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Ukraine : le plus difficile, gagner la paix et penser l’Europe

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Foreign Ministry of Belarus / Ha / ANADOLU AGENCY / Anadolu Agency via AFP

Pourparlers entre délégations russe et ukrainienne en Biélorussie (dans la région de Gomel), 28 février 2022.

Jean-Baptiste Noé - publié le 03/03/22

Après l’attaque surprise de Moscou, la progression des troupes russes en Ukraine et le début des négociations, vient le plus difficile : gagner la paix. Pour le géopoliticien Jean-Baptiste Noé, l’objectif est double : stabiliser la région et éviter une nouvelle guerre. Un défi pour l’Europe.

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Après l’attaque surprise au petit matin du 24 février, l’armée russe a pris le contrôle des grands axes de l’Ukraine. Certes, les armées de Moscou ne sont pas entrées dans Kiev, mais la guerre urbaine est toujours chose extrêmement difficile. Pour la Russie, il était plus prudent de contraindre le plus rapidement possible le gouvernement ukrainien à la négociation. Les demandes de pourparlers de paix ont été émises dès samedi 26 et les négociations ont commencé lundi 28. Nul ne connaissant les objectifs russes, il est impossible de savoir si la Russie les a atteints ou non et notamment si la prise de Kiev constitue un objectif. Mais désormais que s’ouvre le temps des négociations, même si les combats se poursuivent, l’essentiel reste à faire, à savoir gagner la paix. 

Dépasser les accords de Minsk

Après les événements de 2014, Ukraine et Russie ont négocié les accords de Minsk I (septembre 2014) puis Minsk II (février 2015) auxquels ont participé la France et l’Allemagne. Ces accords prévoyaient notamment l’autonomie des régions séparatistes du Donbass et des échanges de prisonniers. Depuis 2015, ils n’ont jamais été appliqués dans leur intégralité. Ni Berlin ni Paris n’ont pu, ou n’ont voulu appliquer ces accords. Ce sera donc l’un des enjeux majeurs des négociations à venir : s’assurer que l’accord obtenu soit réellement appliqué ; la Russie voudra des garanties affermies sur ce point. 

Nul ne sait encore ce que veut la Russie ni quels sont ses buts de guerre. Occuper une partie de l’Ukraine ? Changer le gouvernement ? S’assurer que le pays soit neutre et n’intègre pas l’OTAN ? Faire appliquer les accords de Minsk ? Tant que les buts de guerre de Moscou ne sont pas connus, il n’est ni possible de négocier ni possible de dire si la Russie a ou non réussi. Quoi qu’il en soit, la grande question de l’après conflit sera la reconstruction de l’Europe. 

Rebâtir l’Europe

On a trop entendu que la guerre en Ukraine était le premier conflit sur le sol européen depuis 1945. C’est oublier que la guerre a commencé en 2014, dans le Donbass, et qu’elle dure avec une intensité plus ou moins grande depuis. C’est oublier la guerre en Yougoslavie, débutée en 1992 et qui a duré jusqu’aux années 2010. C’est oublier aussi les guerres menées par les pays d’Europe sur des parties de leur territoire situé en dehors de l’Europe : Malouines (1982), Indochine et Algérie. Et sans aller si loin, la guerre en Syrie et celle de Libye, qui furent aux portes de l’Europe. Voilà le drame : depuis la chute de l’URSS, l’Europe n’a cessé de connaître des guerres, mais elle n’a pas voulu le voir. Les États ont réduit leur budget militaire, si bien que seule la France dispose aujourd’hui d’une armée de classe mondiale.

Une armée ne se bâtit pas seulement avec un budget, mais aussi avec un « esprit de défense », terreau culturel subtil qu’il est long à mettre en place et difficile à entretenir.

Or une armée ne se bâtit pas seulement avec un budget, mais aussi avec un « esprit de défense », terreau culturel subtil qu’il est long à mettre en place et difficile à entretenir. Si la France dispose d’une armée de qualité, c’est parce qu’elle a des écoles qui forment ses officiers comme ses soldats du rang, qu’elle a une culture militaire, des familles ancrées dans la chose de la guerre et que l’armée, étant bien vue dans l’opinion, peut susciter des vocations pour l’ensemble des métiers qu’elle propose. Cet esprit de défense ne se construit pas en quelques années et ne se bâtit pas uniquement avec de l’argent. Raison pour laquelle nombreux sont les pays d’Europe à avoir délégué leur défense à l’OTAN.

La résurrection de l’OTAN

Décrétée en « mort cérébrale » par le président Macron, l’OTAN a été ressuscitée par Vladimir Poutine et sa guerre en Ukraine. La chimérique idée d’une armée européenne, agitée depuis les années 1950, a trouvé son accomplissement dans l’Alliance atlantique qui satisfait la plupart des Européens. Moyennant le paiement d’une contribution, ils délèguent aux États-Unis le soin de former des militaires, d’entretenir une armée et de les protéger. Si l’OTAN a perduré après 1991, c’est parce que les Européens l’ont voulu, tant cette organisation avait pour eux de nombreux avantages. Elle leur permettait notamment de déléguer à un autre le soin de les protéger, leur faisant croire à la douce illusion de la sortie de l’histoire et de la fin du tragique. 

Bon nombre de pays d’Europe ont toujours vécu au sein d’un empire plus grand, leur indépendance étant chose récente. Le rôle d’un empire est de laisser une autonomie intérieure aux régions membres, mais d’assurer la protection contre des attaques extérieures. C’est ce rôle-là que joue l’OTAN. Les guerres menées par l’Alliance atlantique en Irak ou en Libye paraissaient incongrues quant aux finalités de cette alliance. L’invasion de l’Ukraine lui a redonné tout son sens. Nul ne peut encore prévoir comment se terminera cette guerre, mais ce n’est pas le moindre des paradoxes que cherchant à combattre l’arrivée de l’OTAN à ses portes, Poutine ait redonné sens et vitalité à une alliance moribonde. Quant à l’Europe, elle a montré un imprévu visage d’unité et d’entraide commune qui pourra lui être fort utile quand il s’agira de conduire les négociations. 

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EuropeGuerreGuerre en UkraineotanRussie
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