Dans sa lettre apostolique Tout est à l’amour, le pape François encourage les chrétiens à redécouvrir saint François de Sales en ces 400 ans de sa mort. La très concrète Introduction à la vie dévote que celui-ci écrivit en 1609, est une aide dont il serait dommage de se priver. Sa vie et ses écrits sont une mine d’or, un peu désaffectée pendant ces dernières décennies, et que nous redécouvrons. Homme d’expérience, François de Sales a été missionnaire dans des conditions très difficiles, sur les bords du lac Léman. Sa clarté d’esprit et sa charité rayonnante ont permis la conversion inespérée de protestants très récalcitrants. Il est devenu plus tard le saint patron des journalistes et des écrivains pour avoir choisi, quand tous refusaient de venir l’écouter, de placarder ses arguments sur les portes.
Comment pouvons-nous rester fermes dans nos désirs et éviter de nous dépiter contre nous-mêmes ?
En fréquentant les cercles du renouveau spirituel de son époque et les âmes les plus éprises de Jésus, sa sagesse remarquée lui valut d’accompagner des personnes très nombreuses et très différentes. C’est à cette école qu’il grandit lui-même et forgea un esprit qui resplendirait bientôt dans la fondation de l’ordre de la Visitation. Ne pouvant voir souvent ses interlocuteurs, il leur écrivait des lettres admirables. La correspondance qui nous est parvenue se compose de plus de 2000 lettres. On y admire comment il adapte ses conseils au tempérament de chacun, au point où il se trouve, tout en s’appuyant sur des principes clairs qui dénoueront bien des nœuds. Un des grands problèmes qui l’occupent est celui-ci : puisque nous vivons souvent bien loin de la sainteté que nous désirons, et puisque nos bonnes résolutions sont souvent inconstantes et tournent court, comment pouvons-nous rester fermes dans nos désirs et éviter de nous dépiter contre nous-mêmes ?
À un jeune homme prometteur et peut-être un peu tiède, le fils de sa chère sainte Jeanne de Chantal, qui écoutait un peu trop ses préférences et ses répugnances… il sait prescrire une ascèse un peu nette, tenir un langage bien ferme et qui réveille : “En un mot, ce qu’il faut entreprendre, c’est de n’être pas moins brave sous prétexte qu’on est chrétien, ni moins chrétien sous prétexte qu’on est brave. […] Faites souvent cette bonne pensée, que nous cheminons en ce monde entre le paradis et l’enfer, que le dernier pas sera celui qui nous mettra au logis éternel et que nous ne savons pas lequel sera le dernier, et que, pour bien faire le dernier, il faut s’essayer de bien faire tous les autres” (lettre n° 637, 8 décembre 1610). Marchez d’un pas décidé, dit-il donc à ceux qui le peuvent et qui pourraient préférer les plaisirs éphémères. Relevez-vous avec le secours de la grâce de Dieu quand vous tombez, et ne vous asseyez pas en route !
Mais l’amour interdit la dureté contre soi-même
En revanche, à bien des âmes au contraire trop empressées et inquiètes, il parvient à enseigner la mesure et la vraie patience, celle qui évite à la fois le découragement et la colère contre soi. Ainsi, à la célèbre mère Angélique Arnauld, l’ardente abbesse de Port-Royal qu’il dirigea durant les trois dernières années de sa vie, et qui bien après la mort du saint (elle déplorera souvent d’être privée de ses conseils) se trouverait au cœur du mouvement janséniste. Il lui écrit en lui parlant d’elle-même non sans humour :
“Sa promptitude naturelle est la cause de tout son mal […]. Il lui faut tenir son esprit dans la modestie, douceur et tranquillité, et pour cela, qu’elle ralentisse toutes ses actions extérieures : son port, son pas, sa contenance, ses mains, sa langue et son langage ; et qu’elle ne trouve point étrange si cela ne se fait point en un instant. Pour mettre un jeune cheval au pas et l’assurer sous la selle et la bride, on met des années entières.”
Et plus loin il ajoute :
“Vous lui êtes un peu trop sévère à la pauvre fille ; il ne lui faut point tant faire de reproches, puisqu’elle est fille de bons désirs. Dites-lui que […] jamais elle ne s’étonne, ni ne dépite contre elle-même ; qu’elle regarde plutôt Notre Seigneur qui, du haut du Ciel, la regarde comme un père regarde son enfant qui, encore tout faible, a du mal à assurer ses pas” (lettre n°1646, février 1620).
Et l’assurance suffisante qu’il lui donne est que “la grâce de Dieu et la résolution qu’elle vous a donnée, demeure continuellement en la pointe de votre esprit” (lettre n°1414, octobre 1619).
Cela vaut pour nous. Qui que nous soyons, nous ne devrions jamais jeter l’éponge, ni nous aigrir contre nous-mêmes. C’est Dieu qui doucement nous attire et nous rend plus libres :
“Nous ne sommes pas tirés à Dieu par des liens de fer, comme les taureaux et les buffles ; mais par manière d’allèchements, d’attraits délicieux, et de saintes inspirations, liens proportionnés et convenables au cœur humain, auquel la liberté est naturelle” (Traité de l’amour de Dieu, II, 12).
Ce conseiller avisé comblera ses lecteurs. Il est d’ailleurs le seul docteur de l’Église qui ait écrit dans notre langue, désormais rejoint par sainte Thérèse de Lisieux.
Pratique :