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Les grands théologiens du XXe siècle : Louis Bouyer (4/6)

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Archives CIRIC

Jean Duchesne - publié le 29/05/20

Après Lubac, Daniélou et Balthasar, Jean Duchesne nous présente Louis Bouyer. Pasteur luthérien converti au catholicisme, il avait découvert l’importance de la liturgie et de la tradition, notamment grâce aux bénédictins. Proche de Paul VI, il joua un rôle majeur mais critique dans la mise en œuvre des réformes liturgiques qui suivirent le concile Vatican II.

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Venu du protestantisme comme Newman et resté aussi profondément non-conformiste qu’il était devenu traditionnel, Louis Bouyer (1913-2004) a su « ressaisir de façon neuve l’essentiel de la foi catholique », comme en a témoigné le cardinal Lustiger dont il avait été le professeur.

Une vie

Né à Paris dans une famille luthérienne, Louis Bouyer entra au séminaire protestant et fut ordonné pasteur en 1936. Mais il avait découvert l’importance de la liturgie et des traditions en fréquentant les milieux russes orthodoxes et des bénédictins. Empêché par la guerre de partir à Oxford pour une thèse en 1939 et réfugié à l’abbaye de Saint-Wandrille, il prit conscience que les exigences de sa foi étaient pleinement assumées dans l’Église romaine, et il demanda à y être reçu. C’est ce qu’il a expliqué des confidences autobiographiques dans Du protestantisme à l’Église (1955).

Son commentaire des anciens rituels du Jeudi saint au matin de Pâques contribua au rétablissement de la vigile pascale.

Entré à l’Oratoire de France et devenu prêtre en 1944, on l’envoya enseigner au lycée de Juilly. Il y eut comme élève Philippe Noiret, remarqua ses talents et persuada ses parents de le laisser devenir acteur. Parallèlement, il fit sa thèse à l’Institut catholique de Paris, puis y fut chargé de cours et se vit bientôt confier des chaires de théologie dogmatique, d’Écriture sainte, d’histoire de l’Église et de spiritualité. Pendant son noviciat oratorien, il s’était joint au mouvement de renouveau liturgique et il publia en 1945 Le Mystère pascal. Ce commentaire des anciens rituels du Jeudi saint au matin de Pâques contribua au rétablissement de la vigile pascale en 1951 et lui valut de voir publier les livres qui pouvaient être tirés de ses cours.

Nommé par Paul VI, qui l’appréciait depuis longtemps, à la Commission théologique internationale créée en 1970, il refusa la pourpre cardinalice et s’investit dans le dialogue œcuménique.

Certaines de ses idées parurent cependant audacieuses et des polémiques l’amenèrent à démissionner en 1962. Il enseigna dès lors une partie de l’année aux États-Unis (où il avait été invité l’été dès 1952), consacrant le reste de son temps à écrire dans ses retraites à l’ombre des abbayes de La Lucerne, puis de Landévennec et enfin de Saint-Wandrille. Il avait participé à la préparation de Vatican II et joua un rôle majeur mais critique dans la mise en œuvre des réformes liturgiques qui suivirent. Nommé par Paul VI, qui l’appréciait depuis longtemps, à la Commission théologique internationale créée en 1970, il refusa la pourpre cardinalice et s’investit seulement dans le dialogue œcuménique. Sa santé déclinante obligea en 1997 à le transférer chez les Petites Sœurs de Pauvres à Paris, où il s’éteignit en 2004. 

L’œuvre

Louis Bouyer a publié plus de cinquante livres. Son inspiration est manifestement la Parole de Dieu. La théologie doit s’y ressourcer avant de se soumettre à des préalables philosophiques, parce que la Révélation enrichit la pensée humaine de concepts qu’elle n’aurait pu inventer. Les Écritures restent évidemment vitales pour la prière, aussi bien personnelle que liturgique, et pour les sacrements : l’homme y reçoit non seulement ce que Dieu lui révèle de lui-même, mais encore les mots pour lui répondre et agir en conséquence.

Les travaux du père Bouyer partent de la Révélation et étudient ses interprétations successives dans l’histoire afin d’arriver à une actualisation de l’essentiel.

La Bible et l’Évangile (1951) accompagne et justifie ainsi l’événement peut-être le plus considérable de l’histoire de l’Église au XXe siècle, à savoir la redécouverte du Premier Testament par les catholiques. Les travaux du père Bouyer partent donc de la Révélation et étudient ses interprétations successives dans l’histoire afin d’arriver à une actualisation de l’essentiel. Ce principe s’applique aux rites et aux sacrements (La Vie de la liturgie, 1955), y compris la messe, en insistant sur ses sources juives (Eucharistie, 1966), et à la spiritualité, que le P. Bouyer a sans doute été le premier à définir rigoureusement dans son Histoire de la spiritualité chrétienne (1961-1965). Il a aussi présenté les trois « états de vie » dans l’Église : ceux des consacré(e)s (Le Sens de la vie monastique, 1950), de tous les baptisés (Introduction à la vie spirituelle, 1960) et des prêtres (Le Sens de la vie sacerdotale, 1961).

Ami des écrivains T.S. Eliot, Elizabeth Goudge, J.R.R. Tolkien et Julien Green, le père Bouyer a publié aussi quelques romans sous divers pseudonymes.

Les neuf tomes formant une triple trilogie de sa grande synthèse théologique, conçue et commencée dès 1957 et achevée entre 1970 et 1994, partent de même des sources bibliques et continuent par leur réception au fil des siècles pour en tirer des conclusions utiles. Un premier volet, sur l’économie (ou le plan) du Salut, comporte une anthropologie basée sur la Vierge Marie (Le Trône de la Sagesse), une sociologie (L’Église de Dieu) et une cosmologie qui prend en compte la science (Cosmos). La partie centrale est théologique au sens strict du terme, avec un volume sur chacune des personnes de la Trinité : Le Père invisible, Le Fils éternel et Le Consolateur (l’Esprit Saint). Le dernier triptyque porte sur trois notions-clés : le mystère et la mystique (Mysterion), la connaissance de Dieu (Gnôsis) et la sagesse (Sophia).

Le père Bouyer a encore écrit sur divers saints et saintes, l’humanisme de la Renaissance, les icônes et les légendes du Graal. Ami des écrivains T.S. Eliot, Elizabeth Goudge, J.R.R. Tolkien et Julien Green, il a publié quelques romans sous divers pseudonymes.

À lire

Nombre de ses ouvrages sont réimprimés. Le Métier de théologien (des entretiens où il explique son travail) a été réédité en 2005 chez Ad Solem. Ses Mémoires sont parus en 2014 au Cerf. Parmi ses petits livres à mettre entre toutes les mains, on peut signaler les reprises au Cerf en 2009 d’Architecture et Liturgie, qui donne de comprendre nos églises, et en 2012 d’Initiation chrétienne, dont le titre dit bien l’intérêt toujours actuel. Signalons enfin Mystère et Ministères de la femme, redonné par Ad Solem en 2019 et qui éclaire une des questions qui nous occupent aujourd’hui.




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Tags:
Théologie
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