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Face aux pollueurs, des nettoyeurs contagieux ?

fôret environnement

© ROMAIN LAFABREGUE / AFP

Tugdual Derville - publié le 18/11/21

Tous les jeudis, Tugdual Derville décrypte les grands enjeux de société à la lumière de Laudato Si’. Il salue cette semaine la multiplication des initiatives de nettoyage de la nature qui peuvent paraître dérisoires mais qui sont prophétiques car elles manifestent notre dignité.

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« Laissons cet endroit plus propre en sortant que nous l’avons trouvé en arrivant ! » Telle pourrait être la généreuse maxime des « nettoyeurs » qui se mobilisent contre les multiples pollutions. L’un d’entre-deux, Gaspard Forest, est mort brutalement le 23 octobre 2021 à l’âge de 34 ans. Après avoir perdu son travail, à cause d’un accident, le jeune Isérois s’était mué en nettoyeur bénévole des cours d’eau du côté de Grenoble. En déposant sur les rives les monceaux de déchets qu’il y trouvait, pour dénoncer cette pollution, il avait su transformer son geste personnel de bienfaisance en démarche métapolitique tenace. 

À l’occasion des dernières élections municipales, des candidats de multiples sensibilités s’étaient engagés dans sa région sur son « Pacte dépollution rivière ». Gaspard Forest laisse en héritage une petite phrase à méditer par les défaitistes de tout poil : « S’ils ne le font pas, je le ferai ! » Avec la volonté affichée que ce genre d’action aiguillonne les décideurs.

« Randonnez, ramassez ! »

Même intention de réparer les dégâts d’autrui dans une autre zone à protéger : les célèbres calanques entre Cassis et Marseille. Cette fois, c’est un groupe d’amis qui a créé, en 2017, l’association Clean my Calanques. Elle recrute des volontaires pour des randonnées de nettoyage qui bénéficient de partenariats avec des entreprises de recyclage. Grâce à un logiciel adapté, la géolocalisation des déchets permet d’optimiser l’efficacité de ces démarches. Selon l’association, qui réalise aussi des ateliers à visée éducative, 39 sorties ont déjà permis de ramasser plus de 30 tonnes de déchets en quatre ans. Un autre genre de randonnée a lieu dans la même région, sous l’eau cette fois, avec palmes, masques et bouteilles : les clubs de plongée sous-marine nettoient régulièrement les fonds des déchets qui s’y accumulent. Salutaire, la démarche est intéressée, car ces plongeurs sont les premiers à subir l’enlaidissement des écosystèmes par les détritus. On s’engage naturellement pour ce qu’on aime.

À l’ère où le citoyen tend à tout attendre de la puissance publique, les nettoyeurs sont-ils de réjouissants précurseurs d’une société où chacun prendra sa part des tâches communes, en sortant du donnant-donnant étriqué ?

À l’ère où le citoyen tend à tout attendre de la puissance publique, les nettoyeurs sont-ils de réjouissants précurseurs d’une société où chacun prendra sa part des tâches communes, en sortant du donnant-donnant étriqué ? Ne le faisait-on pas plus naturellement autrefois ? Ce type d’action bénévole n’exclut ni la bénédiction des autorités publiques, ni la participation des entreprises. D’ailleurs, les vendeurs de matériel sportif ne sont pas en reste : campagnes de communication publicitaires à l’appui, ils lancent des opérations d’« éco-rando ». Un jour printanier de ramassage massif est porté par le slogan « Randonnez, ramassez », avec incitation à publier les « trésors » ainsi récoltés sur les réseaux sociaux.

Décider et agir ensemble

Effet de mode ? L’Hexagone fourmille d’initiatives associatives dans le même sens, à la campagne, mais aussi en zone urbaine. Depuis 2018, soutenus par le célèbre duo de Youtubers McFly & Carlito et d’autres « people », se sont développées dans plusieurs villes les marches urbaines de l’association « Clean Walker ». Il ne s’agit certes pas de dépolluer nos labels de la langue anglaise, mais de marcher ensemble, sac à la main, sur des circuits prédéterminés, pour ramasser tout ce qui traîne avant d’exhiber ses trouvailles sur les réseaux sociaux, afin d’être vu et surtout faire des émules.

Malgré le coup de frein causé par la pandémie et les tentatives de récupération commerciales ou politiques de ces démarches citoyennes (le père de Gaspard Forest a protesté contre l’hommage rendu par le maire de Grenoble à son fils), toutes manifestent la volonté de nombreux citoyens de prendre leur destin en main et de s’organiser ensemble, plutôt que de subir. Le ramassage des déchets est le type même d’action positive qui nécessite de s’y mettre à plusieurs sur un territoire précis, si l’on veut éviter le découragement devant l’ampleur de la tâche. Certains ramasseurs trouvent même dans ces chasses une excitation qui ressemble à celle des cueilleurs de champignons, sans plaisir gustatif… ni risque d’empoisonnement. 

Et si l’état d’esprit des nettoyeurs était contagieux ? On peut bien taxer leur démarche de loisirs de riches, ou du moins d’habitants de pays opulents, quand on sait à quel point, dans de nombreux pays pauvres, on jette souvent ses déchets de toutes natures en pleine… nature ! Par la fenêtre, au bord de la route, dans les rivières ou à la mer, sans une once de conscience des conséquences désastreuses de ce genre de pratique.

Et la pollution spatiale ?

Mais pendant ce temps-là, loin au-dessus des quelques fourmis qui s’acharnent à nettoyer leur planète, dix mille tonnes de déchets tournent. Et les milliardaires de l’exploitation commerciale de l’Espace — bien commun de l’humanité — comptent en ajouter beaucoup. Chacun de leur voyage, qu’il soit ou pas d’agrément, vomit des tonnes de CO2 : 4,5 par passager pour les véhicules spatiaux de Virgin galactic, selon certains scientifiques, sans compter les suies issues de la combustion. Richard Branson, Jeff Besos et Elon Musc rivalisent : les deux premiers se sont eux-mêmes « envoyés en l’air » cette année, avec l’idée d’entraîner dans leur orbite des milliers de riches touristes. Branson parle de 400 vols par an ! Quant au troisième, il affiche l’ambition de faire tourner 42.000 satellites d’ici cinq ans ! 

Ramasser ensemble des morceaux de plastique jetés à terre pendant que quelques-uns semblent jouer à polluer l’atmosphère n’a pourtant rien de dérisoire. C’est un acte prophétique qui manifeste notre dignité. 

Constatant le risque d’abîmer notre ciel de façon irrémédiable, l’appel « Net Zero Space » tire la sonnette d’alarme. Soutenu notamment par le CNES et Arianespace, ses auteurs notent que « si les activités spatiales continuent de se développer à ce rythme sans actions claires, l’humanité risque d’obstruer définitivement la voie de l’ultime frontière ». L’alerte est un pied de nez aux milliardaires qui estiment que l’humanité devra déménager de la terre pour en faire une réserve de biodiversité… Mais des États donnent aussi des exemples d’irresponsabilité. La destruction surprise, par un missile russe, d’un satellite obsolète, Cosmos 1408, en pulvérisant dans l’espace des milliers de nouveaux débris, vient de relancer le débat sur la pollution spatiale.

Ramasser ensemble des morceaux de plastique jetés à terre pendant que quelques-uns semblent jouer à polluer l’atmosphère n’a pourtant rien de dérisoire. C’est un acte prophétique qui manifeste notre dignité. Certes, cela ne suffira pas. Et, comme souvent, la technique exige davantage de technique : pour dépolluer le ciel, on prévoit déjà le lancement de satellites nettoyeurs, équipés de filets spéciaux et de dispositifs « d’adhérence sèche » qu’impose le vide sidéral. On les imagine munis de microfilaments de silicium, inspirés des doigts extraordinairement adhésifs d’une famille de lézards : les geckos. La science est toujours tributaire de Dame nature. Mais la responsabilité de dépolluer n’appartient qu’à l’humanité.

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