Réjouissez-vous ! L’article que vous allez lire est entièrement gratuit. Pour qu’il le demeure et soit accessible au plus grand nombre, soutenez Aleteia !
*avec réduction fiscale
Combien de temps es-tu prêt à servir ? — S’il plaît à Dieu, toujours. Un certain vertige saisit à l’idée que des centaines de jeunes gens ont prononcé ces mots cet été, lors de leur promesse scoute. Combien y seront fidèles ? Combien n’en garderont qu’un souvenir attendri et diront un jour, en anciens combattants spirituels, qu’eux aussi ils ont « fait les scouts« , quand ils étaient jeunes et idéalistes ? « Toujours dure longtemps », comme le savent les lecteurs du père Jérôme. Aussi ces promesses d’été sont-elles appelées à avoir plus d’avenir que l’« histoire d’amour vacances qui finit dans l’eau », chantée par Elsa et Glenn Medeiros dans les années quatre-vingt. Cela suppose de croire que les mots ont un sens et que les paroles engagent. Ce n’est pas rien de promettre de respecter la loi scoute : avoir pour vocation de « servir et sauver son prochain », ne rien faire à moitié, sourire dans les difficultés, être pur dans ses pensées, ses paroles et ses actes…
« Devant tous, je m’engage »
Ce programme de vie n’est sans doute pas compatible avec tous les plans de carrière. Le scout lucide découvre rapidement que la fidélité est un combat, qu’il faut mener « sans souci des blessures ». Prononcées à 12 ans, ces promesses d’été peuvent donc être l’apprentissage des engagements sacramentels qui exigent l’âge adulte : mariage et ordination sacerdotale. Après tout, le scoutisme accomplirait largement sa mission s’il offrait au monde des époux, des prêtres et des consacrés fidèles.
Est-ce pour cela que le chant de la promesse scoute résonne si souvent lors des mariages ? Les paroles, de fait, peuvent s’appliquer à une alliance pour la vie. Les jeunes mariés peuvent légitimement chanter « devant tous je m’engage » ; ils bâtissent sur un roc solide en reprenant : « Je veux T’aimer sans cesse, de plus en plus. Protège ma promesse, Seigneur Jésus. » Conscient de l’importance du passé scout des mariés, un prêtre précisa un jour à l’assistance, mi amusé, mi désabusé : « Pour le chant de la promesse, j’ai vite compris que ce n’était pas négociable. » Soit. L’habitude de faire le salut scout pendant le refrain, en revanche, n’est pas forcément très inspirée. Un geste liturgique n’a-t-il pas vocation à unir l’assemblée ? Devant les mains droites levées, on a parfois le sentiment que le but est avant tout de permettre à une partie des participants de proclamer ostensiblement : « J’en suis. » Qu’on le veuille ou non, une messe de mariage n’est pas un rassemblement et le salut des uns, quelle que soit son intention, tend à exclure les autres.
Conserver l’esprit scout
On objectera peut-être que s’unir à l’engagement des mariés implique de savoir s’adapter à l’esprit qu’ils ont souhaité donner à leur mariage. Parfait, mais alors qu’ils aillent au bout de leur démarche. Saluer en chantant le refrain du chant de la promesse, très bien, mais à condition de conserver l’esprit scout dans la suite de la journée : dîner dans des gamelles autour d’un feu de bois, invités en chaussures de marche, soirée sans alcool ni DJ… On doute qu’il soit bien accueilli, celui qui entonnerait : « Avant d’aller dormir, sous les étoiles, doux Maître, humblement à genoux, Tes fils t’ouvrent leur cœur sans voile, Si nous avons péché, pardonne-nous. » Plus sérieusement, il est bien sûr légitime qu’une réception, qui unit tous les âges et comporte une dimension sociale, ait peu à voir avec une veillée, mais l’esprit scout invite au moins à ne pas se soumettre à la surenchère festive qui exige qu’un mariage soit « instagramable » : la peste soit du mot et plus encore de la chose !
Nul doute que le scoutisme puisse être une excellente école de vie chrétienne pour de futurs époux. « Le scout est fait pour servir et sauver son prochain » : ce « prochain » est aussi à l’évidence un mari ou une femme. En revanche, quand saluer revient à mettre à l’écart une partie de l’assemblée, il semble préférable de s’abstenir. Ce n’est pas parce que le mot « salut » peut renvoyer aussi bien à « sauver » qu’à « saluer » qu’il faut confondre les deux verbes.