à nous.

La foi d’Abraham, prototype de toute foi

La foi est ainsi au cœur de la pensée et de l’œuvre d’Irénée. Mais qu’est-ce que la foi pour lui ? Pour le découvrir, partons de la manière dont il s’intéresse au personnage d’Abraham et le comprend. Celui-ci, écrit Irénée, « est devenu le père de tous ceux qui suivent le Verbe de Dieu et cheminent en ce monde, des croyants de la circoncision et de ceux qui viennent du paganisme ». Poursuivant, il écrit que « le Christ est la pierre d’angle qui soutient tout l’édifice, et, de ce fait, il réunit en une seule foi d’Abraham ceux qui, provenant de chaque alliance (les juifs et les païens), sont aptes à entrer dans l’édifice de Dieu » (Contre les hérésies [CH] IV, 25, 1). L’arrière-plan biblique évoqué ici est double : il y a d’abord l’évocation du départ d’Abraham qui, à l’appel de la parole de Dieu, de son « Verbe », s’est mis en chemin à sa suite, comme les disciples de Jésus le feront aussi, dit ailleurs Irénée. Paradoxalement, ce nomadisme à la suite du Verbe va de pair avec l’édification de « l’édifice de Dieu », dans lequel les croyants sont invités à entrer par saint Pierre (1Pi 1, 4) et dont le Christ est à la foi la « pierre d’angle » (après avoir été une « pierre rejetée des bâtisseurs », selon le ps. 117) et le fondement unique, d’après saint Paul (1Co 3, 11). Le Christ réunit donc tous les croyants dans « l’unique foi d’Abraham ».

Plus haut, Irénée rappelait le fameux verset de la Genèse repris par Paul : « Abraham crut en Dieu, et cela lui fut compté comme justice » (Gn 15, 6, repris en Rm 4, 3 et Ga 3, 6). Il s’attardait sur les caractéristiques de la foi d’Abraham, qui est à la fois une connaissance venant d’une révélation, un engagement profond et une imprégnation par l’Esprit. Une connaissance car, pour Irénée, c’est le Verbe de Dieu lui-même, en même temps qu’il appelait Abraham, qui a élevé son esprit et sa foi des cultes qu’il connaissait à Ur vers « le Dieu du ciel et de la terre », le Père et Créateur du monde, le « Très-Haut » dont Melchisédech était le prêtre. « Abraham donc, écrit Irénée, ayant connu par (une révélation du) Verbe le Père, “qui a fait le ciel et la terre”, le confessait Dieu » (CH IV, 7, 1). Irénée interprète en effet le serment que fait Abraham en réponse à Mechisédech : « Je lève la main vers le Dieu Très-Haut, qui a fait le ciel et la terre » (Gn 14, 22) comme une confession de foi au Dieu unique et Créateur, fruit d’une grâce particulière et expression d’une connaissance nouvelle. En second lieu, la foi d’Abraham est aussi engagement : sur la parole de Dieu, il a « laissé toute parenté terrestre » (Gn 12, 1) et s’est mis à la suite du Verbe, « faisant route avec le Verbe pour demeurer avec le Verbe » (CH IV, 5, 3). On le voit là encore, le cheminement a pour visée la stabilité, la proximité définitive avec le Verbe de Dieu. Poussée à l’extrême, la foi d’Abraham prend une dimension héroïque, puisque l’obéissance de la foi le mène au seuil d’un sacrifice inouï : « Abraham en effet, fidèle au précepte du Verbe de Dieu conformément à sa foi, offrit de bon cœur son fils unique et bien-aimé en sacrifice à Dieu » (CH IV, 5, 4). 

Pourtant, cette offrande n’est pas aveugle, et c’est ici qu’intervient, en troisième lieu, la dimension charismatique, prophétique, de la foi d’Abraham selon Irénée. Le Verbe de Dieu, Dieu lui-même montre en esprit à Abraham la venue du Fils de Dieu et son sacrifice :

« Instruit par une vision de ce que le Fils de Dieu serait [un jour] un homme parmi les hommes, lui par la venue duquel sa descendance “deviendrait aussi nombreuse que les étoiles du ciel” (Gn 15, 5), “désira voir ce jour” (cf. Jn 8, 56), afin de pouvoir lui aussi embrasser le Christ et, voyant ce jour prophétiquement dans l’Esprit, il “exulta” (Jn 8, 56) » (CH IV, 7, 1). 

C’est donc la joie anticipée et l’espérance de la venue du Fils de Dieu Sauveur qui pousse Abraham à imiter par avance la générosité du Père qui « a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique » (Jn 3, 16). Abraham « offrit de bon cœur son fils unique et bien-aimé en sacrifice à Dieu, afin que Dieu lui aussi ait agréable d’offrir en faveur de sa descendance son Fils unique et bien-aimé pour notre rédemption » (CH IV, 5, 4). Dans l’acte de foi éclairé par la connaissance reçue de Dieu, la joie l’emporte sur le déchirement, car Abraham voit à l’avance la fécondité extraordinaire du sacrifice du Christ, par lequel sa descendance, non seulement charnelle mais spirituelle, se multiplie comme les étoiles du ciel. Comme le note Irénée, le moteur de sa foi est le désir, le désir de voir, d’embrasser (comme le fera son descendant Siméon) et de demeurer avec le Fils et Verbe de Dieu.

La foi de Joseph

On retrouve cette même richesse à propos de la foi de Joseph. L’acte héroïque qui lui est demandé est cette fois d’accepter l’enfant de Marie, qui semble l’avoir trahi. L’analyse d’Irénée est plus rapide, mais on y retrouve le même double mouvement fondamental, le même aller-retour entre l’appel de Dieu et la réponse de l’homme :

Il y a d’abord l’action de Dieu qui éclaire et propose, ici à travers l’explication de l’ange : « Ne crains pas de prendre Marie ton épouse : ce qu’elle a dans son ventre vient de l’Esprit Saint. Elle mettra au monde un fils que tu appelleras Jésus car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés » (Mt 1, 20-21), et sa référence à la prophétie d’Isaïe : « Cela s’est produit pour que s’accomplisse ce qui avait été dit par le Seigneur par la voix du prophète : “Voici que la vierge est enceinte, elle mettra au monde un fils qu’on appellera Emmanuel” (Is 7, 14) » (Mt 1, 22-23). Ce qu’Irénée commente ainsi : « L’ange s’efforçait de le persuader par les paroles du prophète et innocentait Marie, en montrant qu’elle était la vierge annoncée par Isaïe, celle qui est la mère de l’Emmanuel » (CH IV, 23, 1). La tâche de l’ange, qui s’adresse à la raison de Joseph sur la base d’une annonce prophétique, est plus facile que l’était celle du Verbe avec Abraham, puisque Joseph connaît les Écritures et attend déjà « celui qui sauvera le peuple ». Il y a ensuite en réponse l’action de l’homme qui adhère à l’appel de Dieu et y acquiesce pleinement : « C’est pourquoi, continue Irénée, persuadé et tiré du doute, Joseph prit chez lui Marie et offrit son service avec joie pour tout le reste de l’éducation du Christ. » Dieu attire l’homme à la foi en l’éclairant et en s’efforçant de le persuader, pour qu’il offre son obéissance « de bon cœur », comme le dit Irénée, et non pas sous la contrainte.

La foi comme imitation de Dieu

Il en va de même dans la vie de foi de chacun. Commentant Mt 5, 40-42, Irénée écrit :

« C’est pour cela que le Seigneur a recommandé… de ne pas être seulement de bons donateurs et des personnes généreuses, mais même de “donner gratuitement” (Mt 10, 8) à ceux qui s’emparent de notre bien (“À celui qui prend ta tunique, laisse aussi ton manteau ; à celui qui prend tes biens, ne les réclame pas”, Mt 5, 40), pour que nous ne nous attristions pas comme des personnes frustrées malgré elles, mais que nous nous réjouissions en personnes qui donnent de bon gré, par une faveur concédée à autrui plus que forcés par la nécessité. “Et si quelqu’un te requiert pour un mille, fais-en encore deux avec lui” (Mt 5, 42), sans le suivre comme un esclave, mais comme le précédant librement, te montrant disponible et utile à ton prochain en toute chose, sans regarder la malice d’autrui, mais en allant plus loin dans la bonté, te configurant toi-même au Père, « qui fait lever son soleil sur les mauvais et sur les bons, et pleuvoir sur les justes et sur les injustes » (Mt 5, 45) » (CH IV, 13, 3).

Là encore, il y a une sorte de rationalité dans ces conseils de Jésus en dépit de leur aspect apparemment absurde, une rationalité sublime et héroïque qui a été en premier lieu pratiquée par le Christ : laisser ses propres biens à ceux qui s’en emparent, et ce de bon cœur et non par contrainte, c’est imiter la magnanimité de Dieu envers tous, et d’abord à notre égard. Ceci ne peut se faire sans une profonde intimité, une vraie familiarité avec Dieu du croyant : la foi reçoit l’exemple donné par la générosité de Dieu, l’accepte et s’y conforme. Telle est la compréhension de la foi que suggère Irénée : un cœur éclairé qui acquiesce, une ouverture à une lumière. 

Irénée demande la foi pour ses lecteurs

C’est pourquoi Irénée peut s’écrier, priant pour ses lecteurs : 

« Je t’invoque, Seigneur Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob et Israël, qui es le Père de notre Seigneur Jésus-Christ, Dieu qui, par la surabondance de ta miséricorde, as jugé bon que nous te connaissions, toi qui as fait le ciel et la terre et qui domines toutes choses, toi le seul et vrai Dieu au-dessus duquel il n’y a pas d’autre Dieu, toi qui, par notre Seigneur Jésus-Christ, nous a encore fait don de l’Esprit Saint, donne à toute personne lisant cet écrit de connaître que tu es le seul Dieu, d’être affermi en toi et de s’abstenir de toute opinion hérétique, athée et impie » (CH III, 6, 4). Sur une telle base : la ferme affirmation de l’unique Créateur, la reconnaissance de la médiation de Jésus-Christ, vrai homme et vrai Dieu, et l’ouverture au don de l’Esprit Saint, le croyant peut entrer dans la richesse de la foi de l’Église par la proclamation des énoncés successifs du Credo, et échapper à tout égarement.

A lire

La Foi d’Irénée, Agnès Bastit,Fondation St Irénée, Lyon, juin 2022 (55 p.).

Tags:
Docteur de l'ÉgliseFoisaint Irénée de LyonSaint Joseph
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