Peut-être l’avez-vous noté ? Lors de la messe de funérailles du pape émérite Benoît XVI jeudi 5 janvier, l’Évangile a été chanté par le diacre. L’acte, traditionnel, est plus signifiant qu’il n’y paraît à première vue. Quand on lit la Présentation Générale du Missel Romain (PGMR), qui explique la manière de célébrer la liturgie, on remarque que l’Évangile n’est pas lu mais proclamé. Plus encore, cette proclamation “constitue le sommet de la liturgie de la Parole. Il faut lui accorder la plus grande vénération” (§60).
Chanter l’Évangile est donc d’abord une marque de vénération. Et une façon de souligner la solennité du moment, parce que les parties chantées de la messe sont d’autant plus nombreuses que la fête célébrée est importante. La même PGMR dit ainsi : “On mettra tout le soin possible pour que le chant des ministres et du peuple ne soit pas absent des célébrations les dimanches et fêtes de précepte. […] On donnera la priorité à celles [les parties de la messe] qui ont le plus d’importance” (§40).
Chanter pour se tourner vers Dieu
Le texte liturgique reste en revanche muet sur l’appréciation de la solennité et le ton musical à employer. Pour le premier point, le ministre qui préside l’eucharistie est invité à un discernement pastoral, selon le lieu et ses traditions, sa volonté de souligner l’importance de tel mystère de la foi, et… ses capacités vocales ! Pour le ton, le Graduel, répertoire des morceaux grégoriens de la messe, indique des règles. Lesquelles ne s’appliquent donc pas aux langues vernaculaires. Pour ces dernières, on utilise le plus souvent des tons de psaumes adaptés au texte lu et au temps liturgique, éprouvés par d’autres prêtres auparavant et transmis par eux.
Saint Augustin disait : “Chanter est le fait de celui qui aime.”
Plus profondément, comme les anges nous y invitent durant la nuit de Noël, chanter est la manière éminente de se tourner vers Dieu, d’exprimer l’allégresse du cœur en usant de son corps tout entier. Saint Augustin disait : “Chanter est le fait de celui qui aime.” Son fidèle disciple, Benoît XVI, en un passage aussi profond que lyrique de son discours aux Bernardins, ne dit pas autre chose :
“Tout comme à l’école rabbinique, chez les moines, la lecture accomplie par l’un d’eux est également un acte corporel. […] Les Psaumes contiennent en plusieurs endroits des instructions sur la façon dont ils doivent être chantés et accompagnés par des instruments musicaux. Pour prier sur la base de la Parole de Dieu, la seule labialisation ne suffit pas, la musique est nécessaire. […] La Liturgie chrétienne est une invitation à chanter avec les anges et à donner à la parole sa plus haute fonction. […] Se trouve ici exprimée la conscience de chanter, dans la prière communautaire, en présence de toute la cour céleste, et donc d’être soumis à la mesure suprême : prier et chanter pour s’unir à la musique des esprits sublimes.”