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IVG : ce que disait vraiment Simone Veil dans son discours de novembre 1974

SIMONE VEIL

© AFP

Simone Veil en 1974.

La rédaction d'Aleteia - publié le 30/06/17 - mis à jour le 29/06/22

Décédée ce 30 juin 2017, Simone Veil — par-delà ses nombreux engagements — demeurait attachée à la loi qu'elle avait défendue pour dépénaliser l'avortement en 1975. Alors qu'Aurore Bergé, présidente du groupe LREM à l'Assemblée nationale, a déposé un projet de loi pour inscrire le droit à l'avortement dans la Constitution française, Aleteia s'intéresse au regard que portait Simone Veil sur l'IVG. Un regard qui était bien plus nuancé que ce qu'en disent ses hagiographes ou ses détracteurs. Il suffit de comparer le discours qu'elle avait prononcé devant les députés avec ce qu'est devenue aujourd'hui la législation sur l'IVG.

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Le 26 novembre 1974, Simone Veil, ministre de la Santé du gouvernement de Jacques Chirac, prononce à la tribune de l’Assemblée nationale un discours dans lequel elle présente un projet de loi visant à dépénaliser le recours à l’avortement. La relecture en détail de cette allocution historique révèle combien — 48 ans plus tard, et en se cantonnant à une approche factuelle et non morale — l’esprit initial de la loi Veil a été vidé de sa substance.

Exception

« Je le dis avec toute ma conviction : l’avortement doit rester l’exception, l’ultime recours pour des situations sans issue. Mais comment le tolérer sans qu’il perde ce caractère d’exception, sans que la société paraisse l’encourager ? »

Simone Veil perçoit — et craint — dès la prononciation de son discours que le caractère exceptionnel de l’avortement sera difficile à maintenir une fois le texte promulgué. De fait, on considère qu’en France, une grossesse sur quatre se conclut par une IVG (en 2020, la France a enregistré 740.000 naissances et 222.000 IVG). Par ailleurs, la « loi pour l’égalité réelle entre les hommes et les femmes », défendue par Najat Vallaud-Belkacem en 2014 lorsqu’elle était ministre du Droit des femmes, avait retiré de la loi Veil la notion de « détresse », banalisant ainsi le recours à l’IVG.

Dissuasion

« Si (ce projet de loi) admet la possibilité d’une interruption de grossesse, c’est pour la contrôler et, autant que possible, en dissuader la femme ».

Dans l’esprit de Simone Veil, la puissance publique doit non seulement encadrer la pratique de l’avortement pour des questions sanitaires, mais elle doit aussi s’efforcer de dissuader les femmes d’y avoir recours. Aujourd’hui, non seulement ce rôle dissuasif n’est pas assuré, mais les organisations associatives qui voudraient l’assumer sont susceptibles de tomber sous le coup de la loi depuis la pénalisation des sites proposant des solutions alternatives à l’avortement votée en février 2017.

Réflexion

« Les deux entretiens qu’elle aura eus, ainsi que le délai de réflexion de huit jours qui lui sera imposé, ont paru indispensables pour faire prendre conscience à la femme de ce qu’il ne s’agit pas d’un acte normal ou banal, mais d’une décision grave qui ne peut être prise sans en avoir pesé les conséquences et qu’il convient d’éviter à tout prix ».

Promulguée en janvier 2016, la loi santé défendue par Marisol Touraine supprime le délai de réflexion que Simone Veil jugeait « indispensable ». Les deux entretiens sont quant à eux maintenus et se cantonnent à une dimension technique (information sur les méthodes, les risques et les modalités). Un entretien psycho-social est proposé, mais il est facultatif pour les femmes majeures.

Délais

« L’interruption de grossesse ne peut être que précoce, parce que ses risques physiques et psychiques, qui ne sont jamais nuls, deviennent trop sérieux après la fin de la dixième semaine qui suit la conception pour que l’on permette aux femmes de s’y exposer ».

La loi Aubry de juillet 2001 assouplit les délais prévus par la loi Veil : l’avortement par méthode instrumentale devient désormais possible jusqu’à 12 semaines de grossesse (14 semaines d’aménorrhée), en dépit du danger évoqué par Simone Veil. En 2022, cet allongement est passé de 12 à 14 semaines de grossesse (soit 16 semaines d’aménorrhée). La loi visant à renforcer le droit à l’avortement a été publiée au Journal officiel du 3 mars 2022. 

Hospitalisation

« Pour donner plus de sécurité à la femme, l’intervention ne sera permise qu’en milieu hospitalier, public ou privé ».

L’IVG médicamenteuse peut se pratiquer à domicile, via un cabinet de ville, un centre de santé ou un centre de planification. Autorisée auparavant jusqu’à 5 semaines de grossesse (7 semaines d’aménorrhée), elle est passée à 9 semaines d’aménorrhée (7e semaine de grossesse) le 19 février 2022. La téléconsultation est possible et est prise en charge dans le cadre d’une IVG médicamenteuse. De plus, le même décret indique que les médicaments à base de mifépristone et de misoprostol peuvent être délivrés directement en officine aux patientes munies d’une prescription.

Remboursement

« Lorsque l’on sait que les soins dentaires, les vaccinations non obligatoires, les verres correcteurs ne sont pas ou sont encore très incomplètement remboursés par la Sécurité sociale, comment faire comprendre que l’interruption de grossesse soit, elle, remboursée ? Si l’on s’en tient aux principes généraux de la Sécurité sociale, l’interruption de grossesse, lorsqu’elle n’est pas thérapeutique, n’a pas à être prise en charge ».

La loi santé de janvier 2016 garantit le remboursement à 100% de l’IVG quelles que soient les circonstances (seules les mineures bénéficiaient auparavant d’une telle disposition). Par ailleurs, la généralisation du tiers-payant permet aux femmes concernées de ne pas avancer les frais.

Droit

« Si la loi est générale et donc abstraite, elle est faite pour s’appliquer à des situations individuelles souvent angoissantes ; que si elle n’interdit plus, elle ne crée aucun droit à l’avortement ».

Lorsqu’elle fait supprimer la notion de « situation de détresse » de la loi Veil en 2014, Najat Vallaud-Belkaceme déclare : « L’IVG est un droit à part entière et pas une simple tolérance assortie de conditions », sentence définitive qui résume à elle seule la disparition intégrale de l’esprit que Simone Veil avait voulu donner au texte initial. De fait, désormais, toute la communication officielle autour de l’IVG utilise ce concept dans les plaquettes et documents distribués. Et les médias les plus sérieux présentent Simone Veil comme la championne du « droit à l’avortement ». Elle qui en écartait explicitement le principe même dans son discours fondateur.

Drame

« Personne n’a jamais contesté, et le ministre de la Santé moins que quiconque, que l’avortement soit un échec quand il n’est pas un drame ».

Loin de toute banalisation, Simone Veil achève son discours de 1974 en qualifiant l’avortement « d’échec » voire de « drame ». Il serait malvenu de vouloir imaginer ce qu’elle aurait pu penser des différentes inflexions subies par la loi de 1974, mais des années plus tard, elle continuait à déplorer le recours massif à l’avortement, comme dans une interview au quotidien Direct Soir le 21 novembre 2008.

« Il est affligeant de voir que malgré les facilités pour accéder à cette contraception, il y a encore beaucoup trop d’avortements de nos jours ».

Simone Veil avait-elle ouvert la boîte de Pandorre en 1974 ? Une certitude, quoi qu’on en pense, l’encadrement de l’IVG tel qu’il existe aujourd’hui en France n’a strictement plus rien à voir avec ce que Simone Veil imaginait alors. Ce qui n’empêchent pas les principaux artisans de ce détricotage de s’en faire les ardents thuriféraires.

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