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Maximilien, patron des objecteurs de conscience… et des enquiquineurs

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Granger Coll NY / Aurimages

Bas-relief romain de légionnaires, début IIe siècle ap. J.-C.

Anne Bernet - publié le 11/03/23

Une véritable tête de bourrique, ce Maximilien ! Contrairement à de nombreux chrétiens, le jeune homme refusa d’être enrôlé dans les légions romaines, ce qui ne fut pas sans conséquence pour les autres. L’Église en fit un saint malgré tout : il est fêté le 12 mars.

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Nous sommes à Carthage, dans l’actuelle Tunisie, le 12 mars 295. Cette période de l’année correspond, dans l’armée romaine, à celle de l’appel sous les drapeaux, ou plutôt sous les aigles, des jeunes gens en âge de servir. Ces opérations de conscription deviennent compliquées. La faute à la peste qui, depuis le règne de Marc Aurèle, devenue endémique, désole les provinces de l’Empire ; la faute aussi aux famines qui suivent ces épidémies, durant lesquelles l’on ne travaille plus la terre, et achèvent des survivants déjà affaiblis. La démographie romaine, en Orient comme en Occident, est en chute libre, et ce d’autant plus que le recours à l’avortement, bien ancré dans les mœurs, creuse depuis longtemps la dénatalité. Entre ceux qui ne viennent jamais au monde et ceux qui le quittent prématurément, Rome manque d’hommes, donc de soldats, et ce alors que la menace sur ses frontières a rarement été aussi forte… Menace de l’ennemi héréditaire, le Perse en Orient, des Barbares germaniques au-delà du Danube, des tribus bédouines en Afrique du Nord, sans parler des révoltes qui secouent la Gaule, jamais une armée puissante n’a été aussi nécessaire. 

Des militaires chrétiens

Afin d’assurer aux légions un encadrement minimal, depuis quelques décennies, les empereurs ont imposé une loi contraignant les fils de militaires à servir dans le même corps que leurs pères. Des mesures analogues s’appliquent aussi aux fils d’agriculteurs, qui n’ont plus le droit de quitter leurs terres, et à ceux des élus locaux, obligés de leur succéder, ce qui n’est plus du tout tentant maintenant que les politiciens sont contraints d’acquitter sur leur propre fortune, en cas de défaillances, fréquentes, les impôts en retard de leur communauté… En attachant des familles à des professions ingrates, le pouvoir pense régler les difficultés, à court terme. Peu importe ce qu’en pensent ces jeunes gens. La loi est dure mais c’est la loi, comme chacun sait.

En ce qui concerne l’armée, cela ne se passe pas trop mal. Par tradition, l’on est souvent soldat de père en fils, et l’on en tire gloire. Dans ces lignées, patriotisme, devoir, discipline, dévouement ne sont pas des vains mots. D’autant que, depuis quelques décennies, les chrétiens sont nombreux dans les rangs. Au début du siècle, leur présence a causé des inquiétudes, notamment en Afrique, en raison de l’hérésie montaniste qui a contaminé beaucoup d’églises locales. Or le montanisme, dans une prétendue recherche de pureté, condamne toute compromission de ses fidèles avec le monde, ses autorités, ses activités, quand l’Église interdit seulement la participation aux occupations comportant un culte rendu aux idoles, ce qui d’ailleurs est déjà beaucoup, tant profane et sacré sont entremêlés dans la vie quotidienne, de sorte que les chrétiens, en particulier ceux de l’aristocratie, sont contraints de renoncer à la carrière politique et administrative qui les obligerait à présider à des sacrifices en l’honneur des dieux païens. C’est l’un des griefs qui leur est fait : s’abstenir de servir l’État. 

Une bonne volonté réciproque

En principe, la carrière des armes rencontre les mêmes difficultés car les honneurs rendus aux aigles des légions et aux empereurs peuvent être assimilés à des pratiques idolâtres, équivalant à l’apostasie. Au tout début du siècle, la première raison de la persécution déclenchée par Septime Sévère, souverain plutôt favorable au christianisme, a tenu au refus de quelques soldats chrétiens d’arborer lors de cérémonies militaires la traditionnelle couronne de lauriers, abusivement assimilée dans les milieux montanistes à un emblème du paganisme. Les catholiques ont condamné ces excès et, peu à peu, la situation s’est normalisée, la hiérarchie militaire s’abstenant de demander à des recrues chrétiennes de plus en plus nombreuses, et de plus en plus appréciées pour leur vaillance, leur sérieux et leur probité, de participer au culte impérial. Quant au métier des armes, conformément à l’évangile, jamais l’Église ne l’a interdit à ses fils, pourvu qu’ils n’en profitent pas pour se méconduire, la défense de la patrie étant légitime.

En cette année 295, ce consensus fondé sur une bonne volonté réciproque fonctionne très bien, mais, en hauts lieux, il contrarie d’anciens officiers parvenus au pouvoir, qui, dévots de Mithra ou du Soleil invaincu, très vénérés des légions, détestent les chrétiens et aimeraient les bannir des rangs. Leur manque le prétexte ; il leur sera fourni ce 12 mars. Parmi les recrues appelées devant le proconsul Dion Cassius se trouve un garçon de 21 ans, Maximilianus, Maximilien, fils d’un vétéran retiré du service, Fabius Victor.

Une contre-vérité totale 

Or à l’instant d’être inscrit sur les rôles, comme le veut son statut de fils de militaire, et de recevoir la marque au fer rouge qui fera de lui un légionnaire, le jeune homme refuse et déclare : « Je n’ai pas le droit d’être soldat car je suis chrétien. » Parfaite absurdité et contre-vérité totale : un chrétien peut être soldat ; il y en a même des milliers. Dion Cassius fait d’abord celui qui n’a rien entendu, conscient que, dans le cas contraire, il devrait sévir et prononcer une sentence de mort pour insubordination qu’il n’a aucune envie de prononcer. Maximilien, devant cette absence de réaction, se fait provocateur et l’incident tourne au scandale public. Dion Cassius hausse le ton : « Sois soldat ou tu mourras. » C’est précisément ce qu’il ne faut pas dire à un adolescent exalté, surexcité qui cherche le martyre. Maximilien crie : « Non, je ne serai pas soldat ! Coupe-moi la tête si tu veux mais je ne combattrai pas pour le siècle ! »

Faisant preuve de patience, le magistrat tente de discuter : « Mais enfin, mon garçon, qui a bien pu te mettre pareilles idées en tête ? » Maximilien rétorque : « Mon cœur et Celui qui est l’auteur de ma vocation ! » Au moins reconnaît-il que nul, dans sa communauté, ne l’a incité à cette sottise. Dion Cassius, qui a des enfants du même âge, se tourne vers Fabius Victor, venu avec son fils, et lui dit, compatissant : « S’il te plaît, raisonne ton fils… » Dans le monde romain, l’autorité du père de famille est en principe intangible mais Fabius Victor hausse les épaules et répond : « Sa résolution est prise et il est assez grand pour savoir ce qui lui convient… » Sans doute ont-ils déjà eu cette discussion plus d’une fois en famille et a-t-il renoncé à discuter avec cette tête de bourrique. À défaut du père, manifestement dépassé, le proconsul essaie de calmer le jeune homme : « Tu dois être soldat et accepter la marque de l’empereur. » « Je n’accepte aucune marque hormis celle que je porte déjà du Christ mon Dieu. »

Le premier d’une très longue cohorte

Dion s’agace : « Continue sur ce ton, mon garçon, et je vais t’expédier le voir, ton Christ, et plus vite que cela ! » Maximilien, exulte : « Oui, fais cela sans retard ! C’est mon souhait et ma gloire ! — Réfléchis : tu es si jeune… Accepte de servir et dis-toi que cela convient aux garçons de ton âge. — Non ! Mon armée est celle de Dieu et je ne puis combattre pour le siècle car je suis chrétien ! — Mais, dans la sacrée compagnie de nos seigneurs, Dioclétien et Maximin, Constance et Galère, servent beaucoup de soldats chrétiens, tout comme toi. » Fermé à cet argument de bon sens, Maximilien s’entête : « C’est leur affaire, si cela leur convient… Mais moi, je suis chrétien et je n’ai pas le droit de servir. — Es-tu en train de prétendre que les autres ne sont pas de bons et vrais chrétiens et qu’ils ont tort d’accepter de servir sous les armes ? — Tu le sais pertinemment … — Soumets-toi et accepte de servir, pour éviter que ton refus soit puni de mort. — Je ne mourrai pas ! En quittant ce monde, mon âme ira vivre auprès du Christ, mon seul Seigneur ! »

Force devant rester à la loi, Maximilien sera, en effet, décapité. Il faut admettre qu’il l’a cherché et que cette obstination suicidaire n’était pas très catholique, ce qui ne l’a pas empêché d’être reconnu comme martyr. Le premier d’une très longue cohorte car, lorsque le rapport de Dion Cassius parviendra au palais impérial de Nicomédie, les opposants à la présence chrétienne dans l’armée tiendront enfin, grâce aux propos inconsidérés et faux de Maximilien, le prétexte à une épuration des légions. Officiers ou soldats, ils seront très nombreux qu’il aura voués au martyre. Encore ne sera-ce que le prélude d’une persécution générale qui, à partir de 304, se déchaînera dans tout l’Empire, durera plus d’une décennie et fera d’innombrables victimes… Saint Maximilien est le patron des objecteurs de conscience. Son père et Dion Cassius auraient sans doute affirmé qu’il était surtout celui des enquiquineurs… 

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