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Gérald Darmanin cherche-t-il à extrémiser l’Église ?

GERALD-DARMANIN

Capture d'écran @cavousf5

Louis Daufresne - publié le 07/02/23

En associant les prêtres africains desservant des paroisses françaises à une main d’œuvre exploitée à bas coût, le ministre de l'Intérieur et des Cultes Gérald Darmanin pratique un amalgame fort douteux, remarque Louis Daufresne, rédacteur en chef de Radio Notre-Dame.

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Si au Nigeria ou en Syrie, on prend des prêtres en otages, en France, c’est le ministre de l’Intérieur qui s’en charge. Bien sûr, il n’y a ni capture, ni violence ni rançon, juste une forme d’intimidation douce, symbolique et rhétorique. L’attaque remonte à mercredi dernier. Invité de l’émission « C à vous » sur France 5, Gérald Darmanin est interrogé sur son projet de régulariser des clandestins travaillant dans les métiers en tension. Au fil de l’échange, le ministre sort brutalement : « Pardon de cette provocation, mais je l’ai dit à la représentante du Front national (sic) : si je devais virer tous les étrangers qui travaillent en France, il n’y aurait pas beaucoup ou en tout cas moins de curés dans les paroisses en France. » On se pince pour savoir ce que veut dire cette petite phrase. Hasardons-nous à en faire l’exégèse.

Disqualifier la critique

D’abord, nul ne lui demande de « virer tous les étrangers qui travaillent en France », pas même le Rassemblement national. Même assortie du conditionnel, cette exagération vise à disqualifier ceux qui critiquent le laxisme migratoire, comme si les partisans d’une régulation voulaient virer n’importe qui n’importe comment, y compris les travailleurs honnêtes. La question n’est pas là. Avant de monter aux extrêmes, le ministre pourrait se poser la question pour tous les étrangers vivant en France et qui ne travaillent pas.

Des mots tels que accueil et générosité, malaxés dans le vieux pot catholique, font la fierté de la France. Mais ces mots, employés seuls, sont la proie des démagogues.

Ceux-là sont fort nombreux à profiter du système — qui ne paient pas de cotisations et dont les revenus ne sont pas taxables. Cette population est présumée ultra-défavorisée. Sur le papier seulement. Car elle engrange, outre des aides sociales, les revenus de l’économie souterraine. Son pouvoir d’achat est très élevé. C’est le cas typique du jeune dealer étranger gagnant 3.000 euros par semaine. Pourquoi apprendrait-il un métier, se lèverait-il le matin pour aller obéir à un patron ? Et surtout, pourquoi la France, avec 5 millions de chômeurs, serait-elle obligée de faire venir des clandestins ou de les régulariser ? N’y a-t-il aucun bras pour aller travailler dans la restauration, le bâtiment et les Ehpad ? Si on n’en trouve pas, c’est que les salaires proposés ne rivalisent pas avec la prodigalité de l’État-providence ni avec l’attractivité de l’économie souterraine. Ceux qui posent problème, ce sont ces étrangers-là (quand ils ne sont pas naturalisés…) qui vivent à la fois aux dépens de la société et aux crochets du système. Gérald Darmanin, au lieu de s’y attaquer, leur laisse les pleins pouvoirs dans les grands ensembles soumis aux « lois » du crime organisé.

Extrémiser l’Église ?

Ensuite, nul ne déplore que la France attire des étrangers. Combien de pays inhospitaliers font fuir leurs enfants, les encagent ou les massacrent ou simplement ne leur proposent ni avenir ni espérance ? C’est l’honneur du drapeau et le signe aussi de sa renommée que d’incarner un idéal dans les yeux du monde entier. L’esprit français s’interdit de « virer » les gens. Des mots tels que accueil et générosité, malaxés dans le vieux pot catholique, font la fierté de la France. Mais ces mots, employés seuls, sont la proie des démagogues. Toujours, il faut leur associer la justice et la responsabilité. Un État souverain et démocratique reconduit dignement à la frontière les personnes qu’il juge indésirables. Un point c’est tout. 

Le ministre donne à croire que l’Église, faute de vocations, fait venir une main d’œuvre à bas coût et qu’elle se plaît à exploiter, voire qu’elle organiserait un modèle managérial autour de l’exploitation de ressources humaines venues du Sud. 

Venons-en aux « curés dans les paroisses ». On s’étonne que Gérald Darmanin ait eu sur ce point un échange avec un représentant du RN, comme si les prêtres relevaient de la sollicitude de ce parti politique, dépendaient de lui pour leur défense, alors que Marine Le Pen ne s’intéresse pas plus aux catholiques qu’à d’autres. Ce parti se moque pas mal que l’Église n’ait plus de vocation. Pour un peu, cela ne lui déplaît pas, le haut clergé ne figurant pas vraiment dans son comité de soutien. Aussi se demande-t-on ce que cherche ici le ministre de l’Intérieur sinon à extrémiser l’Église, à faire assoir une institution universelle sur un strapontin idéologique, à lui montrer à quoi elle en est réduite aujourd’hui. 

Le signe d’une confiance mutuelle 

Le ministre a raison de demander pardon pour sa provocation ; celle-ci tient de l’amalgame. Les prêtres fidei donum n’ont rien à voir avec l’immigration venue d’Afrique, même si Gérald Darmanin n’indique pas le lieu d’où ils viennent. Leur présence est une conséquence de la démographie : la nôtre, si faible qu’elle tarit les vocations, et la leur, si forte qu’elle peut nous en prêter. Les « curés africains » ont quelque chose de touchant : ensemencé par les Pères blancs, le continent noir, en dépêchant ses religieux chez nous, rétribue ainsi moralement et concrètement le zèle de nos aînés missionnaires. Ces prêtres sont un morceau de France tombé du XIXe siècle. Leur présence est le signe d’une solidarité ecclésiale à travers les âges, témoigne du succès de la réciprocité Nord/Sud, atteste d’une confiance mutuelle que le passif colonial n’entame pas. 

Au reste, Gérald Darmanin a l’air de regretter qu’il n’y ait pas assez de soutanes dans nos sacristies. Sont-ce ses souvenirs du catéchisme qui parlent par sa bouche ? Le ministre donne à croire que l’Église, faute de vocations, fait venir une main d’œuvre à bas coût et qu’elle se plaît à exploiter, comme si elle profitait de la présence de migrants livrés à eux-mêmes, voire qu’elle organiserait un modèle managérial autour de l’exploitation de ressources humaines venues du Sud. La remarque est pleine de sous-entendus. Aucun d’eux n’est bienveillant.

Des prêtres venus pour donner

Les « curés africains » ne fantasment pas sur l’Occident. Leur nez n’est pas collé sur la vitrine du consumérisme. Au contraire, s’ils aiment la France, ils éprouvent souvent le mal du pays, peu habitués qu’ils sont à nos cités vieilles et mortes, sans âme ni ferveur, et désertées par les enfants. Combien sont lucides sur l’état de la France ! Combien en souffrent et disent qu’ici, il fait froid, que la foi, avec les cheveux blancs qui lui restent, paraît congelée dans la banquise de la déprime et du déclin. Mais voilà : les « curés africains » sont en France pour donner, et non pour prendre.  Cela change tout. Gérald Darmanin va-t-il leur délivrer une OQTF ? Le ridicule ne tue pas mais on se dit qu’il devrait y avoir des exceptions.

Tags:
AfriqueÉgliseGérald Darmanin
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