La virulence de saint Jean-Baptiste dans l’Évangile de ce jour (Mt 3, 1-12), tranche avec la prophétie d’Isaïe (Is 11, 1-10). Isaïe nous promet un monde de paix. Le loup habitera avec l’agneau, l’enfant jouera sur le nid du serpent. Il ne se fera plus de mal, sur ma montagne sainte, dit le Seigneur. Cette vision de paix fonde notre espérance chrétienne. Elle oriente notre action au quotidien. Nous voulons être au service de ce monde de justice et de paix. Et si le monde autour de nous souffre la violence, l’espérance chrétienne est plus forte. Nous savons que la violence existe, que le mal marque nos vies. Mais nous croyons que le Christ est vainqueur du mal. Il est un sauveur humble et doux. Ce qui nous sauve ce n’est pas la force d’une armée ni la puissance de notre compte en banque. Ce qui nous sauve c’est que “la connaissance du Seigneur remplira le pays comme les eaux recouvrent le fond de la mer” (Is 11, 9).
Un cœur qui désire la conversion
C’est de notre lien au Christ que vient le Salut. La connaissance dont parle Isaïe n’est pas un savoir intellectuel : c’est un lien vivant avec le Christ. “Con-naître ” littéralement c’est “naître avec”. Il s’agit de renaître du Christ, de laisser le Christ transformer ma vie, d’accepter que ma vie soit entièrement au Christ. Ce qui nous conduit à devoir poser un choix, le choix du Christ. En ce second dimanche de l’Avent, nous avons à rechoisir le Christ. Nous avons à choisir à nouveau d’être chrétiens. Nous pouvons alors comprendre l’exigence de Jean-Baptiste. Il ne s’agit pas pour nous d’être des chrétiens de façade, d’être chrétien par routine. Il s’agit au contraire de nous déshabituer le cœur, ne soyons pas habitués à être chrétiens. Saint Jean-Baptiste nous demande un cœur qui désire la conversion. Il nous faut vouloir être aimés de Dieu, il nous faut accepter que toute notre vie soit renouvelée par le Christ. « Con-naître », renaître, que ma vie soit christique, que je sois chrétien.
Jean-Baptiste leur demande que ce ne soit pas juste une expérience forte, comme on en fait dans sa vie, un trip spirituel, mais un engagement de tout leur être pour accueillir la vie de Dieu.
Je ne suis pas chrétien comme je suis joueur de foot ou de domino. Chrétien, c’est mon identité profonde. Chrétien, c’est ma vie. Sinon, nous serions hypocrites. Voyez les gens qui viennent à Jean-Baptiste. Ils sont plongés dans le Jourdain. Cela a deux significations très fortes. Ils passent dans le Jourdain, comme leurs ancêtres avaient traversé le Jourdain pour entrer dans la Terre Promise, comme leurs ancêtres avaient traversé la Mer Rouge pour quitter l’esclavage d’Égypte. C’est donc un signe fort de changement de vie : ils veulent entrer dans la vie de Dieu. Et être plongés dans l’eau, c’est faire une expérience de mort puis de vie. Lorsqu’ils sont plongés sous l’eau par Jean-Baptiste, ils font l’expérience de ne plus respirer, comme s’ils allaient mourir. Et tout à coup, Jean les ressort… et ils respirent, ils vivent. Voilà pourquoi Jean-Baptiste leur demande que ce ne soit pas juste une expérience forte, comme on en fait dans sa vie, un trip spirituel, mais un engagement de tout leur être pour accueillir la vie de Dieu.
La tentation du doute
Il y a trois manières de vivre la messe. Je peux la vivre sans qu’elle ne change rien à ma vie, parce que j’y suis sans y être, je n’ouvre pas mon cœur à la puissance de la vie de Dieu. Je peux la vivre comme une expérience spirituelle forte… que je laisse derrière moi en sortant de l’Église. Ou je peux en faire la source et le sommet de toute ma semaine. C’est seulement dans ce dernier cas que je peux me dire “chrétien”, parce que je laisse le Christ vivre en moi et alors je porte de ces fruits de conversion dont parle Jean-Baptiste. Cela ne veut pas dire que je sois parfait… cela veut dire que je désire cette sainteté que Dieu seul peut donner.
Dieu est à l’œuvre aujourd’hui. Voilà la bonne nouvelle. L’Esprit Saint prépare des cœurs en grand nombre pour accueillir le Christ.
Parfois, nous sommes tentés de douter. Nous nous demandons : est-ce que Dieu peut encore faire quelque chose de moi ? Le mal qui envahit ce monde ne risque-t-il pas de m’envahir moi aussi, comme le froid de l’hiver qui de l’extérieur nous saisit à l’intérieur jusqu’à ce que l’on soit “gelé jusqu’aux os” ? Bien sûr, nous avons essayé de porter des fruits de conversion. Bien sûr, nous avons voulu vivre en accord avec l’Évangile… et puis cela n’a pas marché, nous sommes retombés dans nos péchés… et nous nous décourageons. Les paroles vigoureuses de Jean-Baptiste doivent nous remplir d’espérance. Des pierres que voici, Dieu peut faire naître des enfants à Abraham (Mt 3, 9). Alors combien plus de moi, pauvre pécheur qui n’arrive pas à être chrétien, mais qui essaie, essaie, et essaie encore, Dieu pourra faire un saint !
Trois pistes concrètes
Car Dieu est à l’œuvre aujourd’hui. Voilà la bonne nouvelle. L’Esprit Saint prépare des cœurs en grand nombre pour accueillir le Christ. La racine de Jessé sera un étendard pour toutes les nations, nous dit Isaïe (1, 10). Aujourd’hui, alors que notre Église est malmenée, il y a un grand nombre d’hommes et de femmes qui cherchent Dieu et qui ont le désir du Christ. Notre Église ressemble peut-être à l’arbre de Jessé, qui s’est effondré… mais de la racine naît un surgeon. Il y a plusieurs milliers de catéchumènes en France. Tous les mois, il y a de nouvelles demandes de baptême ou de confirmation d’adulte ou d’adolescent. Des pierres que voici, Dieu peut faire des chrétiens. Et si les non-chrétiens accueillent la puissance de vie de l’Évangile, chacun de nous peut lui aussi se remettre en route. Que les conversions de nos frères nous stimulent à notre propre conversion.
J’aurais pu terminer là, mais une homélie doit être concrète ! La connaissance de Dieu, renaître d’en haut, et vivre dans l’espérance d’un monde de paix, c’est très beau, mais ce n’est peut-être pas assez concret. Alors je vous propose trois pistes concrètes pour mettre en œuvre cet Évangile dans votre semaine. Premièrement, identifier chaque jour quelque chose de beau, et le partager à quelqu’un. Par exemple, en famille, en couple, ou avec vos voisins, chaque soir au dessert, dire une belle chose. Cela, c’est pour être enracinés concrètement dans l’espérance. Deuxièmement, prier l’angélus. En mettant votre téléphone à sonner à 12h et 19h. Parce que l’Angélus c’est faire mémoire de Dieu qui vient dans nos vies. C’est typiquement une prière de l’Avent ! Troisièmement, prenez rendez-vous pour vous confesser. La conversion que les juifs vivent en allant voir Jean-Baptiste, à nous de la vivre aussi. Et c’est plus facile d’aller parler avec un prêtre que de se plonger dans le Jourdain. Voilà trois manières bien concrètes de nous préparer au Règne de Dieu, règne d’amour et de paix. Bon Avent !