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Saint-Victor de Marseille ou l’enracinement du christianisme 

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Shutterstock I Ina Meer Sommer

Abbaye Saint-Victor (Marseille).

Agnès Bastit-Kalinowska - publié le 01/09/23

Notre voyage en Provence à la découverte des plus anciennes images chrétiennes de France s’achève à l'abbaye Saint-Victor de Marseille. Dans la cité phocéenne que va visiter le pape François, les traces du christianisme le plus ancien témoignent de l’attachement séculaire de l’Église de Marseille aux saints tutélaires de l’Église de Rome. (5/5)

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L’abbaye Saint-Victor, perchée à l’extrémité sud du Vieux-Port, est pour Marseille le lieu emblématique de l’enracinement du christianisme dans son passé médiéval et paléochrétien. Ce n’était pourtant pas le lieu le plus important du christianisme à Marseille à la haute époque : dès que l’Église a « pignon sur rue » à partir de l’édit de Constantin libéralisant en 313 la possibilité du culte chrétien, l’évêque de l’Église qui existait déjà (et sans doute depuis les origines) se rend au concile d’Arles de 314, où les évêques de Gaule prennent la mesure des nouvelles conditions d’existence de leurs communautés.

Peu après, sont entrepris, au nord du Vieux-Port, les travaux de construction qui aboutissent au Ve siècle au magnifique ensemble comportant une belle cathédrale, remplacée par l’actuelle « Major », un impressionnant baptistère — l’un des plus grands du monde chrétien ancien —, la résidence épiscopale et sans doute aussi d’autres bâtiments à vocation caritative. La mosaïque qui y a été découverte n’est plus sur place, mais sera prochainement visible au Musée d’Histoire de la Ville de Marseille.

Victor, le soldat martyr

Près de la nécropole nord de la ville est construite dans les mêmes années une autre grande église, peut-être dédiée à saint Étienne, qui a été retrouvée récemment. Le site de Saint-Victor, quant à lui, correspondait à la nécropole sud, et Victor, un soldat martyr, victime sans doute lors de la persécution de Dioclétien, y est enterré. Son tombeau, pris dans un bâtiment cultuel, devint un lieu auprès duquel les chrétiens aimaient à avoir leur sépulture. 

C’est peut-être sur le site de Saint-Victor qu’au début du Ve siècle, période très florissante pour le christianisme marseillais, le moine théologien Jean Cassien, originaire d’Orient et ancien disciple de saint Jean Chrysostome, fonde une communauté monastique, et à quelque distance une communauté féminine. Le lieu est choisi, dès le XIe siècle, pour l’implantation d’une abbaye bénédictine qui fut un grand centre médiéval. 

Cet homme « passé en faisant le bien »

C’est paradoxalement à Gaston Deferre, le célèbre maire socialiste de Marseille, que l’on doit d’avoir associé, à partir de 1968, le patrimoine paléochrétien de Marseille, précédemment exposé au Musée de la ville, aux cryptes de Saint-Victor où il fut déposé. La collection comporte d’une part une vingtaine d’inscriptions, et de l’autre une bonne douzaine de sarcophages sculptés. Comme en Arles et à Saint-Maximin, le visiteur y découvre de très anciennes images chrétiennes, courantes au IVe siècle. Sur ces bandes sculptées que sont les parois des sarcophages, on retrouve quelques images déjà rencontrées en Provence : des représentations symboliques tirées de l’Ancien Testament, comme la figure de Jonas sorti du gouffre, type de Jésus ressuscité et du fidèle sauvé, ou le sacrifice d’Abraham, qui préfigure celui du Père offrant son Fils pour le salut du monde.

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Sarcophage découvert sur place (Ve s.) : autour du Seigneur donateur de la loi nouvelle, le sacrifice d’Abraham (à sa droite) et la guérison de l’aveugle-né (à sa gauche).

On y voit aussi une guérison fameuse opérée par Jésus, celle de l’aveugle-né, en signe de l’illumination et de la régénération apportées par le baptême, des allusions au baptême avec Jésus et la Samaritaine auprès du puits, ou à l’eucharistie avec le miracle du vin de Cana, à côté duquel est montrée ici la gigantesque grappe rapportée par les explorateurs de la Terre promise dans le Livre des Nombres (Nb 13) ; enfin, la représentation symbolique de la résurrection avec deux soldats à terre autour d’une croix porteuse de la couronne du vainqueur. 

Vers de nouvelles images : le Seigneur donateur de la parole

Mais la représentation de ces moments des évangiles ou de l’Ancien Testament n’est pas ce qui domine ici. La plupart des sarcophages exposés remontent en effet au Ve siècle, moment où apparaissent à Rome et en Italie de nouvelles images, non plus reprenant les fresques des catacombes, mais s’inspirant des nouveaux décors en mosaïque visibles en particulier sur les absides, comme à Sainte-Pudentienne de Rome (vers 400) ou à Santa Croce de Ravenne (vers 420). On n’y montre plus l’homme « qui est passé en faisant le bien » (Ac 10, 38), mais un Christ glorieux, le vainqueur de l’Apocalypse siégeant, livre en main, entouré de ses apôtres. À ses pieds souvent, un rocher d’où s’écoulent les quatre fleuves du paradis, qui représentent les quatre évangiles. En écho à ces représentations italiennes, la plupart des sarcophages de Saint-Victor montrent ainsi au centre le Christ, soit debout majestueusement, soit trônant, avec dans trois cas, à ses pieds, le rocher d’où coulent les évangiles. 

Il y a ensuite deux variantes : soit le Christ Seigneur est entouré des douze apôtres, répartis autour de lui en deux groupes de six, soit Jésus n’est accompagné que de Pierre et de Paul, dans la scène dite de « transmission de la loi » : Jésus debout avec Paul à sa droite, remet à Pierre à sa gauche le rouleau de la loi nouvelle.

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Sarcophage avec son couvercle (fin Ve-début VIe s.). Au centre, le Christ enseignant remet la loi nouvelle à Pierre, auquel Paul fait pendant.

L’idée-force est que le Christ Seigneur incarne la parole de Dieu et en est en même temps la source, et que les apôtres sont à partir de lui le relais, à la fois de cette parole de vie et de la grâce qu’elle transmet. À terme, cette idée-force reste seule, à travers une représentation symbolique : sur l’autel du VIe siècle, qui rappelle celui de Vaison-la-Romaine, le chrisme prend la place du Christ, et deux séries de six colombes l’entourent, comme les douze apôtres. Sur un couvercle de cuve, des brebis entourent le chrisme et, sur deux sarcophages, le Christ est personnifié par l’agneau, juché sur le rocher d’où jaillissent les eaux des évangiles, auxquelles viennent s’abreuver deux cerfs, l’un de chaque côté. Ces symboles ont remplacé les premiers graffiti chrétiens, l’ancre, le poisson et la palme

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L’autel paléochrétien avec sa frise symétrique, chapelle du Saint-Sacrement.

Le symbole des sources vives

La collection de l’abbaye Saint-Victor fait ainsi passer des plus anciennes images chrétiennes, comme celle du repos de Jonas sauvé, aux représentations byzantines du Seigneur en majesté, à travers l’Ancien et le Nouveau Testament, l’évocation des sacrements et surtout celle de la parole figurée par les livres et par le symbole des sources vives. Les figures de Pierre et Paul disent aussi l’attachement séculaire de l’Église de Marseille à ces saints tutélaires de l’Église de Rome, dont l’évêque vient aujourd’hui visiter cette ville si anciennement liée au christianisme. 

[EN IMAGES] Les symboles utilisés par les premiers chrétiens

Tags:
ArchéologieÉgliseHistoirePape François à Marseille
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