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Eutrope, le saint Santon…patron de la Saintonge

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Manuel Cohen via AFP

Saint Eutrope bénit sainte Estelle

Anne Bernet - publié le 28/08/22

Après Front, Maurice et Nicaise, Aleteia poursuit son tour de France estival des saints patrons de nos régions. L’histoire du saint patron de la Saintonge, Eutrope, est indissociable de celle de la jeune Estelle dont il se fit le protecteur. Martyrs tous les deux, leurs ossements reposent dans la cathédrale de Saintes.

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Il ne doit pas y avoir de confusion ! Le mot « Santon » ne désigne pas ici les personnages de la crèche, les santouns ou petits saints en provençal, mais le peuple gaulois établi sur la côte Atlantique qui a donné son nom à la Saintonge et à la ville de Saintes. Saintes est splendide, riche de nombreux vestiges romains et d’une admirable cathédrale romane. Celle-ci est dédiée à saint Eutrope, premier évangélisateur et évêque de la région, dont elle abrite les reliques. Lors de fouilles, en 1842, l’on y a découvert un sarcophage antique portant son nom, Eutropius, contenant des ossements humains mélangés : les siens, sans doute, et ceux de la martyre Estelle ou Eustelle, patronne de la cité. Certains vous diront néanmoins qu’Estelle n’a jamais existé et que l’histoire d’Eutrope n’a guère de racines non plus. Et pourtant…

Les horreurs de « la secte »

Nous sommes probablement dans la seconde moitié du IIIe siècle. À cette date, le christianisme commence à être bien implanté en Gaule, du moins au sud de la Loire. Des évêchés se sont fondés et, si leurs titulaires ont échappé à la persécution de Dèce, en 250-251, ils ont non seulement enraciné leurs églises mais aussi envoyé à leur tour des missionnaires vers les régions non encore touchées par l’Évangile. Eutrope pourrait être l’un de ces prêtres partis parler du Christ aux populations qui ne le connaissent pas encore. Il atteint Saintes, un carrefour commercial important donc un bon tremplin pour l’évangélisation. L’aventure est dangereuse. Même si les chrétiens de l’Empire romain connaissent ponctuellement de longues périodes de paix, qui peuvent durer une ou deux générations, désarmant la prudence des communautés, la législation n’a jamais changé depuis Néron et la loi de l’été 64 : « Il est défendu d’être chrétien ». Quant à comprendre les fondements de cette interdiction, régulièrement remise en cause par l’Église et ses apologistes, sans résultat, même les meilleurs juristes y ont renoncé. C’est défendu, voilà tout, et cela permet, quand l’occasion s’en présente, d’expédier au bourreau des innocents dont le seul crime est de croire en la divinité du Crucifié. 

Au demeurant, l’on raconte tant d’horreurs concernant « la secte » qu’il n’est pas toujours nécessaire de renvoyer les chrétiens devant les tribunaux ; la colère populaire dégénérant et enflant en émeute contre ces « athées » qui ne vénèrent pas les dieux officiels permet de s’en débarrasser sans autre forme de procès. C’est pratique, surtout lorsque, à Rome, le souverain, par sympathie personnelle ou par indifférence, n’incite pas à persécuter les chrétiens. C’est le cas, dans les années 260 de l’empereur Gallien, qui a vu les déplorables résultats de la politique anti-chrétienne de son père, Valérien, et dont l’épouse, Salonina, songe à se convertir. La ligne politique officielle est donc de laisser les chrétiens tranquilles. Pour le moment, et cela agace prodigieusement le gouverneur de Saintes. Il ne les aime pas, voit en eux des ennemis de l’État, soupçonnables de soutenir les mouvements insurrectionnels qui commencent à miner la Gaule ; si cela ne tenait qu’à lui, il les éradiquerait tous de son territoire sans le moindre scrupule, mais cela risquerait de le faire mal voir en hauts lieux… 

La conversion d’Estelle

La présence d’un prédicateur chrétien en ville, quand elle lui a été rapportée, l’a évidemment contrarié. Comme pour mieux l’ancrer dans ses préventions, cet Eutropius prêche dans les faubourgs, ces quartiers mal famés où les vrais pauvres côtoient les gens de sac et de corde, mendiants, brigands, hommes de tous les mauvais coups. Dans ces bas-fonds d’une civilisation impitoyable aux faibles, la parole du Christ ouvre des perspectives inespérées de justice, de compassion, de tendresse. Les conversions sont nombreuses. Une communauté chrétienne voit le jour. 

Une jeune fille va la rejoindre. Elle a treize ans, dit la Tradition, l’âge nubile en droit romain, qui fait d’elle une adulte. À la différence des autres convertis d’Eutrope, Eustelle, dont le prénom deviendra Estelle, l’étoile, est de bonne famille. Son père, en effet, n’est autre que le gouverneur de Saintes, ce grand ennemi du nom chrétien. En général, ce sont des servantes, des nourrices, des domestiques, plus rarement des artisans, chausseurs, tailleurs ou couturières, des médecins ou des enseignants baptisés qui, ayant leurs entrées dans les maisons riches, les appartements des femmes et des enfants, viennent y parler de l’évangile. Voilà comment Estelle a découvert le Christ. Elle l’a tout de suite aimé. Lorsque son père apprend la conversion de l’adolescente, faute de parvenir à la raisonner, il la jette dehors. C’est son droit : à la rue, exposée à tous les dangers, toutes les privations, la petite finira par regagner tête basse le domicile familial. Il n’en est rien car, solidaire, la communauté chrétienne recueille Estelle qu’Eutrope prend sous sa protection. Dès lors, pour le gouverneur, il est l’homme à abattre. 

Un « contrat » contre l’évêque

Dans quelques années, confrontés à des cas similaires, désireux de récupérer des filles fugueuses qui, leur virginité consacrée à Dieu, refusent le mariage prévu, des familles traîneront les évangélisateurs devant les tribunaux en les accusant de rapt et de détournement de mineures. Ce n’est pas encore à la mode. Le père d’Estelle va donc devoir recourir à des méthodes moins conventionnelles… Puisqu’il ne peut arrêter Eutrope et le faire condamner, il fait affaire avec des truands et passe sur la tête de l’évêque un vrai « contrat » mafieux… Il ne s’agit pas de l’assassiner dans quelque ruelle obscure par une nuit sans lune mais bien de détruire l’Église locale. En déclenchant contre elle une émeute « spontanée ». Cela arrive de temps en temps. C’est distrayant : on casse tout chez les chrétiens, on les pille, on les vole, le cas échéant, on les jette par la fenêtre, ou dans un puits, on improvise un bûcher… Quant au prétexte qui déclenche la tuerie, il est souvent inexistant. Les autorités laissent faire, complices ou dépassées, le résultat est le même.

Un matin, Eutrope est ainsi pris à partie dans la rue, acculé contre un mur, roué de coups. On lui jette des pierres puis, comme cette lapidation ne va pas assez vite, l’un des tueurs armé d’une hache, preuve que tout cela est organisé, lui défonce le crâne. Ainsi périt le premier évêque de Saintes.

La preuve du coup de hache

La Tradition affirme que le martyr a été enterré « dans le jardin d’Estelle » et par les soins de celle-ci. Sauf à supposer que la jeune fille ait hérité de quelques biens du côté de sa mère et qu’elle ait pu les récupérer, l’hypothèse est douteuse. En tout cas, l’histoire, ou la légende, veut qu’Estelle n’ait pas survécu longtemps à Eutrope et qu’elle soit à son tour morte martyre, condamnée par son propre père, dit-on même.

Tout cela, il faut l’admettre, ne repose sur aucun document. Comme bien d’autres, la sépulture des témoins sera perdue, puis retrouvée, à la suite d’une apparition d’Eutrope à l’un de ses successeurs, précisant qu’il reconnaîtra son crâne à « la marque du coup de hache qui lui ouvrit les portes du Ciel ». Le fait est que le chef de saint Eutrope porte bien la marque de cette terrible blessure, raison pour laquelle il protège ceux qui doivent subir une chirurgie crânienne.

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