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Lérins, des vignes bercées par le chant des moines

MONK WINE

Patrice THEBAULT I CIRIC

Moine cistercien lors des vendanges, Abbaye Saint-Honorat, îles de Lérins.

Marc Paitier - publié le 07/12/21

Bâtisseurs de la civilisation du vin, les moines et moniales n’ont eu de cesse, au fil des siècles, de travailler la vigne pour la gloire du Seigneur. Tout au long de la semaine, le général Marc Paitier nous invite à remonter le temps afin de comprendre l’évolution de la viticulture monastique et la manière dont elle s’incarne encore aujourd’hui dans certains monastères et abbayes de France. Découvrez aujourd’hui l’abbaye de Lérins. (2/6)

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Le site de Lérins est enchanteur, une oasis de paix et de sérénité où les pins d’Alep et les eucalyptus exhalent leur parfum captivant. L’abbaye, fondée par saint Honorat sur la plus petite des deux îles de l’archipel, connaît un rapide développement dès les premières décennies de son existence. Jean Cassien, le fondateur de l’abbaye Saint Victor de Marseille la qualifie dès 427, « d’immense monastère ». Son rayonnement sera considérable, diffusé par de grandes figures de saints : saint Maxime, saint Hilaire, Saint Vincent de Lérins, etc. Saint Patrick y séjourna avant d’aller évangéliser l’Irlande. Les nombreux évêques issus de Lérins contribuèrent à christianiser la Provence. Au début du XIe siècle, l’abbaye devient clunisienne. Elle connaitra bien des épreuves : invasions sarrasines, pillages par des pirates génois, etc. Pour y faire face, l’abbaye se fortifie. Les travaux ne cesseront pas entre le XIe et le XIVe siècle. On peut encore admirer la « tour refuge » qui devint au fil du temps un véritable monastère fortifié. En 1788, faute de moines, l’abbaye est fermée. 

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Abbaye de Lérins (Alpes-Maritimes).

À la Révolution, l’île est déclarée bien national, puis vendue à une riche actrice qui transformera les bâtiments monastiques en salon de réceptions mondaines. En 1859, l’évêque de Fréjus rachète l’île et y installent des moines cisterciens venus de l’abbaye de Sénanque. En 1903, lors du pitoyable épisode de l’expulsion des congrégations, Lérins fut l’un des rares établissements autorisés à continuer de fonctionner. Aujourd’hui, l’abbaye compte une vingtaine de moines sous l’autorité de son abbé, le père Vladimir Gaudrat.

Une maîtrise de l’ensemble du processus

L’origine du vignoble remonte vraisemblablement à la fondation de l’abbaye. Il se développa pour atteindre son apogée aux XIIe et XIIIe siècles. Il subit comme partout les fléaux qui ont marqué l’histoire. À la fin des années 1980, il restait un vignoble résiduel d’un hectare et demi quand la communauté décida de l’étendre et de relancer l’activité viticole avec un projet ambitieux qui en fasse la première source de revenus de l’établissement. L’abbaye de Lérins possède non seulement ses vignes mais ses propres installations avec pressoir, cuverie et chai d’élevage. Elle maitrise seule tout le processus jusqu’à la mise sur le marché. 

Les moines se sont attaché le concours d’experts : un œnologue conseil, le Genevois, Jean-Michel Novelle et un maître de culture, Alain Valles. Le frère Marie Pâques qui fut pendant 25 ans le cellérier de l’abbaye Lérins a été l’âme du projet et le moteur de sa mise en œuvre avec une générosité et un enthousiasme qui n’excluent pas une redoutable efficacité commerciale. Un laïc, Samuel Bouton, lui a succédé comme directeur commercial.

Un micro terroir unique doté d’un caractère exceptionnel.

Situé dans la partie centrale de l’île, le vignoble s’étend aujourd’hui sur 8 hectares. Il bénéficie d’un sous-sol constitué de roches sédimentaires, calcaire et dolomite, minéral riche en calcium et magnésium. Il est recouvert d’une épaisse couche de limon argileux rouge favorable à l’élaboration de vins bien structurés. La chaleur est tempérée par l’influence maritime et la fraicheur délivrée par les embruns marins qui assurent un taux d’humidité constant tout au long de l’année. En période de sécheresse, l’île reste toujours verte grâce à une source abondante qui alimente la nappe phréatique. Les chênes verts, les cyprès, les micocouliers, les palmiers et les oliviers plus que centenaires forment un écrin protecteur au plus près des vignes. Entre ciel et mer, la lumière de l’île non seulement favorise la photosynthèse mais porte toutes les énergies dont ce site préservé est le réceptacle. 

Les vignes jouxtent l’abbaye comme une garde rapprochée. Tous les jours que le Bon Dieu fait, elles sont bercées par le chant des moines des matines jusqu’aux complies. Après complies, quand tout s’apaise, elles se reposent comme les moines, dans le silence de la nuit. La conjonction de tous ces éléments crée un micro terroir unique doté d’un caractère exceptionnel. C’est la raison pour laquelle, les moines de Lérins n’ont pas choisi d’élaborer un « petit rosé de Provence » mais des vins ambitieux à partir de cépages adaptés au sol et au climat de l’île. En poussant plus loin la connaissance de leur vignoble, de sa nature et de ses nuances, ils ont fait le choix d’une viticulture parcellaire. Ils pratiquent une culture biologique, sans herbicide, en prodiguant des soins attentifs à la vigne, conscients que le bon vin se fait avec de beaux et sains raisins. 

Le chardonnay est cultivé sur les sols argilo-calcaires les plus profonds du centre de l’île. On peut s’étonner de le trouver là mais on connait les capacités d’adaptation de ce cépage international. Il est à l’origine de la cuvée Saint-Césaire élevée en fûts de chêne, un vin opulent, équilibré par une belle acidité sur des arômes de fleurs et d’agrumes confits et de la cuvée Saint Ombeline plus complexe, raffinée et délicate avec des notes d’amandes grillées. Le viognier, cépage subtil d’origine rhodanienne est vinifié pour produire une cuvée confidentielle baptisée Saint-Cyprien, alliant le gras et la vivacité sur des arômes d’abricot sec et des notes épicées. La cuvée Saint Pierre est le résultat d’un assemblage de clairette (dominant) et de chardonnay, cultivés sur un sol caillouteux, qui produisent un vin élégant exprimant la pêche, l’abricot et le miel. 

En rouge, le cépage syrah sert à l’élaboration de deux cuvées Saint Honorat et Saint Sauveur. Cette dernière est produite à partir de vieilles vignes de 80 ans. Elle est puissante et veloutée avec une grande complexité aromatique (cassis et cerise très mûrs, chocolat, épices, violette, notes toastées). La cuvée issue du cépage mourvèdre porte le nom de Saint Lambert. Elle est la préférée de l’auteur de ces lignes. Le mourvèdre est un cépage difficile qui aime avoir la tête au soleil et les pieds dans l’eau pour s’exprimer. Il ne peut pas trouver de plus belles conditions ailleurs que sur l’île de Saint Honorat pour satisfaire ses exigences. Il offre une texture soyeuse unique, une bouche riche et irrésistible exprimant les fruits noirs, le cuir sur des notes poivrées caractéristiques du cépage. Cette cuvée tutoie les anges se situant au niveau des plus grands vins de Bandol. 

Avec la cuvée Saint Salonius, Lérins innove puisqu’elle est élaborée avec le cépage bourguignon pinot noir. Un vin « hérétique » qui s’éloigne du profil connu de ce cépage. Il est très coloré et quelque peu confit. Le clos de la Charité créé en 2010 est une toute petite parcelle de 500 pieds de mourvèdre. Chaque plant est parrainé et le produit est vendu annuellement aux enchères au profit exclusif d’associations caritatives. Le vin au service des plus pauvres dans l’esprit cistercien de Saint Bernard et des grands abbés de Cluny. Lérins est ainsi fidèle à son double héritage.

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