En cette après-midi ensoleillée du mois d’avril, Gilles Weissmann est assis devant son plan de travail. Il travaille sur une icône du Christ. Des chants grégoriens transpercent le silence de son atelier où règne une atmosphère chaleureuse. De nombreuses icônes aux couleurs vives ornent les murs de cet appartement haussmannien. Dans un coin du mur, saint Georges mène son combat contre le dragon. Près de la fenêtre, l’icône de la Vierge Marie sur un fond bleu lève les bras vers le ciel parisien. À ses côtés, un croquis de l’icône du Christ en gloire fascine par sa grandeur. Une icône qui ornera bientôt le mur du futur oratoire de l’abbaye d’Ourscamp, dans le cadre du projet de la restauration de l’aile de Lorraine de l’abbaye.
Une rencontre providentielle
Situé dans l’Oise, ce joyau sacré du XIIe siècle est l’une des plus anciennes abbayes cisterciennes de France. Sous ses airs de dame éternelle, les outrages du temps sont pourtant les premiers ennemis de ce site classé monument historique. Lutter contre l’effondrement : c’est la tâche de longue haleine à laquelle se vouent les Serviteurs de Jésus et de Marie depuis plus de 70 ans. Ils mènent depuis octobre 2022 un projet de restauration ambitieux, celui de l’aile de Lorraine, datant du XVIIe siècle et endommagée par des bombardements lors de la Première Guerre mondiale, la laissant inoccupée.
Il s’agit du premier chantier de restauration d’un monument historique privé en France à s’inscrire dans l’esprit de l’encyclique Laudato Si’ du pape François. Une fois l’aile restaurée, elle comportera une hôtellerie pouvant accueillir une centaine de personnes réparties sur plusieurs étages, une sacristie et des confessionnaux, mais surtout un grand oratoire, pouvant accueillir 115 personnes. Ce dernier aura pour but d’accueillir les pèlerins qui séjourneront à l’abbaye. C’est dans l’aile de Lorraine, pour le moment en cours de réhabilitation, que s’est rendu le 5 février 2023 Gilles Weissmann pour découvrir le lieu et rencontrer les frères de la congrégation afin de répondre à une demande particulière : celle d’écrire des icônes pour ce futur oratoire.
Ce fut une rencontre providentielle ! “Une des élèves de mon Atelier d’Icônes Anastasis m’a dit en décembre qu’elle avait montré mes travaux au père Éric de Thézy, supérieur de l’abbaye d’Ourscamp. Il cherchait quelqu’un pour écrire des icônes pour l’oratoire de l’abbaye”, se souvient l’artiste de 68 ans qui n’avait jusqu’ici jamais réalisé que des commandes privées. Entraîné par l’enthousiasme de son élève, il visite l’abbaye, discute avec les frères, s’imprègne des lieux… Il s’y sent bien, le courant passe immédiatement entre lui et le père Éric de Thézy. “Nous ne savions pas vraiment ce que nous voulions. Nous pensions à une scène en gloire, mais nous ne savions pas vraiment laquelle choisir”, confie à Aleteia le père Éric. Gilles Weissmann arrive rapidement à gagner la confiance de la congrégation. Il a l’œil, il se projette, il propose des idées, des croquis…
“Gilles Weissmann nous a proposé un format paysage avec une icône du Christ en gloire au centre, à sa droite la Vierge Marie et à sa gauche saint Jean Baptiste”, sourit le père Éric. “Une proposition qui a fait l’unanimité parmi les frères en un temps record.” Et pour refléter la spiritualité des Serviteurs de Jésus et de Marie, la congrégation a aussi demandé que saint Joseph et saint Jean Baptiste soient aussi représentés sur cet ensemble d’icônes.
“Ce sont les premiers serviteurs de Jésus et de Marie”, précise père Éric, indiquant que saint Joseph sera placé à côté de la Vierge et saint Jean à côté de saint Jean Baptiste. Les cinq icônes feront 1,70 mètre de hauteur et trôneront au-dessus du tabernacle, derrière l’autel. C’est ainsi qu’en à peine deux mois, le projet a vu le jour et a même commencé à prendre forme dans l’atelier de Gilles Weissmann.
“Les couleurs sur les icônes doivent être joyeuses”
“Le travail doit prendre un an”, prévient Gilles Weissmann. Il sait qu’il ne faut pas presser les choses lorsqu’il s’agit de l’écriture d’icône. Et dans le cas d’Ourscamp, le temps ne presse d’ailleurs pas, puisque les travaux de l’oratoire ne devraient pas être achevés avant le mois de novembre 2023. Si les croquis sont prêts, les planches destinées aux futures icônes ne le sont pas encore. “Elles ne devraient pas tarder à arriver. Les planches proviennent du même arbre. Il s’agit du bois de tilleul de plus de 25 ans de séchage”, souligne le peintre, précisant qu’il devra préparer les planches pour qu’elles ne se détériorent pas dans le temps. Ce n’est qu’après avoir posé plusieurs couches d’enduits qu’il pourra décalquer ses croquis sur le bois.
En plus de ces cinq icônes, l’abbaye lui a confié le soin d’en écrire trois autres, qui prendront également place dans l’oratoire. “Nous aimerions avoir une icône de l’ange gardien. Nous avons aussi commandé une icône représentant la scène du lavement des pieds où le Christ se fait serviteur et nous invite à faire de même. Ainsi, nous pourrons contempler ce à quoi notre congrégation des Serviteurs de Jésus et de Marie est appelée. Une icône d’agneau vainqueur devra aussi prendre place en bas de l’autel”, détaille le père Éric.
Si tout le monde sait à quoi vont ressembler les personnages, personne ne sait, même pas Gilles Weissmann, quelles couleurs ils vont prendre. “Je fais des essais sur des plus petites icônes, je suis à l’écoute des souhaits et des besoins des frères mais comme l’oratoire est encore en chantier, il est difficile de se projeter pleinement. Il faut que les icônes soient en harmonie avec le bois des bancs, les stalles datant du XVIIIe siècle, les murs de l’oratoire… La luminosité de celui-ci est aussi à prendre en compte.”
Mais ce qui est sûr, c’est que le peintre, qui s’inspire notamment de l’art roman, utilisera “des couleurs fraîches”. “Les couleurs sur les icônes doivent être joyeuses !”, glisse-t-il. “Nous avons engagé de grands travaux pour la réhabilitation de l’aile de Lorraine, l’oratoire est au cœur de ce projet et nous en sommes particulièrement heureux. Nous avons besoin du soutien, du talent et de l’investissement de chacun !”, conclut le père Éric.
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En partenariat avec les Serviteurs de Jésus et de Marie