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Mai 1921, la France et le Saint-Siège se réconcilient après 17 ans de brouille

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Leemage via AFP

L'ambassadeur de France auprès du Saint-Siège, Charles Jonnart, présente au pape Benoit XV ses lettres de créance.

Hugues Lefèvre - publié le 28/05/21

Il y a tout juste 100 ans, le 28 mai 1921, Charles Jonnart, nommé quelques jours auparavant ambassadeur de France près le Saint-Siège, présentait ses lettres de créance au pape Benoît XV. Une première depuis 1904, année où les deux États rompaient brutalement leurs relations diplomatiques après l’adoption d’une série de lois par la IIIe République. Récit d’une réconciliation.

Depuis la fin de la Première Guerre mondiale, la France est bien décidée à rétablir ses relations avec le Saint-Siège, rompues brutalement en 1904. Mais l’opération n’est pas simple. Deux diplomates français, vont habilement œuvrer pour y parvenir. En 1920, le président du Conseil, Alexandre Millerand, sonde le terrain en échangeant quelques dépêches diplomatiques avec Rome. Désireux d’avancer rapidement vers un rapprochement, il choisit Jean Doulcet, diplomate d’expérience, pour initier les premières négociations. Cette nomination est considérée comme un geste en direction des catholiques, « un signe de bon augure », confirme Martin Dumont, secrétaire général de l’Institut de recherche pour l’étude des religions de la faculté des lettres de Sorbonne-Université. « Doulcet est un catholique pratiquant qui ne cache pas sa foi. Il connaît très bien les milieux ecclésiastiques. Et c’est aussi un diplomate expérimenté, passé par Lisbonne ou bien Petrograd durant la Première guerre mondiale. Lorsqu’il est choisi pour cette mission à Rome, il exerce en tant que ministre plénipotentiaire en Norvège », détaille l’historien. 

Serviteur de l’Etat et de la Troisième République – il suivra strictement les directives du gouvernement durant la phase des négociations -, Jean Doulcet saura toutefois ménager les susceptibilités et entretiendra de bonnes relations avec le secrétaire d’Etat du Saint-Siège de l’époque, le cardinal Pietro Gasparri.  À son arrivée à Rome, en mars 1920, le diplomate français choisit subtilement de ne pas loger à l’ambassade de France en Italie – la papauté qui ne reconnaît pas encore le Royaume d’Italie aurait pu en être froissée, et Camille Barrère, l’ambassadeur de France près l’Italie, est alors considéré comme hostile à une reprise des relations diplomatiques. Il pose donc ses valises à Saint-Louis des Français,  l’une des églises nationales de la France à Rome, où l’attend Mgr Auguste Boudinhon, recteur favorable à un rapprochement entre la France et le Saint-Siège.

Dès les premiers jours, Jean Doulcet s’active. L’un de ses premiers dossiers sera l’organisation d’une visite officielle du Président de la République Paul Deschanel à Rome. A son agenda également : la question de l’application du Traité de Versailles – la France souhaiterait que la papauté pousse les catholiques allemands à accepter certaines conditions -, la question du protectorat français au Moyen-Orient ou bien encore celle des nominations épiscopales. Avec le Saint-Siège, les choses avancent bien malgré un accrochage survenu en septembre 1920 et la nomination par Benoît XV du cardinal Dubois à l’archevêché de Paris. « Il y a eu en fait un quiproquo puisque le cardinal Gasparri pensait que cette nomination serait agréable au gouvernement français mais cela n’a pas été perçu ainsi », explique Martin Dumont. Jean Doulcet réussit alors à remettre de l’huile dans les rouages diplomatiques et les choses s’arrangeront. C’est ainsi que, « pour le remercier de son travail discret mais efficace, il recevra des mains du cardinal Gasparri les insignes de Grand Croix de l’ordre de Saint Grégoire le Grand en juin 1921 », précise encore l’historien.

Le 30 novembre 1920, le Parlement français vote les crédits nécessaires à la réouverture de l’ambassade près le Saint-Siège. C’est alors qu’un deuxième artisan du rétablissement des relations est nommé par la France en la personne de Charles Jonnart. Parlementaire originaire du Pas-de-Calais, il est un républicain convaincu mais pas un anticlérical. Au contraire, dès la fin du XIXe siècle, il plaidait pour l’apaisement dans le conflit entre l’État français et l’Église après le vote d’un premier train de lois laïques. C’est donc lui qui est désigné pour présenter en mai 1921 ses lettres de créances au pape Benoît XV ; une première depuis 1904. Si les relations sont officiellement rétablies – un nonce, Mgr Cerretti, arrive également à Paris en août suivant –, il reste encore à la France et au Saint-Siège à trouver un terrain d’entente sur ce qui les avait autrefois déchirés : la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat. 

Surmonter les difficultés liées à loi de 1905 

« Les lois sur la laïcité étaient surnommées par les républicains les “lois intangibles”. Dès lors, un problème épineux se posait pour le Vatican », confie l’historien Jean Vavasseur-Desperriers, auteur notamment d’une biographie de Charles Jonnart. Pour Benoît XV, il paraissait difficile de désavouer formellement Pie X qui s’était vigoureusement opposé à ces lois laïques par trois encycliques.  Il s’est donc agi, par un habile jeu diplomatique, de s’entendre en adoptant une lecture libérale de ces lois afin que l’activité de l’Eglise catholique en France ne soit pas “entravée” par l’Etat tout en faisant en sorte qu’elle se situe bien dans le cadre de la loi de 1905. 

Afin de parvenir à tel compromis, il est alors décidé de travailler à un statut d’association – comme le stipule la loi -, en prenant le diocèse de Nice comme cas d’école. Il devait servir de modèle aux autres diocèses. Mgr Henri Chapon, évêque de Nice, se plonge dans la rédaction en se conformant au maximum à l’esprit de la loi de 1905 mais sans jamais s’y référer explicitement. La version de ces statuts fait un nombre très important d’allers-retours entre la France et Rome. « L’une des pierres d’achoppement était la définition des pouvoirs de l’évêque dans l’association. Dans la version finale de 1923, ceux-ci sont garantis », explique Jean Vavasseur-Desperriers. 

C’est ainsi que Pie XI, arrivé sur le trône de Pierre en 1922, fera savoir à Charles Jonnart sa satisfaction concernant le projet d’associations diocésaines. Après beaucoup d’hésitations, le nouveau pontife italien décidera de promulguer en 1924 l’encyclique Maximam Gravissimamque. Il y recommandera vivement aux catholiques français de former des associations diocésaines sur le modèle de Nice.  Les choses étaient réglées. Enfin.

Tags:
diplomatieFranceHistoireVatican
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