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L’Église, « Grande Muette » de notre histoire bouleversée ?

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Xose Bouzas / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Michel Cool - publié le 01/04/23

L’éditeur et journaliste Michel Cool s’interroge sur le silence prudent des évêques de France sur la crise sociale qui secoue le pays.

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En ouverture de leur assemblée plénière à Lourdes (du 28 au 31 mars), les évêques ont — sans surprise — réitéré leur opposition à une éventuelle modification législative menant à une « légitimation de l’euthanasie ou du suicide assisté » en France. Dans leur déclaration, au ton à la fois ferme et mesuré, ils plaident pour une meilleure prise en charge de la dépendance due au grand âge. En prenant position dans le débat national sur la fin de vie initié par le président de la République, les évêques sont dans leur rôle. Mettant en pratique la Lettre aux catholiques de France publiée en 1996, ils font de leur acceptation de la laïcité de l’État et du pluralisme de la société, le préalable et la condition de leur participation aux délibérations engageant la vie présente et à venir de notre société. Nonobstant, en prenant cette position publique, ils témoignent de leurs convictions religieuses d’hommes d’Église et de catholiques dépositaires d’une anthropologie fondée sur la Bible et son interprétation par des Pères de l’Église, des théologiens et le magistère romain au long des siècles.

Une mission de veilleur

On peut pourtant se demander si nos évêques n’ont pas un peu mis la charrue avant les bœufs ! En effet, en commençant leur assemblée par une réaffirmation de ce que tout le monde savait déjà et en ne disant rien, par contre, sur la crise sociale, démocratique et morale dans laquelle se trouve maintenant plongé notre pays, l’épiscopat a pu apparaître hors-sol, à côté de la plaque, décalé par rapport aux préoccupations du moment de leurs compatriotes. Son président évoquera probablement la situation du pays dans son discours de clôture. N’eût-il quand même pas été préférable d’exprimer en priorité, dès le début de l’assemblée plénière, la proximité de l’épiscopat avec une société souffrant de conflictualité, plutôt que de rappeler une nouvelle fois sa position de principe sur un sujet d’éthique important et controversé ? Un évêque est au sens étymologique du mot un veilleur. Un veilleur du troupeau qu’on lui a confié. Mais n’est-il pas aussi un veilleur de la société vers laquelle il est envoyé ?

Loin de moi l’idée d’accabler par un surcroît de critiques les responsables de l’Église de France ! Leur gestion du scandale des abus dans le clergé a pu paraître erratique et opaque, comme celle de Rome d’ailleurs. Leur gouvernance n’est pas irréprochable. Elle n’est pas non plus étrangère à l’exaspération exprimée par certaines victimes. Pour autant, je trouve détestable que, systématiquement, on mette au pilori, on voue à la géhenne, ceux qui ont la charge difficile de régler nos problèmes collectifs et de leur trouver des solutions ; celles-ci, on le sait bien, sauf à être naïfs ou niais, seront toujours choisies entre les moins pires ; et elles ne satisferont jamais tout le monde.

L’épiscopat est devenu prudent

Cela dit, l’impression de déconnexion du réel donnée par l’épiscopat n’est pas une nouveauté. Lors des attentats terroristes de 2015 à Paris, puis du 14 juillet 2016 à Nice, on n’a pas souvenir de déclaration épiscopale ayant frappé l’opinion. Lors du mouvement des Gilets jaunes en 2018, on a vu des évêques ici ou là sur des ronds-points, mais on n’a pas entendu de réaction officielle au déferlement de violences qui s’ensuivit. En 2021, pendant les confinements liés à la pandémie de Covid-19, les évêques soutinrent mordicus l’ouverture des églises au nom de la liberté de culte. Ils se manifestèrent moins en paroles et en gestes — l’archevêque de Paris était pourtant alors un médecin ! — auprès des victimes, de leurs familles et des personnels soignants. L’épiscopat est devenu prudent, taiseux (sauf pour défendre les prérogatives de l’Église) et presque invisible. L’époque où des voix autorisées de l’épiscopat — celles des cardinaux Marty, Lustiger ou Decourtray — s’exprimaient sur l’actualité brûlante du pays est révolue. Le commentaire d’une vedette du sport, de la chanson ou du cinéma a disqualifié celui du prélat. La marginalisation sociale, culturelle et politique de l’Église s’est accentuée au point d’entraîner sa démonétisation médiatique.

Est-ce une raison pour se taire ? C’est une question compliquée et lourde de conséquences. Un épiscopat fragilisé par des crises et des divisions internes peut-il se payer le luxe de commenter l’actualité en courant le risque de cliver encore plus les catholiques et de lézarder davantage son unité précaire ? En même temps, l’absence de parole publique de la part de l’Église ne contribue-t-elle pas à effacer son image et plus encore son message du paysage mental des Français ? La perspective de cette autocensure plus ou moins consentie n’en est pas moins triste et attristante. Elle vient s’échouer comme une vague épuisée sur un roc, celui de l’avertissement solennel de saint Paul : « Malheur à moi si je n’annonce pas l’Évangile ! » Cette exhortation de l’Apôtre de l’enthousiasme nous écorche encore plus les oreilles, alors que les périls et leurs cortèges d’angoisses et de violences s’amoncellent à l’horizon. L’Église est-elle promise à devenir une « Grande Muette » de notre histoire bouleversée ?

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