Russie et États-Unis ne cessent de faire croître les tensions en Ukraine. Chaque pays maîtrise sa communication, sa diplomatie et son discours pour tenter de gagner la guerre sans la faire. Pour notre chroniqueur, rédacteur en chef de la revue « Conflits », les deux parties ont atteint aujourd’hui leurs principaux objectifs.
Nul besoin de faire une guerre ouverte pour la gagner. La dissuasion, l’intoxication informationnelle, le bluff et les épreuves de force peuvent permettre de gagner une guerre, à condition que l’adversaire soit convaincu que l’autre puisse réellement intervenir. L’affrontement en Ukraine démontre une nouvelle fois la loi de la guerre : l’armée est au service du politique. Une guerre est gagnée quand les objectifs politiques sont atteints ; l’armée est un moyen pour atteindre les objectifs politiques fixés.
Que voulaient les Russes ? D’une part, empêcher que l’Ukraine intègre l’OTAN, ce que les Américains avaient promis en 1991, mais ce qu’ils semblaient vouloir remettre en cause. Ils voulaient aussi clore définitivement le chapitre Crimée ouvert en 2014 en faisant en sorte que la communauté internationale ne remette pas en cause l’annexion de la presqu’île. Enfin, il s’agissait de garantir l’autonomie des républiques de Donetsk et de Lougansk, ce Donbass qui a fait sécession de l’Ukraine depuis 2014 et qui est depuis en conflit militaire avec Kiev. Tous ces objectifs sont atteints. En envoyant ses troupes au Donbass, Moscou est perçu comme un libérateur par ces populations russes qui connaissent une guerre de tranchées depuis huit ans. L’indépendance qui existait de fait depuis 2014 est désormais officiellement reconnue par la Russie, à défaut du reste de la communauté internationale.