Aujourd’hui, ce qui ressemble à du « déjà vu » fait fuir, y compris dans la vie conjugale. Pour beaucoup, la routine c’est l’impasse qui mène à la séparation. Les habitudes s’installent et un jour une triste impression émerge : tout est pareil depuis des années. « L’un ou l’autre conjoint commence à s’ennuyer, remarque Sophie Passot, conseillère conjugale et familiale, mariée et mère de quatre enfants. De plus en plus, lors des soirées, chacun part dans son coin, lui devant son ordinateur, elle devant son portable. Le silence s’installe. » C’est le signe d’une usure du lien conjugal. L’écart se creuse au point de vivre en parallèle, sans plus désirer d’« intimité émotionnelle ». C’est le moment des retours en arrière. On se prend à regretter ce qui aurait pu être. Mais comment ces couples qui s’étaient mariés dans l’enthousiasme tombent-ils dans la tiédeur ?
Le psychologue Gary Chapman appelle cela l’automne : « Au début de cette saison, écrit-il dans Les Saisons du mariage, l’union a une belle apparence, mais à l’intérieur, la situation change et, quand les vents froids se mettent à souffler, la détérioration devient évidente. » La routine peut venir très vite, même si elle frappe plutôt les couples vers la quarantaine. Elle s’installe sournoisement, sans crier gare. Pour tordre le cou à cette routine, il faut tout d’abord savoir reconnaître les signes de détresse de l’autre et les siennes.
Traquer les signes de l’usure
Quand les moments à deux s’espacent, quand le dialogue s’appauvrit, les deux conjoints risquent de devenir deux colocataires. En son for intérieur, chacun accuse l’autre de cet éloignement et attend, plus ou moins patiemment, qu’il change. Quelques clignotants peuvent alerter. La négligence, par exemple. Au bout d’un certain temps de vie commune, le naturel revient au galop : on se surveille moins, on maîtrise moins ses réactions. Le baiser du matin ou du soir devient plus machinal. On perd les petites délicatesses du quotidien, attendre l’autre pour commencer son repas, lui rendre tel ou tel service, lui poser des questions sur sa journée. Mais ce n’est pas parce que la passion était forte à ses débuts qu’on est dispensé d’alimenter le feu, comme si l’amour était un acquis. La relation conjugale s’entretient.
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Ces négligences s’enracinent dans l’égoïsme. Dans les débuts de la rencontre, les deux amoureux étaient prêts à tout pour faire plaisir à l’un à l’autre. Que s’est-il passé ? « Le péché personnel, comme chez Adam et Ève, crée la méfiance, la peur d’avoir à se mettre à nu et donc d’être jugé, analyse Gary Chapman dans Couple et Complices. Alors, ils se protègent et restent à l’écart l’un de l’autre. Ils ne sont plus sensibles à leur ressemblance, mais à leurs différences. Ils ne sont plus à l’écoute de ce qui les rapproche, mais de ce qui les sépare. L’égoïsme a remplacé l’amour. »
Avant que les clignotants ne passent au rouge, la vigilance s’impose. Comment ? Les solutions existent, elles sont nombreuses, et tout peut redevenir comme aux premiers jours, voire mieux ! Aujourd’hui, les outils fleurissent, les conseils pour aider à savourer ce chemin à deux qui, espérance de vie oblige, peut se poursuivre plus de 70 ans !
Alimenter le feu de l’amour
Avant de se tourner vers les grands remèdes, il est possible de mettre du piment et de la créativité dans sa vie de couple. « C’est le moment de se brancher sur cet esprit d’enfance, cette légèreté joyeuse que l’on avait étant fiancés », conseille Sophie Passot. Il ne faut pas hésiter à introduire le changement : changer de coupe, de style vestimentaire, acheter une lingerie coquette… Tout ceci peut renouveler la séduction. La dimension sensible est très importante dans le mariage. Veiller à rester attirants l’un pour l’autre est une nécessité. Bénédicte et Joseph, six enfants et 22 ans de mariage, sont unanimes : « Il est important aussi de renouveler, de temps en temps, le cadre de ses amours. Il nous arrive de partir ensemble en week-end sans enfants. Cela introduit un peu de féerie. » Sophie Passot constate : « Les couples, eux aussi, ont besoin d’inventer leur liturgie avec des temps ordinaires et d’autres plus extraordinaires. »
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Il est bon de rêver aussi ensemble, de se projeter dans l’avenir, « un jour, on achètera une grande maison, un jour, on partira faire le tour du monde… ». Sophie Passot affirme : « Avoir des projets, pas forcément réalistes, entretient la complicité. On peut préparer un voyage, une fête qu’on envisage longtemps à l’avance et qui donne des racines au couple. On en parle avant, pendant et après ».
« Un mariage heureux est une longue conversation toujours trop brève »
La fantaisie ne suffit pas. Pour rallumer la flamme, il s’agit surtout d’approfondir sa relation. « N’est-ce pas pour vivre ensemble, se parler, qu’on s’est mariés ? demande Jean, marié depuis 25 ans. Or, très vite, on ne met plus rien en œuvre pour cela. » À quoi sert de partir au bout du monde si, au retour, la routine reprend comme auparavant, sans qu’il y ait eu une rencontre profonde ? Le couple a plutôt besoin d’un vrai traitement de fond. Il faut donc commencer par faire attention à l’autre. Si les conjoints ne prennent pas le temps de regarder l’un l’autre, rien ne se passe. Se retrouver demande une vraie conversion et un renoncement à soi. « Le premier prochain qui nous a été confié par Dieu, remarque Sophie Passot, c’est bien celui que nous avons épousé. »
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Peut-on tout dire à son conjoint?
« Un mariage heureux est une longue conversation toujours trop brève », écrivait le romancier français André Maurois. Les époux ne se parlent jamais assez. Mais de quoi parler ? De tout et de rien, aurait-on tendance à répondre. Cela ne suffit pourtant pas car ce qui manque souvent, c’est le partage des émotions. On peut échanger sur la façon dont on a vécu la journée, sans se limiter aux faits mais en mentionnant les répercussions qu’ils ont eues sur nous. Quand il s’agit d’une émotion importante, certains aiment le faire par écrit, par des petits mots, des textos : à chacun de trouver sa manière.
Avant même que la routine ne s’installe, la révision de vie commune est nécessaire et elle ne peut faire l’économie de la parole. C’est le moment de prendre du recul, de faire le point sur les fondements de son couple. Il est possible de mesurer le chemin parcouru depuis le mariage, évoquer les joies et les peines qui l’ont marqué. Il est bon de se poser plusieurs questions : « Que sont devenus les objectifs que nous nous étions fixés ? Où en sommes-nous ? Comment, chacun de notre côté, nous nous investissons pour sortir de cette routine ? Quelles sont nos échappatoires respectives à la relation : portable, travail, jeux vidéo, livres… Où, dans tout cela, pouvons-nous prendre du temps l’un pour l’autre ? ».
La gratitude et la prière à ne pas négliger
Pour Salomon Nasielski, thérapeute en analyse transactionnelle, « la gratitude est l’engrais du couple ». Elle est un merveilleux moyen d’intensifier le lien et donc de le revivifier. Dire merci et exprimer précisément pourquoi ! Pour les années passées ensemble déjà, mais aussi pour tout ce que l’autre fait, qui semble un dû et qui est un don. Il ne faut pas non plus négliger le pardon. Quand un conjoint s’excuse devant l’autre, les défenses de celui qui accorde son pardon tombent, et les époux peuvent à nouveau se parler. « Ce n’est pas en niant nos échecs que nous atteindrons l’intimité, mais plutôt en les admettant immédiatement et en demandant pardon », constate Gary Chapman, qui estime que plus les conjoints sont proches de Dieu, plus l’intimité est profonde.
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La prière conjugale, une démarche qui transforme le couple
Adéline et Pierre en témoignent : « L’aide la plus forte et la plus féconde est spirituelle ». L’Esprit saint, Esprit de renouvellement, qui assouplit ce qui est raide, irrigue ce qui est sec et réchauffe ce qui est froid, est l’interlocuteur idéal du couple englué dans la routine. Au couple de le prier avec confiance pour qu’Il fasse germer les justes solutions. Le Veni Sancte Spiritus peut ainsi devenir une prière conjugale.
Florence Brière-Loth