Le constat est terrifiant. Dans un rapport publié ce jeudi 22 juin, l’Aide à l’Église en détresse (AED) tire la sonnette d’alarme sur l’inquiétante dégradation depuis 2020 du droit à la liberté religieuse dans le monde, toutes religions confondues. 4,9 milliards de personnes, soit 62,5% de la population mondiale, vivent dans un pays concerné par les persécutions ou les discriminations confessionnelles. En d’autres termes, la moitié de l’humanité (51%) vit dans les pays les plus violents à l’égard des communautés religieuses. Sans surprise, l’Afrique est en tête de ce sombre classement.
Avec la crise du Covid et la guerre en Ukraine, l’attention de la communauté internationale s’est peu à peu détournée des atteintes à la liberté religieuse, laissant se perpétrer de nombreuses persécutions dans l’impunité la plus totale. En conséquence, celles-ci se sont considérablement aggravées dans de nombreux pays. Depuis le dernier rapport de l’AED publié en 2020, 47 pays connaissent ainsi une détérioration des conditions du respect de la liberté religieuse.
28 pays où la foi est gravement malmenée
Si le rapport recense 28 pays dans lesquels les persécutions des populations en raison de leur foi sont particulièrement violentes, pas moins de 13 d’entre eux se situent sur le continent africain. Sept pays souffrent de disciminations religieuses et dix autres subissent l’extrêmisme islamiste à leurs frontières. La région du Sahel, frappée par le fléau du terrorisme depuis plusieurs années, est fortement touchée. Au Burkina Faso, le coup d’Etat de 2022 et l’instabilité politique qui en résulte ne permettent pas de protéger les chrétiens des exactions perpétrées par les djihadistes. Les attentats y sont quotidiens, ce qui en fait le pays emblématique des difficultés vécues par les communautés religieuses en Afrique. Au début du mois de juin, une dizaine de civils ont été massacrés par des terroristes dans l’est du Burkina Faso.
Au total, plus de 2 millions de personnes déplacées au Burkina Faso, parmi lesquelles de nombreux chrétiens. Les paroisses se vident. Interrogé par Aleteia, Mgr Laurent Dabiré, évêque de Dori dans le nord-est du pays, témoigne de la fermeture de trois des six paroisses de son diocèse. Seuls subsistent quelques groupes de chrétiens dans des zones rurales enclavées, qui risquent leur vie en se rassemblant pour prier, sans pouvoir célébrer la messe. Le Nigeria est également l’un des pays les plus violents où les chrétiens subissent attaques, enlèvements, meurtres et lapidations. Depuis 2006, 17 prêtres ont été assassinés, dont deux en 2023. Parmi eux, le père Charles, prêtre depuis quelques mois seulement, a été abattu dans le sud du pays le 7 juin dernier.
L’Asie n’est pas en reste, puisque la Chine et la Corée du Nord sont les deux États au monde où la liberté religieuse est la plus gravement bafouée. Les persécutions en Asie sont essentiellement le fait de régimes autocrates, et de gouvernements fondamentalistes qui imposent des lois anti-blasphème qui étranglent les populations chrétiennes, notamment au Pakistan. Benoît de Blanpré, directeur de l’AED en France, rapporte le témoignage d’un chrétien pakistanais. “Ils nous traitaient comme des chiens et nous donnaient la nourriture des animaux”, rapporte ce père de famille emprisonné 5 ans pour avoir demandé protection à l’Etat face aux attaques islamistes contre la communauté chrétienne. Le rapport pointe en particulier le doigt sur l’impunité généralisée de ces actes arbitraires et violents. Entre 2020 et 2022, dans 36 pays, les coupables de persécutions n’ont été que rarement voire jamais poursuivis et punis, indique le rapport.
Les chrétiens victimes d’attaques à l’aveugle
Établir des chiffres sur la proportion de chrétiens parmi les populations persécutées pour des raisons religieuses demeure extrêmement difficile, souligne encore l’AED. Ils sont parfois ciblés directement pour leur foi chrétienne. Mais ils subissent aussi les attaques à l’aveugle dans des Etats en proie à la violence et l’insécurité, partageant ainsi le sort de l’ensemble de la population, toutes religions confondues.
En écoutant les chrétiens au Pakistan, j’avais l’impression de vivre les Actes des Apôtres.
Mais dans ce marasme ambiant, la résilience des chrétiens et leur fidélité à leur foi face aux persécutions sont des signes d’espérance que l’on ne peut négliger. Au Burkina Faso, les vocations religieuses sont en pleine expansion. Le séminaire Saint-Pierre-Saint-Paul à Ouagadougou ne comprend pas assez de chambres pour accueillir tous les jeunes hommes qui feront leur entrée au séminaire l’année prochaine. Ils seront plus de deux-cents. “Dans mon diocèse, c’est le plus étonnant, témoigne Mgr Dabiré. Les communautés chrétiennes y ont été dispersées, des paroisses ont dû fermer. Et c’est le moment où j’ai le plus de séminaristes !”
Au Pakistan, les chrétiens font preuve d’un courage et d’une foi à toute épreuve. Le père de famille emprisonné ne se cachait pas pour chanter les psaumes et réciter le chapelet dans sa cellule, rapporte Benoît de Blanpré. “En écoutant les chrétiens au Pakistan, j’avais l’impression de vivre les Actes des Apôtres”, témoigne-t-il. Mgr Dabiré confirme: “Quand on a tout perdu, notre foi devient plus pure”.
En partenariat avec l’AED