Qui parmi vous croit à la Résurrection ? Que voulons-nous dire par là ? Le Christ est ressuscité, c’est le sens de la fête de Pâques et donc du carême qui nous y prépare. La résurrection de Lazare dans l’évangile de ce dimanche est un signe que Jésus donne, pour préparer ses disciples à sa résurrection. Ce signe nous aide à bien comprendre la résurrection de Jésus. Si Jésus était ressuscité pour lui tout seul, cela n’aurait aucun intérêt pour nous ! Il pouvait aussi bien rester au paradis et ne pas mourir. Il est ressuscité pour nous… pour que nous aussi nous ressuscitions ! Son objectif est de nous donner la vie, à nous tous, Lazare que nous sommes. À nous aussi, il dit “Je suis la résurrection et la vie”. Le Christ est notre sauveur.
Une bonne nouvelle pour aujourd’hui
Nous avons besoin d’en reprendre conscience. Cette résurrection n’est pas une information pour après la mort. “Au fait, après la mort, il faut prendre le couloir à gauche, vous tombez sur un guichet et là vous dites que vous venez de la part de Jésus.” Non, la résurrection c’est une bonne nouvelle pour nous aujourd’hui. Car aujourd’hui, dans ma vie de pauvre homme, marqué par le mal (celui que je commets et celui que je subis), le Christ vient me sauver. Dans mon existence quotidienne, le Christ est la résurrection et la vie. C’est pour cela que le pape François (comme notre évêque et votre curé) insiste tant sur le sacrement du pardon. Parce que comme l’écrivait notre évêque il y a quelques années, “j’ai vu des personnes bondir de joie en sortant de la confession. Leur vie en a été transformée”.
La résurrection, pour l’Église aussi
Mais cette résurrection ne vaut pas seulement pour nous individuellement. Elle vaut pour toute notre Église. La résurrection de Lazare conduisit beaucoup de juifs à la foi, dit la fin de l’évangile (Jn 11, 45). Et dans la première lecture, Dieu dit par le prophète Ezékiel : “Je vais ouvrir vos tombeaux et je vous en ferai remonter ô mon peuple” (Ez, 37, 12). La puissance de vie de Dieu vaut pour tout son peuple. Y compris pour notre paroisse et notre Église. Trop souvent nous jetons sur l’Église un regard de désespérance. Nous nous sommes accoutumés à un misérabilisme ecclésial, comme si la diminution du nombre de chrétiens était inéluctable. Et, résultat, nous entravons l’œuvre de l’Esprit saint. Car c’est l’Esprit saint qui donne vie au Corps du Christ. Notre manque de foi dans l’œuvre de l’Esprit, notre manque d’espérance pour notre Église, nos diocèses, nos paroisses, est comme ces bandelettes qui empêchent Lazare d’avancer.
À nous aussi, le Christ dit “déliez-le et laissez-le aller !” Nous avons besoin d’une véritable conversion. Marthe croit en Jésus, mais elle refuse qu’on ouvre le tombeau, cela ne sert à rien, c’est trop tard. Il faut laisser la porte fermée (Jn 11, 39). Il y a quelques années, alors que l’évêque m’avait demandé de lancer un patronage de jeunes dans une église, un paroissien, un pilier de cette paroisse pendant des années, m’a dit : “C’est du temps perdu, de l’énergie et de l’argent gaspillé. Dans dix ans il n’y aura plus rien.” Six ans plus tard, c’est un lieu extrêmement vivant. Trop souvent notre foi est comme celle de Marthe. Nous refusons de croire que le Christ peut redonner la vie à nos paroisses, à nos communautés chrétiennes. Et nous ne voulons pas nous laisser déranger par celui qui est la Vie.
“Tu l’as laissé mourir”
Ne croyez pas que je critique Marthe. Je crois que nous sommes comme elle. J’aurai rêvé d’être comme Marie sa sœur, Marie la mystique, Marie qui comprend directement avec le cœur. Mais je suis Marthe, sans doute comme beaucoup de curés et de chrétiens engagés dans l’Église. Et ce qui me réjouis, c’est que Jésus s’intéresse beaucoup à Marthe, il prend le temps de la conduire dans la foi. D’emblée, Marthe fait confiance à Jésus. Mais elle lui reproche de ne pas avoir agi à temps, comme elle l’estimait juste. “Seigneur, j’ai fait ce qu’il fallait et toi tu n’as rien fait. Je t’ai demandé de sauver mon frère et tu l’as laissé mourir” (cf. Jn 11, 21). Bien des parents pourraient dire cela. “Seigneur, je t’ai confié mes enfants, je les baptisés, catéchisés… et aujourd’hui où sont-ils ? Pourquoi ne leur as-tu pas donné la foi ?” Bien des bénévoles de paroisses pourraient dire cela : “Seigneur, nous avons tout fait comme il faut, nous n’avons pas ménagé notre peine… et toi qu’as-tu fait ? Qu’est devenue ta promesse pour ton peuple ?”
Dans ce cri vers Dieu, il y a notre confiance, notre foi, notre amour, de Dieu et de nos frères dont nous nous soucions.
Bien sûr, nous gardons confiance en lui… mais quand même, nous lui reprochons de ne pas avoir été là. Et heureusement que nous lui faisons ce reproche, parce que dans ce cri vers Dieu, il y a notre confiance, notre foi, notre amour, de Dieu et de nos frères dont nous nous soucions. Mais Jésus veut nous inviter à aller plus loin, à lui laisser la main sur notre vie, personnelle, familiale, ecclésiale. “Ton frère ressuscitera, je veille sur ton enfant, sur les jeunes que tu as eu au caté, sur les fiancés que tu as accompagnés vers le mariage, sur ce touriste que tu as accueilli dans ton église, car c’est moi la Résurrection et la vie.”
Le bon sens contre la foi
Alors comme Marthe nous croyons. Nous croyons parce que nous voulons croire. Et c’est une épreuve qui fait grandir notre foi. Nous croyons sans voir encore, parce que nous en avons fait l’expérience au plus intime de nous-mêmes : Jésus est le Fils de Dieu, il est ressuscité, il nous a relevé. Mais quand même, quand il nous demande d’ouvrir la porte du tombeau… le bon sens reprend le dessus. À quoi ça sert que j’invite mes voisins à un parcours Alpha ? de toute façon ils ne croient pas en Dieu (eh bien ! justement c’est fait pour ça…). À quoi cela sert de parler de Jésus à ma petite-fille de 15 ans, de toute façon, cela ne l’intéresse pas (en es-tu si sûr ?). De toute façon, l’Église est morte, depuis longtemps… et elle sent déjà le cadavre !
Alors, c’est que le moment est venu pour elle de ressusciter ! Nous sommes comme Marthe. Le Seigneur nous invite à des actes de foi successifs. Lorsque nous faisons ces actes de foi, nous voyons sa puissance à l’œuvre. Et je ne vous le dit pas au futur, mais au présent. Car c’est l’expérience quotidienne de toutes les Marthe que nous sommes. Je vous invite à en faire mémoire dès maintenant, dans un temps de silence. Le Christ est la résurrection et la vie. C’est lui qui vient nous sauver de toutes nos morts, à la fois personnelles et communautaires. Ouvrons-lui la porte et enlevons nos entraves, nos refus de croire, nos refus de nous laisser convertir. Osons faire le pas qu’il attend de nous. “Lazare, viens dehors !”