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Les fruits de l’hérésie moderne

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Bernardo Strozzi, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons

Le prophète Élie et la veuve de Sarepta, Bernardo Strozzi, vers 1640.

Jean-François Thomas, sj - publié le 02/11/22

Comme la veuve de l’Évangile soumise à la famine, les catholiques possèdent l’arme des sacrements et de la Résurrection. Face aux attaques modernes contre la foi, l’heure n’est ni au découragement ni à la passivité.

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L’Église apparaît souvent comme une vieille dame ridée ou un mercenaire blessé. Les apparences sont trompeuses car le Corps du Christ ne peut subir les outrages du temps et des hommes. Par le péché et l’imperfection de ses membres, elle est souffrante mais pas diminuée. Encore faut-il, pour le saisir, ne pas la regarder d’abord comme une institution humaine soumise aux fluctuations politiques et sociales. Même plongée dans l’Histoire, elle la dépasse.

Une poignée de farine et deux morceaux de bois

Beaucoup de fidèles aujourd’hui s’inquiètent, à juste titre, du recul de la foi, de l’effritement de l’Église, et, plus encore, de ce qui semble la ronger de l’intérieur, donnant, à l’extérieur, tous les signes d’une décadence doctrinale, liturgique et morale. Les scandales se succèdent et risquent en effet d’entamer la confiance et l’espérance. Cependant, la crise actuelle n’a pas surgi du néant. Il est tout d’abord nécessaire de garder à l’esprit l’émouvante rencontre entre le prophète Élie et la pauvre veuve de Sarepta (1R, 17, 10-16). En temps de famine, cette femme ne possède plus qu’une poignée de farine pour se nourrir avec son fils, c’est-à-dire ce qui tient dans le creux de la main, ce qui peut être gratté au fond du pot, et un peu d’huile, ainsi que deux morceaux de bois.

Chaque détail est revêtu de charge allégorique. Cette veuve est l’Église, qui, certes Corps du Christ, a dû laisser repartir le Sauveur vers le Père ; le Seigneur lui a laissé un présent insigne : les sacrements, c’est-à-dire ce qui a pu être conservé du Maître, attrapé au vol, soigneusement récolté comme le peu de farine et d’huile. C’est ce que nous pouvons « toucher » de Notre Seigneur, selon la belle formule de saint Jean : « Ce que nous avons contemplé, ce que nos mains ont touché, concernant la parole de vie » (1Jn1, 1). Cette farine et cette huile permettent de cuire le panis arctus, le « pain serré », dont parle Isaïe (30, 20), ce pain qui devient Corps du Christ sur l’autel, tandis que l’huile sainte, le Christ Lui-même, consacre les prêtres et les baptisés. Quant aux deux morceaux de bois, ils furent lus comme la Croix par les Pères. L’Église, même dans son veuvage, est ainsi armée par l’Époux.

L’attaque moderne contre la foi

Hilaire Belloc, cet écrivain catholique britannique, a décortiqué les hérésies qui ont traversé l’Église, les schismes qui l’ont affectée. Son analyse est extraordinairement pertinente, surtout au regard de la date de la rédaction de son ouvrage the Great Heresies (« Les Grandes Hérésies ») en 1938, alors que l’Église, en constante expansion, semble être si rayonnante et si solide. Or la veuve est plus que jamais exposée à la disette. Elle ne mourra point, pas plus que son fils guéri par le prophète Élie, car le Maître veille, plus efficace et puissant que tous les prophètes de la Révélation.

Étant assurés de cette fidélité et de cette protection, nous pouvons résonner avec Belloc qui note ceci : « L’attaque moderne contre la Foi — la dernière et la plus redoutable de toutes — a fait de tels progrès que nous pouvons d’ores et déjà soulever un point crucial : elle aura des répercussions aussi colossales que définitives sur le monde tel que nous le connaissons. En effet, soit l’Église catholique (en passe de devenir le dernier lieu où les traditions de notre culture sont encore comprises et défendues) sera réduite à l’impuissance politique, à l’insignifiance numérique et au silence public ; soit elle arrivera, comme à maintes reprises par le passé, à trouver les ressources nécessaires pour réagir et venir à bout de ses adversaires. » 

Quand les catholiques se taisent

À première vue, nous nous trouvons plutôt dans la première situation car il n’apparaît guère, au sein de l’Église, de voix prête à s’opposer avec force aux agressions des ennemis. Le découragement face à cette inertie ou à cette lâcheté saisit du coup bien des fidèles soucieux de conserver le trésor et de le faire fructifier. L’époque religieuse est plus à la léthargie qu’à la croisade, fût-elle uniquement spirituelle.  Sommes-nous donc condamnés à devenir un petit reste à la marge et méprisé ? Comme la veuve, nous devons au contraire mobiliser les forces qui subsistent, nous rallier autour de cette farine et de cette huile, de ce bois, symboles d’unité et de victoire. La tendance actuelle, fataliste plus que chrétienne, conduit à faire son deuil et à considérer que, même si l’Église ne peut disparaître à cause des promesses faites par le Christ à son endroit, elle ne sera plus qu’un groupe minuscule et oublié de tous. Si l’Église est réduite à une peau de chagrin, ce scénario catastrophe donnerait raison d’abord aux ennemis de la Foi. 

Le basculement religieux de la France est essentiellement dû au mutisme et à la passivité des catholiques qui assistent sans ouvrir la bouche à la destruction de leur tradition.

Les hérésies et les schismes des siècles passés et de l’époque contemporaine ont créé des strates au travers desquels la Vérité a du mal à se faufiler. La foi faiblit lorsque la science théologique et l’apologétique disparaissent ou bien sont méconnues par ceux qui devraient les utiliser, les faire fructifier. S’engouffrent par cette brèche les ennemis du nom chrétien, selon la formule si parlante, c’est-à-dire tous les héritiers des hérésies passées et aussi de nouveaux adversaires armés jusqu’aux dents et fiers de leur succès, beaucoup plus dangereux que Dioclétien ou les Vikings. Ces conquérants trouvent le terrain libre devant leurs pas et il est logique qu’ils poussent toujours plus loin leurs incursions. Le basculement religieux de la France est essentiellement dû au mutisme et à la passivité des catholiques qui assistent sans ouvrir la bouche à la destruction de leur tradition. Le troupeau ne peut pas se défendre si le berger l’expose au loup.

Il y aura toujours une résistance

Il faut réagir contre cette conception aberrante de l’évolution de l’Église, y compris lorsque certains membres de la hiérarchie préparent plutôt le dépôt de bilan que l’émergence d’une vitalité renouvelée. L’Église n’a pas besoin de gestionnaires de la famine mais d’hommes qui nourrissent les affamés spirituels, comme Élie rassurant et soutenant la veuve et son fils. Si l’Église n’était qu’emportée par le flot de l’Histoire, comme le sont les civilisations, les régimes politiques, alors il y aurait vraiment de quoi se démobiliser et demeurer les bras ballants en attendant la fin des temps.

Belloc nous encourage : « Il y aura toujours une résistance, une forme de réaction catholique se distinguant par une certaine vitalité, une certaine manière de jaillir avec une force inattendue par l’intermédiaire de nouveaux hommes et de nouvelles organisations. [L’Église] paraît douée d’une vie organique plutôt inhabituelle : elle a un mode d’être unique, des capacités de rebond insoupçonnées, et une affinité certaine avec la résurrection. » Voilà le secret : l’affinité avec la Résurrection. 

Ce sursaut est derrière nous, mais d’autres forces se lèvent, notamment parmi la jeunesse éprise de beauté et de vérité, d’où des conversions fulgurantes.

Belloc vécut à une époque de renouveau catholique parmi les grands esprits qui se convertissaient en masse, saisis par la beauté de la liturgie et la richesse de la Tradition. Ce sursaut est derrière nous, mais d’autres forces se lèvent, notamment parmi la jeunesse éprise de beauté et de vérité, d’où des conversions fulgurantes.

Notre auteur écrit : « Le futur n’est pas décidé par un vote à bulletin secret ; il est déterminé par l’évolution des idées. Lorsque les quelques hommes doués des meilleures aptitudes pour penser, sentir et s’exprimer commencent à s’intéresser à telle ou telle chose, il y a fort à parier qu’elle prévaudra à l’avenir. » Il est possible que le clergé ne soit pas toujours attentif à cette évolution des idées, décourageant ainsi ceux qui, enflammés et zélés, trouvent leur attache notamment dans la solidité de la doctrine et la splendeur liturgique. Cela importe peu. Aucun obstacle ne peut et ne doit arrêter ce qui remue la paresse et l’incrédulité du monde, la timidité ou l’hostilité de certains clercs.

Le Sauveur et le Tentateur

Hilaire Belloc a raison d’affirmer avec force et conviction, pour contrer les esprits chagrins : « Même si la force sociale du catholicisme semble décliner partout dans le monde, en nombre mais aussi dans la plupart des autres facteurs, les lignes de fractures entre le catholicisme et cette toute nouvelle dévotion païenne (destruction de toute tradition et rupture avec notre héritage) sont clairement marquées. » Se retrouvent face à face, pour l’éternel combat tant que ce monde durera, les deux armées dont parle saint Ignace de Loyola dans les Exercices spirituels, celle du Sauveur et celle du Tentateur, non point deux forces égales puisque le mal n’est que privation du bien, mais affrontement entre ce qui crée et ce qui n’est pas capable de créer.

Chesterton, comme son grand ami Belloc, a aussi prédit des âges sombres et crucifiants, mais ni l’un ni l’autre ne furent défaitistes, ce qui serait la victoire du Malin. Belloc termine son ouvrage sur les hérésies par cet avertissement : « Nous voici au rendez-vous, devant la plus cruciale des questions qui furent jamais posées à l’esprit humain. Nous voici à la croisée des chemins : du choix que nous ferons dépend l’avenir de notre race. » Puissions-nous poursuivre le pèlerinage de nos aïeux dans la foi en ne baissant pas la garde, même si notre troupe est réduite.

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