L’enseignement privé sous contrat doit-il revoir sa copie ? C’est en tout cas l’avis de la Cour des comptes. Dans un rapport publié ce jeudi 1er juin, basé sur des visites dans des établissements privés sous contrat de quatre académies (Lille, Nantes, Paris, Rennes), les Sages de la rue Cambon ont déploré un “net recul de la mixité sociale et scolaire”, au sein des établissements privés sous contrat.
Alors que les effectifs apparaissent globalement stables, la mixité sociale dans les établissements privés sous contrat “est en fort recul depuis une vingtaine d’années”, peut-on lire. Les élèves de familles favorisées et très favorisées, qui constituaient 41,5% des effectifs de l’enseignement privé sous contrat en 2000, en représentent 55,5 en 2021. À l’inverse, la part des élèves boursiers s’élevait à 11,8% des effectifs en 2021 dans le privé sous contrat, contre 29,1% dans le public. L’enseignement privé sous contrat “apparaît ainsi majoritairement comme un enseignement “de recours” face à un enseignement public perçu par une partie des familles comme moins performant et moins sécurisant.”
Les relations entre l’État et les établissements privés sous contrat doivent être rénovées en profondeur.
“Les relations entre l’État et les établissements privés sous contrat doivent être rénovées en profondeur”, lit-on dans le rapport. De quoi est-il question exactement ? Le document revient ainsi sur le contrat d’association qui résulte de la loi Debré de 1959 et s’interroge sur son application. Si la Cour des comptes reconnaît que l’enseignement privé sous contrat apporte “une contribution indiscutable à l’offre de formation”, elle estime qu’il doit être “davantage mobilisé au service de la performance éducative et de la mixité sociale”.
Dans le cadre de ce fameux contrat d’association, l’État se voit en effet également reconnaître d’importantes prérogatives en matière de contrôle, portant sur l’utilisation de l’ensemble des moyens accordés aux établissements privés sous contrat, y compris le forfait d’externat qui finance la vie scolaire. “Or la Cour constate que ces contrôles ne sont pas ou peu exercés. Aujourd’hui, le dialogue de gestion entre l’État et l’enseignement privé sur les problèmes de fond – mixité sociale, équité territoriale dans la répartition des moyens, performances scolaires, politique éducative – est presque inexistant”, souligne le document.
Deux millions d’élèves
La Cour des comptes formule à la fin du rapport cinq recommandations : “Préciser, dans les documents budgétaires, les principes et modalités de répartition des financements entre l’enseignement public et l’enseignement privé sous contrat” ; “mettre en œuvre, au niveau des rectorats, une programmation des contrôles des établissements sous contra” ; “décider des ouvertures de classes au plan local afin de tenir compte des besoins éducatifs au plus près du terrain” ; “intégrer, dans les modèles d’allocation des moyens aux établissements privés sous contrat, des critères tenant compte du profil des élèves scolarisés, des caractéristiques spécifiques de l’établissement” et enfin “introduire des critères d’évaluation de la performance tenant compte de la répartition sociale et scolaire des élèves”.
L’enseignement privé sous contrat est marqué par la prépondérance de l’enseignement catholique (96% des effectifs). Alors que le ministre de l’Éducation nationale, Pap Ndiaye, et le secrétaire général de l’Enseignement catholique, Philippe Delorme, ont signé le 17 mai un protocole d’accord en vue de renforcer la mixité sociale dans les établissements privés sous contrat, le rapport de la Cour des comptes et ses recommandations interpellent. Conditionner le montant de la participation financière de l’État dans l’enseignement privé au profil des élèves scolarisés pour « garantir » une mixité sociale revient en substance à mettre en place un système de quotas. Mais cela va-t-il changer le fond du problème à savoir enrayer la chute du niveau scolaire en France ? Les parents qui le désirent font le choix – librement – d’inscrire leur(s) enfant(s) dans le privé parce qu’ils estiment que l’accompagnement est plus en adéquation avec leurs valeurs ou que le niveau est meilleur. Pour autant, l’enseignement privé ne peut pallier les défaillances et les manquements de l’enseignement public. Pour mémoire, à la rentrée 2022, l’enseignement privé sous contrat regroupait plus de 2 millions d’élèves, soit 17,6% des effectifs scolarisés, dans un peu plus de 7.500 établissements.