“Réjouissez-vous car le Seigneur est proche !” Ces mots-là, le jésuite allemand Alfred Delp les a écrits avec les mains menottées dans sa cellule de prison à Berlin. Arrêté et torturé par les nazis, le père Alfred Delp fut finalement exécuté à l’âge de 37 ans le 2 février 1945.
C’est après l’échec de la tentative de coup d’État du 20 juillet 1944 que le prêtre est arrêté le 28 juillet 1944, après la messe du matin célébrée dans le quartier de Bogenhausen à Munich. Lors du procès, le jésuite est condamné à mort pour haute trahison. Si le tribunal abandonne l’accusation de complicité dans l’attentat, son implication dans le Cercle de Kreisau, un centre de réflexion sur le relèvement politique et spirituel de l’Allemagne, son travail de prêtre et sa foi suffisent pour faire de lui une victime de la justice nazie. D’ailleurs, pendant son incarcération, la Gestapo lui offre de le libérer s’il quittait son ordre, mais il refuse aussitôt.
Avec ses mains menottées, il rédige sur des petits bouts de papier des méditations sur le sens de l’Avent et sur la signification de Noël.
Dans sa cellule de prison, le père Alfred célèbre secrètement la messe. Avec ses mains menottées, il rédige sur des petits bouts de papier des méditations notamment sur le sens de l’Avent et sur la signification de Noël. Le prêtre réussit même à les faire sortir clandestinement de prison pour les transmettre à ses amis et d’autres chrétiens proches de son action. Affaibli par les tortures, le jésuite vit des moments de grand désespoir, mais paradoxalement, il expérimente aussi la joie de la présence de Dieu :
“De la même manière que les mensonges sont sortis du cœur des gens, pénétrant dans le monde entier et le détruisant, de même la vérité devrait – et va – commencer son service de guérison dans nos cœurs. Allumez les bougies partout où vous le pouvez, vous qui en avez. Elles sont le symbole de ce qui doit se passer pendant l’Avent, de ce que doit être l’Avent, si nous voulons vivre.”
Faire le bien au prix de sa propre substance
Comme il explique, quiconque veut comprendre le message de lumière du Christ n’a qu’une seule chose à comprendre : “la mission, le devoir de briller, d’attirer les autres, de voir, de guérir, de faire le bien au prix de sa propre substance”. Une image qui semble symboliser aussi son propre futur martyre… S’il traverse des moments de grande souffrance et angoisse, le père Alfred est déterminé à lutter intérieurement pour “tenir”. Évoquant l’une de ses nuits de tortures subies, il écrit :
“Quand je pense à cette nuit dans la Lehterstrasse où j’ai demandé à Dieu de mourir, parce que je n’en pouvais plus d’impuissance, parce que je ne me sentais plus capable de porter cette croix et de faire face à tant de violence ! Toute la nuit j’ai lutté avec Dieu et pleuré ma misère devant lui. Et ce n’est qu’au matin qu’une paix profonde m’a envahi, lumière, chaleur et force bienfaisantes qui m’ont fait voir clairement mon devoir : tenir, et m’ont apporté cette espérance bénie : tu tiendras.”
La lettre d’adieu
Au cœur de l’enfer qu’il vit, il goûte à la proximité et la tendresse de Dieu : “Ces mois de captivité ont brisé ma résistance physique et beaucoup d’autres choses encore en moi, et pourtant j’ai vécu ici des heures merveilleuses. Dieu a tout pris en main, et je sais maintenant implorer et attendre.” Le 2 février 1945, le père Alfred Delp note dans sa lettre d’adieu :
“Combien de temps attendrai-je ici, serai-je tué et quand, je ne sais pas. D’ici jusqu’à la potence de Plötzensee il n’y a que dix minutes en voiture. On n’apprend que peu de temps auparavant que le jour est venu et que c’est en fait immédiatement. Pas de tristesse. Dieu m’aide de façon si merveilleuse et si visible jusqu’à maintenant. Je n’ai pas encore peur. Ça peut venir. Peut-être Dieu veut-il que cette attente soit l’ultime épreuve de la confiance. C’est bon pour moi. Je m’efforcerai de tomber dans la terre nourricière comme une semence fertile pour vous tous et pour ce pays et ce peuple que je voulais servir et aider.”
La sentence fut exécutée le même jour à la prison de Plötzensee. Sur le chemin qui le conduisait sous la potence, le père Alfred Delp, considéré par Thomas Merton comme l’auteur des “méditations chrétiennes les plus pénétrantes de notre époque” avait dit à l’aumônier de la prison : “Dans quelques instants, j’en saurai plus que vous.”
Pratique :