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Méditation de carême : « La divinité du Christ est l’Everest de la foi »

FATHER RANIERO CANTALAMESSA

Antoine Mekary | ALETEIA

P. Raniero Cantalamessa, ofmcap - publié le 12/03/21

Prédicateur de la Maison pontificale, le père capucin Raniero Cantalamessa a prononcé ce vendredi 12 mars la troisième méditation du temps de carême.

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Rappelons brièvement le thème et l’esprit de ces méditations de carême. Nous nous sommes proposé de réagir à la tendance répandue de parler de l’Église etsi Christus non daretur, comme si le Christ n’existait pas, comme si on pouvait tout comprendre en dehors de lui. Nous nous sommes donc proposé d’y répondre d’une manière différente de l’habitude, non pas en essayant de faire changer d’avis le monde et ses moyens de communication, mais en réitérant et en intensifiant notre foi dans le Christ. Non pas d’un point de vue apologétique, mais spirituel.

Nous avons choisi, pour parler du Christ, la voie la plus sûre qui est celle du dogme, le Christ vrai homme, le Christ vrai Dieu, le Christ une seule personne. Cette voie du dogme est tout sauf vieille et dépassée. « La terminologie dogmatique de l’Église primitive » — écrivait Kierkegaard, l’un des plus grands représentants de la pensée existentielle moderne — « est comme un château enchanté, dans lequel se trouvent des princes et les plus gracieuses des princesses, plongés dans un sommeil profond. Il suffit tout simplement de les réveiller pour qu’ils se mettent debout et apparaissent dans toute leur gloire. »

Il s’agit précisément là de réveiller les dogmes, de leur insuffler la vie, comme lorsque l’Esprit entra dans les os desséchés vus par Ézéchiel et qu’ils « revinrent à la vie, et ils se dressèrent sur leurs pieds « (Ez 37, 10). La dernière fois, nous avons cherché à le faire vis-à-vis du dogme de Jésus « vrai homme » ; aujourd’hui, nous voulons le faire vis-à-vis du dogme du Christ « vrai Dieu ».

Le dogme du Christ « vrai Dieu »

En l’an 111 ou 112 après J.-C., Pline le Jeune, gouverneur de la Bithynie et du Pont, écrivait une lettre à l’empereur Trajan, pour lui demander des instructions sur la manière dont il convenait de se comporter dans les procès intentés contre les chrétiens. D’après les informations qu’il avait prises — écrivait-il à l’empereur — « toute leur erreur ou leur faute avait été renfermée dans ces points : qu’à un jour marqué, ils s’assemblaient avant le lever du soleil, et chantaient tour à tour des vers à la louange de Christ, comme s’il eût été dieu : carmen Christo quasi Deo dicere ». Nous sommes en Asie Mineure, quelques années après la mort du dernier apôtre, Jean, et les chrétiens proclament déjà en chantant la divinité du Christ ! La foi en la divinité du Christ est née avec la naissance de l’Église.

Mais qu’en est-il de cette foi aujourd’hui ? Faisons d’abord une brève reconstitution de l’histoire du dogme de la divinité du Christ. Il fut solennellement consacré lors du Concile de Nicée en 325 avec ces mots que nous redisons dans le Credo : « Je crois en un seul Seigneur, Jésus-Christ […] vrai Dieu né du vrai Dieu, engendré non pas créé, de même nature que le Père ». Au-delà des termes employés, le sens profond de la définition de Nicée — comme on le déduit de saint Athanase qui en fut le témoin et l’interprète le plus autorisé — était que dans toute langue et à toute époque, on doit reconnaître le Christ comme Dieu dans le sens le plus fort et le plus élevé que le mot Dieu a dans telle langue et telle culture, et pas dans un autre sens dérivé et secondaire.

Il fallut près d’un siècle de mise au point avant que cette vérité ne fût reçue, dans sa radicalité, par l’ensemble de la chrétienté. Une fois surmontés les retours de l’arianisme dus à l’arrivée de peuples barbares qui avaient reçu la première évangélisation des hérétiques (Goths, Wisigoths et Lombards), le dogme devint le patrimoine pacifique de toute la chrétienté, tant orientale qu’occidentale.

La théologie libérale du XIXe siècle réduit pratiquement le christianisme à la seule dimension éthique et en particulier à l’expérience de la paternité de Dieu.

La Réforme protestante le maintien intact et accrut même sa centralité ; elle y inséra toutefois un élément qui allait plus tard donner lieu à des développements négatifs. En réaction au formalisme et au nominalisme qui réduisent les dogmes à des exercices de virtuosité spéculative, les réformateurs protestants affirment : « Connaître le Christ, c’est reconnaître ses bienfaits, pas rechercher sa nature et les modalités de l’incarnation ». Le Christ « pour moi » devient plus important que le Christ « en lui-même ». À la connaissance objective, dogmatique, on oppose une connaissance subjective, intime ; au témoignage extérieur de l’Église et des Écritures elles-mêmes sur Jésus, on fait précéder le « témoignage intérieur » que l’Esprit saint rend à Jésus dans le cœur de tout croyant.

Les Lumières et le rationalisme y ont trouvé le terrain propice à la démolition du dogme. Pour Kant, ce qui compte, c’est l’idéal moral proposé par le Christ, plutôt que sa personne. La théologie libérale du XIXe siècle réduit pratiquement le christianisme à la seule dimension éthique et en particulier à l’expérience de la paternité de Dieu. On dépouille l’Évangile de tout le surnaturel : miracles, visions, résurrection du Christ. Le christianisme devient seulement un sublime idéal éthique qui peut faire abstraction de la divinité du Christ et même de son existence historique. Gandhi qui, malheureusement, avait connu le christianisme dans cette version réductrice, écrivait : « Il ne m’importerait même pas que quelqu’un prouve que l’homme Jésus n’a jamais réellement vécu et que ce que nous lisons dans les évangiles n’est que le fruit de l’imagination de l’auteur. Le Sermon sur la Montagne n’en resterait pas moins vrai à mes yeux ».


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La version qui nous est la plus proche de cette tendance réductrice du christianisme est celle popularisée par Bultmann, au nom, cette fois, de la démythologisation : « La formule « le Christ est Dieu » » — écrit-il — « est fausse dans tous les sens, lorsque « Dieu » est considéré comme un être objectivable, qu’elle soit comprise selon Arius ou selon Nicée, dans un sens orthodoxe ou libéral. Elle est exacte si « Dieu » est compris comme l’événement de l’actualisation divine ». En des termes moins obscurs : le Christ n’est pas Dieu, mais dans le Christ il y a (ou agit) Dieu. Nous sommes bien loin, comme on peut le constater, du dogme défini à Nicée. On dit vouloir ainsi interpréter le dogme ancien avec des catégories modernes, mais en réalité on ne fait que reproposer, parfois dans les mêmes termes, des solutions archaïques (Paul de Samosate, Marcel d’Ancyre, Photin) déjà évaluées et rejetées par la conscience de l’Église.

Si l’on passe des discussions des théologiens à ce que, selon diverses enquêtes, les gens ordinaires des pays chrétiens pensent de la divinité du Christ, on reste sans voix. À la suite d’un concile local dominé par les opposants à Nicée (Rimini, année 359), saint Jérôme écrit : « Le monde entier “gémit et s’étonne de se retrouver arien” ». Nous aurions bien plus de raisons que lui de gémir et de faire nôtre son exclamation d’étonnement.

Le Christ « vrai Dieu » dans les Évangiles

Maintenant, nous devons rester fidèle à notre intention. Laissons donc de côté ce que le monde pense et cherchons à réveiller en nous la foi en la divinité du Christ. Une foi lumineuse, pas floue, objective et subjective à la fois, c’est-à-dire non seulement que l’on croit, mais aussi que l’on vit. Aujourd’hui encore, Jésus ne s’intéresse pas tant à ce que « les gens » disent de lui, mais à ce que ses disciples disent de lui. La question est toujours dans l’air : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » (Mt 16, 15) C’est à elle que nous essaierons de répondre dans cette méditation.

Partons précisément de l’Évangile. Dans les Synoptiques, la divinité du Christ n’est jamais ouvertement déclarée, mais elle est continuellement sous-entendue. Rappelons quelques paroles de Jésus : « le Fils de l’homme a le pouvoir, sur la terre, de pardonner les péchés » (Mt 9, 6) ; « Personne ne connaît le Fils, sinon le Père, et personne ne connaît le Père, sinon le Fils » (Mt 11, 27) ; « Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas » (cette parole-ci est présente à l’identique dans les trois Synoptiques) « le Fils de l’homme est maître, même du sabbat » (Mc 2, 28) ; « Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, alors il siégera sur son trône de gloire. Toutes les nations seront rassemblées devant lui ; il séparera les hommes les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des boucs » (Mt 25, 31-32). Qui, sinon Dieu, peut pardonner les péchés en son propre nom et se proclamer juge ultime de l’humanité et de l’Histoire ?

La transcendance divine du Christ transpire littéralement à chaque page de l’Évangile.

Tout comme il suffit d’un cheveu ou d’une goutte de salive pour relever l’ADN d’une personne, une seule ligne de l’Évangile suffit, si on la lit sans a priori, pour relever l’ADN de Jésus, pour découvrir ce qu’il pensait de lui-même, mais ne pouvait dire ouvertement pour ne pas être mal compris. La transcendance divine du Christ transpire littéralement à chaque page de l’Évangile.

Mais c’est surtout Jean qui a fait de la divinité du Christ le but premier de son Évangile, le thème qui unifie tout. Il le conclut en disant : « Mais ceux-là [ces signes] ont été écrits pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour qu’en croyant, vous ayez la vie en son nom » (Jn 20, 31), et il conclut sa première lettre avec quasiment les mêmes mots : « Je vous ai écrit cela pour que vous sachiez que vous avez la vie éternelle, vous qui mettez votre foi dans le nom du Fils de Dieu ». (1 Jn 5, 13)

Un jour, il y a de nombreuses années, je célébrai la messe dans un monastère cloîtré. Le passage de l’Évangile du jour était la page de Jean dans laquelle Jésus prononce à plusieurs reprises son « Je suis » : « En effet, si vous ne croyez pas que moi, JE SUIS, vous mourrez dans vos péchés […] Quand vous aurez élevé le Fils de l’homme, alors vous comprendrez que moi, JE SUIS […] avant qu’Abraham fût, moi, JE SUIS. » (Jn 8, 24 ; 28 ; 58) Le fait que les mots « JE SUIS » — contrairement à toutes les règles grammaticales — aient été écrits avec des majuscules dans le lectionnaire, associé certainement à une autre cause plus mystérieuse, a déclenché une étincelle. Ce mot « explosa » en moi.

Je savais, de par mes études, que dans l’Évangile de Jean, il y avait de nombreux « JE SUIS », ego eimi, prononcés par Jésus. Je savais que c’était un fait important pour sa christologie ; qu’avec eux, Jésus s’attribue le nom que Dieu revendique pour lui-même dans Isaïe : « Pour que vous sachiez, que vous croyiez en moi et compreniez que moi, Je suis ».  (Is 43, 10) Mais mes connaissances n’étaient que livresques et inertes, et ne suscitaient pas d’émotions particulières. Ce jour-là, c’était tout à fait autre chose. C’était le temps pascal et il semblait que le Ressuscité lui-même proclamait son nom divin devant le ciel et la terre. Son « JE SUIS » illuminait et remplissait l’univers. Je me sentais tout petit, comme quelqu’un qui assiste, par hasard et à l’écart, à une scène improvisée et extraordinaire, ou à un grand spectacle de la nature. Ce ne fut qu’une simple émotion de foi, rien de plus, mais de celles qui, une fois passées, laissent dans le cœur une empreinte indélébile.

Il faut s’étonner de l’exploit que l’Esprit de Jésus a permis à Jean de porter à son terme. Il a embrassé les thèmes, les symboles, les attentes, tout ce, en somme, qu’il y avait de religieusement vivant, tant dans le monde juif que dans le monde hellénistique, faisant en sorte que tout cela serve une seule idée, mieux, une seule personne : Jésus Christ est le Fils de Dieu et le Sauveur du monde. Il a appris la langue des hommes de son temps, afin de crier de toutes ses forces l’unique vérité qui sauve, la Parole par excellence, « le Verbe ». Seule une certitude révélée, qui a derrière elle l’autorité et la puissance même de Dieu et de son Esprit, pouvait se déployer dans un livre avec une telle insistance et une telle cohérence, arrivant, à partir de mille points différents, toujours à la même conclusion, à savoir, l’identité totale de nature entre le Père et le Fils : « Le Père et moi, nous sommes UN. » (Jn 10, 30) Je dis bien « UN » (neutre unum), pas une seule personne (masculin unus) !

« Corde creditur : on croit avec le cœur »

Comme pour l’humanité, pour ce qui est de la divinité du Christ, nous pouvons aussi maintenant montrer comment l’ancien dogme, objectif et ontologique, permet d’accepter et d’améliorer la donnée subjective et fonctionnelle moderne, alors que, nous l’avons vu, le contraire a été si difficile. Aucune des soi-disant « christologies d’en bas », celles — comprenons-nous bien — qui partent du Jésus « prophète eschatologique et révélateur suprême du Père », ou de Jésus « l’homme en qui la conscience de Dieu a atteint son plus haut niveau » (F. Schleiermacher), ou du Christ « personne humaine en qui subsiste la nature divine » (et non pas personne divine en qui subsiste la nature humaine !) ; aucune, je le répète, de ces christologies n’a réussi à s’élever jusqu’à embrasser le vrai mystère de la foi chrétienne et à sauvegarder la pleine divinité du Christ. Jésus explique bien la raison de l’échec et elle fut bien comprise par Jean qui y fait référence : « nul n’est monté au ciel sinon celui qui est descendu du ciel. » (Jn 3, 13) Il est en effet possible à Dieu, s’il le souhaite, de se faire homme, mais il n’est pas possible à l’homme de se faire Dieu !


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Tout ceci étant posé, nous pouvons revenir à la valorisation de toute la dimension subjective et personnaliste du dogme : le Christ « pour moi » mis au premier plan par les Réformateurs, le Christ connu par ses bienfaits et par le témoignage intérieur de l’Esprit. C’est le meilleur fruit de l’œcuménisme, celui des « différences réconciliées », et non pas opposées, comme le dit notre Saint-Père. Il ne s’agit pas d’une concession pro bono pacis, mais d’un besoin et d’un enrichissement mutuels. Nous avons tous besoin de donner à notre foi cette dimension personnelle et intime, afin qu’elle ne soit pas une répétition mortelle de formules anciennes ou modernes. Sur ce point, nous sommes tous mis en cause, catholiques, orthodoxes et protestants de la même manière.

Saint Paul dit que « c’est avec le cœur que l’on croit pour devenir juste, c’est avec la bouche que l’on affirme sa foi pour parvenir au salut ». (Rm 10, 10) « C’est donc par le cœur que l’on croit au Christ », commente Augustin. Dans la vision catholique, comme dans la vision orthodoxe et aussi, plus tard, dans la vision protestante, la profession de la foi droite, c’est-à-dire le deuxième moment de ce processus, a souvent pris tellement d’importance qu’elle laisse dans l’ombre ce premier moment qui se déroule dans les profondeurs cachées du cœur. Tous les traités De fide, écrits après Nicée, traitent de l’orthodoxie de la foi ; aujourd’hui, on parlerait de fides quae, et non de fides qua, des choses qu’on doit croire, et non de l’acte personnel de croire.

Croire en un Dieu né dans une étable et mort sur une croix ! C’est beaucoup plus exigeant que de croire en un Dieu lointain que chacun peut dépeindre à sa guise.

Ce premier acte de foi, précisément parce qu’il a lieu dans le cœur, est un acte « singulier », que l’on ne peut faire que tout seul, dans une totale solitude avec Dieu. Dans l’évangile de Jean, nous entendons Jésus poser sans cesse la question : « Crois-tu ? » (Jn 9, 35 ; Jn 11, 26) ; et chaque fois, cette question suscite dans le cœur le cri de la foi : « Je crois Seigneur ! » Le symbole de la foi de l’Église commence également ainsi, au singulier : « Je crois », et non « Nous croyons ».

Nous devons accepter nous aussi de passer par ce moment, de subir cet examen. Si à la question de Jésus : « Crois-tu ? », on répond tout de suite, sans même y penser, « Bien sûr que je crois » et qu’on trouve même étrange que cette question soit posée à un croyant, un prêtre ou un évêque, cela signifie probablement qu’on n’a pas encore découvert ce que signifie réellement croire, qu’on n’a jamais éprouvé le grand vertige de la raison qui précède l’acte de foi. La divinité du Christ est le plus haut sommet — l’Everest — de la foi. Croire en un Dieu né dans une étable et mort sur une croix ! C’est beaucoup plus exigeant que de croire en un Dieu lointain que chacun peut dépeindre à sa guise.




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Il faut commencer par détruire en nous, croyants, et en nous, hommes d’Église, la fausse croyance que nous sommes en place sur le plan de la foi et qu’il nous faut encore travailler à la charité. Qui sait si ce ne serait pas une bonne chose, pour un temps, de ne pas vouloir prouver quoi que ce soit à qui que ce soit, mais d’intérioriser la foi, de retrouver ses racines dans notre cœur ! Nous devons recréer les conditions d’une reprise de la foi en la divinité du Christ. Reproduire l’élan de foi qui a donné naissance au dogme de Nicée. Le corps de l’Église a produit autrefois un effort suprême, par lequel il s’est élevé dans la foi au-dessus de tous les systèmes humains et de toutes les résistances de la raison. La marée de la foi a atteint un jour un niveau maximum et il en est resté le signe sur le rocher. Mais il faut cependant que le soulèvement se reproduise, le signe ne suffit pas. Il ne suffit pas de répéter le Credo de Nicée, il faut renouveler l’élan de foi que l’on avait alors dans la divinité du Christ et dont il n’y a pas eu d’égal au cours des siècles.

L’on devrait avant tout s’assurer d’une chose, que ceux qui enseignent la théologie aux futurs ministres de l’Évangile croient fermement en la divinité du Christ.

La pratique de l’Église (et pas seulement de l’Église catholique !) prévoit une profession de foi de la part du candidat, avant de recevoir le mandat d’enseigner la théologie. Cette profession de foi a souvent comporté, outre la récitation du Credo, l’engagement d’enseigner certaines choses précises — et de ne pas en enseigner d’autres tout aussi précises — qui, à ce moment de l’Histoire, étaient des questions particulièrement sensibles. On pense au serment antimoderniste.

Il me semble que l’on devrait avant tout s’assurer d’une chose, que ceux qui enseignent la théologie aux futurs ministres de l’Évangile croient fermement en la divinité du Christ. Pour s’en assurer par un discernement franc et fraternel, mieux qu’avec un serment. Après le Concile, il y a eu toute une génération de prêtres (certainement pas à cause du Concile !) qui ont fini le séminaire et se sont présentés à l’ordination avec des idées très confuses et floues sur le Jésus qu’ils devaient annoncer au peuple et rendre présent sur l’autel lors de la messe. De nombreuses crises sacerdotales, j’en suis convaincu, ont commencé et continuent à partir d’ici.

Œcuménisme et évangélisation

Ce que nous venons de mettre en évidence a des conséquences importantes également pour l’œcuménisme chrétien. Il y a en fait deux œcuménismes possibles, celui de la foi et celui de l’incroyance ; celui qui réunit tous ceux qui croient que Jésus est le Fils de Dieu et que Dieu est Père, Fils et Saint-Esprit, et celui qui réunit tous ceux qui se limitent à « interpréter » (chacun à sa manière et selon son propre système philosophique) ces choses. Un œcuménisme dans lequel, à la limite, tous croient les mêmes choses car personne ne croit plus vraiment à rien, au sens fort du terme « croire ».

La distinction fondamentale des esprits, dans la sphère de la foi, n’est pas celle qui distingue entre eux catholiques, orthodoxes et protestants, mais celle qui distingue ceux qui croient au Christ Fils de Dieu, et ceux qui n’y croient pas ; selon saint Paul, « tous ceux qui, en tout lieu, invoquent le nom de notre Seigneur Jésus Christ, leur Seigneur et le nôtre » (1 Co 1, 2) et ceux qui ne l’invoquent pas. Une unité nouvelle et invisible est en train de se former, qui passe par les différentes Églises. Cette unité invisible et spirituelle a un besoin vital, à son tour, du discernement de la théologie et du magistère, afin de ne pas tomber dans le danger du fondamentalisme ou dans la vaine présomption de pouvoir former une sorte d’Église transversale, en dehors des Églises existantes et en particulier de l’Église catholique. Mais une fois qu’on voit cette tentation et qu’on la surmonte, c’est un fait que l’on ne peut plus se permettre d’ignorer.


yves congar

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Le véritable « œcuménisme spirituel » ne consiste pas seulement à prier pour l’unité des chrétiens, mais à partager la même expérience de l’Esprit saint. Il s’agit de ce qu’Augustin appelle la societas sanctorumla communion des saints — qui parfois, douloureusement, peut ne pas coïncider avec la communio sacramentorum, c’est-à-dire avec le partage des mêmes signes sacramentels.

La foi en la divinité est importante avant tout en vue de l’évangélisation. Il existe des bâtiments ou des structures métalliques fabriqués de telle sorte que si l’on touche un certain point ou si l’on soulève une certaine pierre, tout s’effondre. Telle est la construction de la foi chrétienne, et la « pierre angulaire » qui est la sienne est la divinité du Christ. Si on l’enlève, tout s’écroule et s’effondre, à commencer par la foi en la Trinité. De qui la Trinité est-elle formée si le Christ n’est pas Dieu ? Ce n’est pas pour rien, dès qu’on met la divinité du Christ entre parenthèses, que l’on offre le même sort à la Trinité.

Saint Augustin disait : « C’est peu de croire que le Christ est mort : les païens, les Juifs, les impies le croient aussi. Tous croient qu’il est mort ; la foi chrétienne consiste à croire en sa résurrection ». Et il concluait : « Telle est la foi en la résurrection du Christ ». On doit dire la même chose de l’humanité et de la divinité du Christ, dont la mort et la résurrection sont les manifestations respectives. Tous croient que Jésus est un homme ; ce qui fait la différence entre croyants et non-croyants, c’est de croire qu’il est aussi Dieu. La foi des chrétiens est la divinité du Christ !

« Connaître le Christ, c’est reconnaître ses bienfaits »

« Connaître le Christ, c’est reconnaître ses bienfaits », avons-nous entendu. Nous terminons précisément en rappelant deux de ces bienfaits qui sont les plus à même de répondre aux besoins profonds de l’homme d’aujourd’hui et de toujours, le besoin de sens et le besoin de vie.

Il n’est pas vrai que l’homme moderne a cessé de se poser la question du sens de la vie. Il y a quelques années, un intellectuel bien connu écrivait : « La religion va mourir. Ce n’est pas un souhait, encore moins une prophétie. C’est déjà un fait qui attend son achèvement… Une fois passées notre génération et peut-être celle de nos enfants, personne ne considérera plus la nécessité de donner un sens à la vie comme un problème vraiment fondamental […] La technique a conduit la religion à son crépuscule ». Certes, ceux qui se sont donné d’autres sens ne s’interrogent pas sur le sens ultime de la vie… Mais lorsque ceux-ci, l’un après l’autre, disparaissent — jeunesse, santé, gloire — beaucoup se posent de nouveau la question. Ils se la posent encore plus en cette période de pandémie où, souvent enfermés à la maison, hommes et femmes ont enfin eu le temps de réfléchir et de se remettre en question.


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Il existe une peinture, parmi les plus célèbres de l’art moderne, qui représente visuellement où mène la conviction que la vie n’a pas de sens. Sur un fond rougeâtre qui inspire l’angoisse, un homme traverse un pont en courant et dépasse deux individus qui semblent inconscients et indifférents à tout ; il a les yeux écarquillés ; les mains autour de la bouche, il émet un cri et on comprend que c’est un cri de désespoir. Jésus a dit : « Moi, je suis la lumière du monde. Celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres » (Jn 8, 12). Celui qui croit au Christ a la possibilité de résister à la grande tentation du non-sens de la vie qui conduit souvent au suicide. Qui croit au Christ ne marche pas dans les ténèbres ; il sait d’où il vient, il sait où il va et ce qu’il doit faire en attendant. Il sait surtout qu’il est aimé par quelqu’un et que cette personne a donné sa vie pour le lui prouver !

Jésus a également dit : « Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra » (Jn 11, 25). Et l’évangéliste écrira plus tard aux chrétiens : « Je vous ai écrit cela pour que vous sachiez que vous avez la vie éternelle, vous qui mettez votre foi dans le nom du Fils de Dieu. […] C’est lui qui est le Dieu vrai, et la vie éternelle ». (Jn 11, 25) C’est précisément parce que le Christ est le « vrai Dieu » qu’il est aussi « la vie éternelle » et qu’il donne la vie éternelle. Cela n’efface pas nécessairement notre peur de la mort, mais donne au croyant l’assurance que notre vie ne s’arrête pas avec elle.

On y repense en partie lorsque, le dimanche, on proclame le deuxième article du Credo :

Je crois en un seul Seigneur, Jésus-Christ
le Fils unique de Dieu,
né du Père avant tous les siècles
Il est Dieu, né de Dieu,
Lumière, né de la Lumière,
vrai Dieu, né du vrai Dieu,
engendré, non pas créé,
de même nature que le Père,
et par Lui tout a été fait.


PADRE RANIERO CANTALAMESSA

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