Ce fut un travail de longue haleine pour l’artiste, mais aussi pour toute une paroisse qui s’est investie depuis 2019 autour de ce projet un peu fou: réaliser un immense retable de 37 m2 au total, recto-verso, sur le thème de la Trinité, pour l’église de la Sainte Trinité, située dans le populaire et croissant 8e arrondissement de Lyon, où se croisent des gens de toutes origines, croyants ou pas.
Après l’inauguration du triptyque côté verso un an plus tôt, en ce dimanche 12 juin 2022, jour de la Trinité, c’est au tour du verso d’être ouvert, présenté et béni par Mgr Olivier de Germay, qui préside la messe dans une église bondée. Cette “Théophanie dans le ciel de Lyon”, représente le Christ en croix, glorieux, accompagné du Père et du Saint Esprit, sur la place Bellecour, et entouré des saints du ciel et de la terre, le tout sur 11 mètres de long.
Les paroissiens comme modèles
Conformément à son style unique, que le public a pu déjà découvrir avec le chemin de croix qu’il a réalisé en 2019 pour l’église Saint-Nizier de Lyon, Bruno Desroche aime peindre ses contemporains, avec leur look d’aujourd’hui, jean et basket, portable ou vélo à la main, afin “d’inviter le spectateur à entrer dans l’image”. Et ce sont souvent les paroissiens qui servent de modèles. Ici le sacristain en Abraham, là une responsable des équipes saint Vincent de Paul à côté d’un sdf du quartier, ou encore un jeune couple de la paroisse, avec dans la poussette leur premier-né. “Pour que tous se sentent appelés et comprennent que Christ est vivant et présent aujourd’hui, au milieu de nous”, explique le peintre.
L’artiste ajoute n’avoir rien inventé puisque pendant des siècles, les œuvres religieuses permettaient un catéchisme en images, afin que la Foi se répande au plus grand nombre. Et ça marche, encore aujourd’hui, si l’on en croit les passages de quelques lycéens ou enfants du catéchisme, à la fois ébahis et plein de questions devant ce retable gigantesque. “Les jeunes se sentent à la fois concernés et attirés par le tableau”, raconte l’artiste qui se souvient encore du passage d’une classe de lycéens, alors qu’il était “sous l’eau devant l’ampleur de son projet en cours et peu disponible”, et dont leurs questions lui ont permis de comprendre l’importance et la nécessité de son travail, alors qu’il se décourageait.
Car il ne le cache pas, Bruno Desroche a souffert pour réaliser cette œuvre monumentale, et lors de l’inauguration, il a ainsi humblement confié à l’assemblée, venue nombreuse, “je voudrais vraiment que comme moi, quand vous regardez ce grand tableau, vous vous disiez : “ce n’est pas un fort, mais un faible qui a peint cela ». Et que cette œuvre soit un témoignage pour chacun, de ce que Dieu peut faire avec nos mains quand on crie vers Lui chaque jour”.
Exceptionnellement, pour fêter son inauguration, le retable va rester ouvert jusqu’au 14 septembre prochain, jour de la Croix glorieuse. Ensuite, pour les années, voire les siècles à venir, il restera fermé 44 semaines par an, rythmant la vie paroissiale. Symboliquement, chaque année, le retable sera rouvert le soir de la Veillée Pascale, le Samedi saint pour quelques semaines, jusqu’au dimanche de la Trinité suivant, jour de la fête paroissiale. Une manière de plus de catéchiser, avec cette symbolique de l’attente et du dévoilement.