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Le mystérieux chemin du pardon

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PREGHIERA

Di Dee Angelo|Shutterstock

Blanche Streb - publié le 18/04/22

Sans le pardon de Jésus sur la Croix, les hommes pourraient-ils se pardonner ? Notre chroniqueuse Blanche Streb raconte plusieurs chemins de pardon, dont le sien. Le pardon n’est pas une technique, c’est un don et un mystère : le chercher, c’est déjà l’approcher.

Nous entrons dans l’octave de Pâques, et le dimanche de la Divine Miséricorde nous attend déjà. Un (entre) temps propice pour méditer sur le pardon dont le modèle suprême est celui de Jésus sur la Croix : « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23, 34). Il y a des pardons qui nous semblent surhumains. Je pense à celui de Maïti Girtanner, une jeune et courageuse résistante de la Seconde Guerre mondiale. Arrêtée par la Gestapo, elle deviendra l’un des cobayes d’expérimentations inhumaines conduites par un « médecin » nazi, les guillemets s’imposent ici. Son bourreau espionnait ses victimes lorsqu’elles se croyaient seules. 

Le désir fou de pardonner

Les paroles de réconfort et d’espérance qu’avaient Maïti pour ses compagnons d’infortune, il les entendait. Elle fut laissée pour morte, durablement blessée physiquement et psychiquement par des mois de torture. Une fois libérée, elle découvrira l’immensité de ses séquelles et des renoncements qui l’attendent. Elle ne peut plus jouer de piano, n’aura pas d’enfants… « Ce que je n’étais plus, je devais accepter de le donner pleinement » raconte-t-elle dans sa biographie Même les bourreaux ont une âme, écrite avec Guillaume Tabard (CLD, 2006). Aussi fou que cela puisse paraître, elle confie : « Très vite j’ai eu le désir fou de pouvoir pardonner à cet homme. » Le pardon pourrait sembler une faiblesse, en réalité, aussi bien pour l’accorder que pour le recevoir, il faut une grande force spirituelle et un courage moral à toute épreuve, écrivait Jean Paul II dans son message pour la paix, en 2001. Ce chemin s’accomplit en elle, par la grâce. Quarante ans plus tard, le médecin, proche de la mort, cherche cette jeune fille qui dans le camp parlait de l’après-mort, la contacte, la visite et lui dira tout bas « pardon ».

Le pardon n’est pas l’oubli, même s’il peut aider à passer à autre chose. Et il n’efface en rien le besoin de justice. Pour la philosophe Simone Weil, « on ne peut pardonner que ce que l’on peut punir ». Nos vies sont ponctuées de pardons donnés et reçus. Certains sont plus difficiles que d’autres à accueillir ou à formuler. Certains semblent impossibles, parfois ils ne sont pas désirés ou ne semblent pas souhaitables ou utiles. Parfois, face à une blessure ou une injustice, il ne nous est pas demandé pardon. Comment pardonner ? Y aurait-il, comme pour le deuil, des phases, des étapes à traverser, à surmonter ? Pour Jean Paul II, « le pardon est avant tout un choix personnel, une option du cœur qui va contre l’instinct spontané de rendre le mal pour le mal ». Le pardon est un chemin long et souvent douloureux, une dynamique psychologique et spirituelle complexe qu’a exploré le père Jean Monbourquette, prêtre et psychologue. Dans Comment pardonner (Bayard, 2011), il en discerne douze étapes qui ne sont pas présentées « comme une recette infaillible, mais comme des balises sur le chemin d’un pèlerinage intérieur » explique le journaliste Luc Adrian

L’important est de faire appel au potentiel le plus élevé de l’homme, celui de transformer une tragédie personnelle en victoire, une souffrance en réalisation humaine.

Il importe par exemple de reconnaître sa blessure et ce qu’elle a endommagé en nous. D’essayer aussi de poser un regard lucide sur son offenseur, ses antécédents, ses conditionnements pour mieux comprendre, et faciliter le chemin de pardon. Il est bon aussi de méditer sur le sens que peut éventuellement prendre cette blessure dans notre vie. Pour le docteur Victor Frankl, psychiatre rescapé des camps de concentration et auteur de Découvrir un sens à sa vie : « L’important est de faire appel au potentiel le plus élevé de l’homme, celui de transformer une tragédie personnelle en victoire, une souffrance en réalisation humaine. » Enfin, ne pas oublier que pardonner peut prendre du temps, et surtout que parfois, on ne peut en être l’unique auteur. L’espérance sait que le pardon peut advenir, non de nos seules forces humaines, mais par don. On a besoin des autres, et plus que tout, du Tout Autre. L’issue normale et souhaitable d’un pardon est la réconciliation, mais celle-ci n’est parfois pas possible ou souhaitable. Le pardon n’implique pas forcément de ne pas mettre fin à la relation. 

Le pardon est un mystère

Ces conseils sont précieux. Mais le pardon n’est pas une technique, un marchandage ou une transaction. Le pardon est un mystère. Le chercher, c’est déjà l’approcher. Le désirer, c’est vouloir briser la chaîne du mal. Parmi les grosses blessures de mon histoire, celle d’une succession d’erreurs médicales, ayant entraîné, notamment, la perte d’un bébé. Il y a bien longtemps que je n’attends plus la moindre petite demande de pardon pour avancer. Je sais qu’elle ne viendra pas. Mais il y a deux ans, à la sortie d’une conférence, une femme très émue s’est approchée de moi. Elle était gynécologue. En tenant mon livre entre ses mains, elle m’a demandé pardon, avec tendresse et noblesse, « au nom de toute sa profession ». Elle qui n’avait rien à voir avec tout ça, dont j’ignore même le nom, m’a émerveillée, durablement. Ainsi va l’histoire de nos vies où tragique et merveilleux se côtoient, si souvent. 

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